Maintenant on sait que le risque d’incendies de forêt était depuis des années classé au plus haut dans le sud-ouest français. Et quand c’est arrivé les moyens n’étaient pas à la hauteur du risque, la région méditerranéenne semblant davantage protégée que les Landes de l’Atlantique.
J’ai évoqué ces questions précédemment, en particulier l’absence de bombardiers d’eau à demeure en Gironde et la fatigue de la flotte française dont le Canadair est le fleuron. L’auto-satisfaction du président Macron (elle est la plus moderne d’Europe) ne résout par les problèmes actuels.
Les avionneurs et certaines autorités semblent soudain avoir pris la mesure de la chose. On sait que l’entreprise canadienne produisant les Canadair en avait cessé la fabrication. Eh bien c’est reparti. L’entreprise De Havilland a reçu un nombre de précommandes suffisant pour relancer sa chaîne. Vingt-deux bombardiers d’eau vont être produits ces prochaines années, plus six commandés par l’Indonésie.
C’est une bonne nouvelle. Le Canadair, initialement marque indépendante puis produite par Bombardier, est conçu entièrement pour la lutte contre les feux. Il reste le plus intéressant des systèmes malgré sa relativement faible quantité d’eau déversée – environ 6’000 litres contre 20’000 pour d’autres systèmes.
Son très grand avantage est de pouvoir refaire le plein d’eau tout en volant, sur n’importe quelle surface plane. Ce système permet de faire de nombreuses rotations au-dessus d’un feu sans que l’avion doive s’arrêter, en bord de mer ou à l’intérieur du pays.
Selon Wikipedia:
« … il fait le plein d’eau directement en vol en passant en rase-motte au-dessus d’un lac, d’une rivière, ou même de la mer, en déployant des écopes sous le fuselage. Le plan d’eau doit avoir une profondeur minimale de 1,40 mètre et le survol en remplissage s’effectue sur une longueur d’environ 450 mètres à une vitesse sur l’eau variable entre 140 et 160 km/h. »
Une autre bonne nouvelle est le test récemment réalisé en Espagne, en présence de représentants des autorités européennes. Un Airbus militaire, le A400M, a été transformé en bombardier d’eau:
« Un A400M a largué de jour 20 tonnes d’eau en moins de dix secondes en volant à moins de 50 mètres d’altitude. (…) Pour cela, deux citernes d’une capacité de dix tonnes chacune sont installées dans l’immense soute de l’appareil, reliées à deux énormes tuyaux qui sortent par la rampe arrière de l’avion. Ce kit « ne nécessite aucune modification de l’appareil et est donc interchangeable avec tous les appareils de la flotte A400M. »
Il transporte plus de trois fois la quantité d’eau ou de retardant du Canadair. Il ne peut écoper en vol et doit se poser pour recharger. Il peut cependant se poser sur une plage et ainsi se ravitailler très rapidement. L’avion existe et le kit pour le transformer en bombardier d’eau est simple à installer et à retirer.
Les tests sont concluants.
« Airbus a choisit l’A400M suite à ses caractéristiques : il a déjà démontré au sein de nombreuses forces aériennes sa manœuvrabilité en basse altitude et à faible vitesse. D’ailleurs, le largage s’est effectué à une altitude de 45 mètres et ce, à une vitesse de 231 km/h. »
D’autres systèmes sont envisagés, comme la transformation d’avions de lignes en bombardiers d’eau. La Californie a ainsi fait usage d’un Boeing 747 en action contre les grands feux dans les années 2000. En France on étudie la transformation d’un A310 capable d’emporter 30 tonnes d’eau. Le projet n’a pas encore abouti à ma connaissance.
Concernant le Boeing 747, quelques précisions:
« Cet appareil unique capable de déverser 74 000 litres d’eau en volant à seulement 120 mètres d’altitude est une vedette dans le monde de la lutte aux incendies aérienne.
Utilisé au début de 2017 au Chili, il a obtenu un taux d’efficacité (pourcentage d’eau atteignant les zones visées) de seulement 13,6 %, le second plus faible taux des six types de bombardiers d’eau utilisés. »
Il n’a pas pu être rentabilisé est est aujourd’hui mis en vente.
L’idée de transporter de plus en plus d’eau est séduisante mais ici c’est au prix d’une perte de précision et d’efficacité des largages. Entre le Canadair et le 747 il doit y avoir un compromis alliant un plus grand réservoir avec une bonne maniabilité.
Une flotte d’appui aux Canadair sera mise en place pour 2025, forte de 25 appareils.
Commentaires
Que dire ? Pour lutter contre les incendies, les techniciens et la technologie existent et peuvent être améliorés. Il reste la volonté politique et l'anticipation des mesures. C'est un peu comme le nucléaire. On ferme les centrales les moins polluantes et, en urgence, on ouvre les vielles centrales au charbon, tout en adressant des leçons au peuple et en l'infantilisant, afin qu'il économise l'énergie. Je croyais qu'on avait élu ces gens-là pour prévoir...
On pourrait aussi renforcer les lois sur la non-constructibilité (à long terme) des terrains boisés, cela éviterait les incendies à visées spéculatives. La dernière fois que j'avais suivi le sujet, il me semble qu'un espace boisé ayant brûlé voyait son statut de constructibilité changer à plus ou moins brève échéance. A confirmer mais j'en suis presque certain (au moins dans certains cas)