Ce devait être une ode flamboyante contre le racisme et une résurrection de l’afrofuturisme au cinéma. Un max de femmes et de personnages blacks et une thématique supposée antiraciste. J’en ai vu quelques moments lors d’une récente diffusion télé.
Black Panther est le premier superhéros à peau noire de Marvel (Captain America, Thor, etc). Les petits comics ont bien grandi et font aujourd’hui partie des productions cinématographiques les plus rentables.
C’est visuel, propre, sans émotion particulière. Il y a toujours un max d’action et de bagarres à mort pour sauver la Terre ou l’Univers. C’est très macho, violent, musclé même chez les filles, et la confrontation est un mode habituel dans les relations. À croire que le public féminin aime le machisme, les muscles huilés et saillants, les mecs qui se défoncent la gueule mutuellement avec des coups dont un seul nous arracherait la tête.
Le film glorifie une Afrique imaginaire dotée d’une technologie ultra-avancée, grâce au vibranium contenu dans une météorite tombée il y a longtemps. On doit comprendre que c’est une éloge de la culture africaine, mais ce n’est pas de la culture africaine. C’est une caricature de culture.
La bande-son est explicite de cette caricature. La musique est composée par un blanc qui, parfois, reprend une ambiance sonore africaine mais qui a visiblement plus de plaisir à composer une musique de blanc comme on en trouve dans les films de blancs sur les blancs. Du coup cette bande-son représente l’Afrique comme une nation blanche! À une époque ou des racialistes (néo-racistes) refusent que des blancs traduisent des textes de noirs, cela fait désordre.
Évidemment, la rentabilité a primé. Si le réalisateur noir n’avait mis que de la musique noire authentique: djembé, balafon, kora, le spectateur occidental n’aurait pas supporté le film, et les grands effets spéciaux n’auraient pas bénéficié des sons standards des films d’action occidentaux.
Du coup Hollywood a adoré sans se forcer trop, et le monde entier itou. Le film a connu un très gros succès populaire et commercial. Donc beaucoup de gens ont aimé. Soit.
Mais les critiques de spectateurs pas dupes sont sévères. Exemples:
« Proposant une mixture faisandée de James Bond et du Roi Lion, le script de Ryan Coogler réussit presque à diluer la gravité de ses thématiques (passionnantes) dans une bouillie caricaturale et indigeste. (…) Imaginez donc Martin Luther King réduit à une figure dangereusement rétrograde et naïve, et Malcolm X à celle d'un névropathe révolutionnaire qui vire terroriste sanguinaire. Ne riez pas, c'est exactement ce que raconte le film. »
Pourquoi alors le film a-t-il remporté un tel succès? :
« … les Oscars, les Inrocks et Danièle Obono nous expliquent donc que ce film est génial, quand bien même ils n’avaient jamais rien exprimé de semblable pour tous les autres films de la franchise.
Pourquoi un tel revirement d’opinion ? me demanderiez-vous.
Eh bien tout simplement parce qu’il y a des acteurs et des actrices noirs dans ce Black Panther.
CQFD.
Tout s’explique.
L’argument cinématographique est imparable.
J’en reste coi. »
Pour moi c’est un navet vaguement africain. Mais comme il est adoubé par tout ce qu’Hollywood compte d’anti-racistes de foire, il réussit à se tailler une place en marbre rose.
Pourtant c’est une histoire très hiérarchique, avec un roi, ses rivaux, des mâles forts, des femmes plutôt en retrait: la culture africaine telle que représentée dans ce film ne peut vraiment pas nous faire envie ni susciter notre admiration. Il faut vraiment détester Trump avec acharnement pour trouver, par esprit d’opposition, quelque qualité à ce navet.
L’anti-racisme, initialement une noble cause, devient de plus en plus incohérent.
Geoffrey Crété, critique à ecranlarge.com, est encore plus sévère:
« Black Panther donne la désagréable impression d’un produit vieillot et vide, particulièrement laid et mou, et d’une ringardise navrante.
La première aventure de la panthère noire est l’un des Marvel les plus soporifiques, et la pire origin story d’un univers de plus en plus grand. Ici, il n’y a même pas le second degré d’un Thor ou d’un Ant-Man, ou l’ambition visuelle d’un Doctor Strange, pour masquer les limites… »
Et au final: « … comment transformer un discours intéressant sur la lutte des classes et l'interventionnisme, en programme de blockbuster ordinaire. »
L’africanisme de pacotille ne gêne pas le camp du Bien. Un camp qui n’a aucune exigence artistique ni capacité critique. Le black fait partie des nouveaux tabous, même si cette caricature abouti finalement au contraire des valeurs supposées du réalisateur.
Mais on ignore ceci à propos du film: en reprenant comme titre le nom des violents activistes noirs américains des années 1960, il réactive le ressentiment du racisme de cette époque. Il n’est peut-être pas étranger à l’arrogante radicalisation des minorités noires aux USA, et partant il pourrait avoir favorisé un climat social antagoniste avant les émeutes de 2020.
Une partie de son propos, soit créer un mouvement mondial de violence et d’émeutes contre les blancs, est réellement dangereux.
On trouve les premières traces de l’afrofuturisme dans la contre-culture des années 1960:
« …l’afrofuturisme déconstruit l’histoire pour imaginer d’autres voies souhaitables, des territoires hors de la domination blanche, utilisant les œuvres de science-fiction comme alternative à la logique guerrière des Black Panthers, très en vue après l’assassinat de Martin Luther King. »
Cette contre-culture était en partie marquée par le courant du free jazz. Il y avait évidemment le grand John Coltrane. Un groupe faisait alors parler de lui: le Sun Ra Arkestra (image 5). Une musique afro-futuriste, festive, spectaculaire, qui entrait en partie en phase avec les thèmes des Panthers.
Tant qu’à proposer une musique afro-occidentalisée, Sun Ra Arkestra aurait été plus approprié que la lisse et insipide partition de musique blanche composée par Ludwig Göransson, une musique de blanc que le réalisateur noir s’est appropriée sans vergogne. Il faudrait que les films sur l’Afrique cessent de piller la culture blanche et représentent les vraies cultures noires. Qu’ils cessent d’être des alibis pour anti-racistes de foire. Non?
Le film récent est donc, sans en avoir l’air, dans la ligne dure des mouvements de revendication noirs les plus radicaux. Il présente une Afrique irréelle. Il n’y a évidemment aucune trace des anciens rois vendeurs d’esclaves.
Une auteuse africaine, Ray Mwihaki, en dit d’ailleurs ceci:
« Je crois que Black Panther est une idée occidentale de ce que l’Afrique pourrait être… […] Black Panther essaie de mélanger plein de cultures en un seul film, mais je préfère les histoires écrites pour nous, faites pour nous, et ensuite le monde peut regarder notre travail à nous. Black Panther ce n’est pas notre travail. »
Rien à ajouter.
Ci-dessous, un court extrait en 2009. En haut à droite un morceau « calme » du Sun Ra Arkestra.
Et la musique de blanc, Black Panther' Main Theme by Ludwig Göransson:
Commentaires
Aie aie aie le mot "défoncer" mais dans tous ses sens! Là le X n'est pas loin non plus! X comme Malcolm X bien sûr!
Défoncer c'est en rapport à la violence de certaines scènes.
En musique, je ne m'intéresse pas à la couleur des compositeurs, des interprètes même si parfois les influences culturelles peuvent être identifiées plus ou moins correctement tant la musique est le fruit d'échanges incessants. En ce moment je découvre des musique populaires jouées par des orchestres symphoniques...Tout est possible...Ce qui est déplorable c'est cette ultra violence cinématographique et après certaines personnes se lamentent quand il y a une tuerie de masse dans le monde réel......La base de la non violence, c'est renoncer au goût du sang. Tant qu'on égorgera des bêtes, il y aura cette énergie destructrice et mortifère ancrée chez les humains et complaisamment mise en scène par le cinéma.
J'aime aussi les mixages en musique, et je suis touché par la beauté plus que par l'origine d'un compositeur.
Je parle ici de musique de blanc parce que, pour un film connoté africain, la majorité des plages musicales n'utilisent ni les instruments ni les harmonies africaines. En soi je m'en fiche, je le souligne parce qu'il s'agit d'un film qui veut honorer la culture africaine.
Je viens d'écouter attentivement le "thème" du film que vous avez joint à votre article.. Il y a essentiellement une base orchestrale symphonique et quelque percussions ethniques puis vers la fin une voix de femme de type africain...Je suis d'accord sur le fait que ce "thème" n'évoque pas vraiment l'Afrique (à part la voix qui n'apporte pas grand chose) mais par contre je pense qu'un compositeur talentueux de n'importe quelle origine serait capable de créer une musique qui soit belle et qui évoque l'Afrique en utilisant judicieusement quelques instrument ethniques voir même uniquement avec un orchestre symphonique (puisque c'est la marque des films à grand spectacle) mis en oeuvre de façon créative.
Black Panther est un film américain fait pour les noirs américains.
Et entre la culture noir américaine et la culture africaine, il y a une très grande différence.
Black panther et son pays sont une utopie.
Un peu comme les avengers le sont pour les blancs.