Qu’ont-ils tous? On dirait qu’ils ont vu le diable! Ils n’avalent pas ce « coup » du capitalisme amerloquain. Ils disent que cette campagne est immorale alors que la planète agoniserait à cause de notre consommation effrénée.
À tout moraliser, les vertueux expriment en creux un curieux mépris pour les humains. Ceux-ci ne seraient que les jouets de la société (refrain connu) qui les contraindrait à des comportements compulsifs d’achat de choses inutiles.
Ainsi la ministre de la transition écologique, Élisabeth Borne, déclare: « À coups de remises, de publicités, on vous incite à acheter des produits dont vous n’avez pas nécessairement besoin ».
Fichtre! Elle connaîtrait nos besoins?
L’ancienne ministre écolo radicale Delphine Batho a fait voter par le parlement un amendement à la loi sur les soldes. L’objet est d’interdire la publicité spécifique pour le Black Friday. Les contrevenant risquent 300’000 euros d’amende et 2 ans de prison. C’est ça le progressisme.
Le Batho de Delphine prend l’eau quand elle déclare:
« Nous sommes dans une situation d’urgence écologique absolue, à un moment où nous devons rompre avec le consumérisme. (…) Une opération de marketing agressif qui prend les consommateurs pour des nigauds et présuppose un consentement mental à l’achat compulsif. »
Nigauds de consommateurs, salauds de pauvres qui profitent des remises!
Dire que le gouvernement a fait un geste en direction des gilets jaunes: un peu plus de pouvoir d’achat. Et maintenant ces irresponsables dépensent tout! Les consommateurs sont des veaux...
L’’émission C dans l’air hier tordait pourtant le cou à quelques indignations convenues des justiciers de supermarchés.
Par exemple, ces dernières années, les français n’achètent pas de plus en plus. Le niveau des dépenses reste stable mais s’étale différemment. Il y a davantage d’acquisitions avant Noël et moins pendant les soldes. Pas de quoi fouetter un (a)chat.
On peut vitupérer autant qu’on veut sur la consommation, mais il faut bien d’abord manger avant de déféquer. Ceux qui n’ont presque rien voudraient bien consommer, eux. La critique de la surconsommation, qui se répand de droite à gauche comme un thème de société, vient surtout des pays économiquement développés. Elle donne une image de modernité bienveillante et responsable.
Le journaliste Jean-Noël Cuénod s’en prend, lui, à l’anglicisation du français. Il a publié un texte anti Black Friday. Une prose prête-à-penser riche en stéréotypes et en détestation anti-américaine:
« Outre leurs festivités ineptes, genre Halloween et leur Présimonstre qui éructe dans une Maison de moins en moins Blanche, voilà que cet empire nous impose son « Black Friday », campagne de promotions à gogo pour gogos ».
Il fustige pêle-mêle la fièvre acheteuse, Halloween dont il méconnaît le rôle dans la société nord-américaine, le sagouin, le franglais et l’ouverture sur le monde, avec des accents très blochériens:
« … en ce jour de vendredi noir, le tsunami anglo-saxon augmente encore son volume. Impression de vivre en terre étrangère, pis, en terre occupée. »
Nous voilà en route vers le « grand remplacement » linguistique. En cause évidemment: Amazon.
Pourtant Amazon n’est que la suite logique des grandes foires du passé et des premiers supermarchés. On reproche à la firme américaine l’empreinte carbone des livraisons de ses colis. Question: est-ce vraiment plus que si chaque acheteur se rendait personnellement dans un magasin?
On lui reproche également de tuer le commerce de proximité et de pousser à la surconsommation. En réalité ce seraient surtout les supermarchés, qui offrent en gros une gamme aussi diversifiée, qui souffriraient. Et puis vendre fait travailler les producteurs et crée du travail.
Chacun achète librement ce qu’il veut selon ses moyens. La consommation crée de l’emploi et de la richesse. Par la production de masse elle contribue à démocratiser la société. Consommer c’est d’abord satisfaire des besoins vitaux, comme se nourrir et s’habiller. C’est aussi se faire plaisir: acheter un bon livre ou une tablette. Où est le mal?
J’aime le français, devrais-je comme Jean-Noël Cuénod m’offusquer de cet usage de l'anglais? Oui, mais non: je ne pense pas que Black Friday ou Sale menacent notre langue. Je n’en fais pas un casus belli américanophobe ou une instrumentalisation Trumpophobe. Les langues s’échangent des mots, je n’en suis pas plus troublé que ça.
La consommation engendre aussi des masses de déchets pas toujours recyclés, de la pollution, et des guerres pour les terres rares, entre autres. Cependant cesser de consommer de manière radicale pourrait conduire rapidement au fameux collapse, à l’effondrement (économique) rapide de la société.
Quant à l’économie circulaire, soit la proximité de la production et de la vente, la réparabilité, le recyclage et le marché de l’occasion, bien que vertueuse selon un mot à la mode, elle a ses limites.
Par exemple, pour acheter d’occasion et ainsi lutter contre la surconsommation, il faut qu’assez de personnes aient d’abord acheté du neuf. Une plus grande durabilité du produit permettrait-elle au marché de l’occasion de surpasser celui du neuf?
Et puis qui offrirait un cadeau d’occasion à Noël?
Faut-il se replier sur notre petit univers végétal local, renoncer aux bananes, au café? Aux vacances aux Maldives (îles supposées menacées par la montée des océans), dont le gouvernement a depuis quelques années agrandi l’aéroport principal et en a créé d’autres à fleur d’eau pour accueillir encore plus de touristes?
Dilemme: faut-il partir en vacances dans ce paradis et augmenter notre bilan carbone, ou faut-il renoncer et laisser à l’abandon sur leurs îles les populations pauvres qui vivent du tourisme?
Commentaires
Le français mourant (large extrait de mon blog édité ici)
Le français c’est un velours qui habille le balbutiement des pensées. L’harmonie des mots bien ordonnés vêt d’élégance la parole. La symphonie des phrases bien écrites habille de poésie la langue. Œuvre retouchée durant des siècles, sa mélodie s’invite dans toutes les bouches.
Français, tu te meurs ; on te coupe, on te défigure. Tes belles expressions sont tailladées ; le verbe dépérit faute de génie. Le pataquès a été porté au pinacle ; la médiocrité est à la page...
Ne vous essoufflez pas langue de Molière dans les courses de la rue ; ne vous éteignez pas fanal d’un peuple dans les bras de la verte génération ; ne vous en allez pas belles-lettres au musée des langues mortes ; survivez dans le tumulte du commun.
Hola Homme Libre,
Et si on prenait le tout à l'envers?
En acceptant de payer mieux les producteurs de produits alimentaires, le budget des familles pour le superflu disparaîtrait probablement.
(Et les petits/moyens agriculteurs/éleveurs/pêcheurs gagneraient enfin de quoi vivre dignement aussi.)
Bon dimanche, soleil de pluie ici sur l’île.
Hola Colette,
Ici c'est une pluie dense et glaciale, et quelques flocons fondants par moments.
Je pense aussi que les producteurs doivent être bien payés. Mais les familles semblent préférer les bas prix aux autres arguments. Tout cela est un peu compliqué et pas mal contradictoire.
Bon dimanche à vous aussi!