Épisode de réchauffement stratosphérique soudain.
Republication de cette note qui, hier, n’a pas paru dans la liste des nouvelles notes. Cela m’arrive presque une fois par semaine sans que j’en connaisse la raison. Quel est ce bug chez Blogspirit? On paie pour être publiés et visibles, pas pour être oubliés.
Retour d’une situation météo hivernale classique se met en place. Un magnifique front froid devrait nous atteindre dimanche. Si les modèles de prévision météorologiques voient juste ce sera dans la nuit de samedi à dimanche. Clic pour agrandir les images.
Son arrivée pourrait être annoncée par un changement brusque d’orientation des vents. Un régime de bise forte est annoncé pendant deux jours. Les températures nocturnes devraient descendre sous le zéro à Genève, mais l’ensoleillement étant plus long et intense l’atmosphère commence à se réchauffer et les journées ne devraient pas connaître de gel. Le temps restera sec.
Pourquoi une nouvelle vague de froid alors que l’hiver touche à sa fin?
D’abord février est un mois froid et imprévisible. Ensuite l’inertie des saisons fait qu’il peut neiger en mars ou avril.
Le mécanisme qui va produire ce retour d’un froid polaire est appelé Réchauffement stratosphérique soudain (Sudden Stratospheric Warming ou SSW en anglais). Cékoiça?
La stratosphère est la couche d’atmosphère située entre 10 et 80 km environ. Elle est au-dessus de la couche où nous sommes. (la troposphère, de 0 à 10 km). Elle est très froide.
En hiver le pôle Nord est entièrement dans l’ombre. La température de la troposphère peut descendre jusqu’à -80 degrés Celsius.
Cette masse d’air froid est concentrée dans un espace délimité par une ceinture de violents vents de haute altitude, le jet stratosphérique ou Polar Night Jet. C’est le vortex (tourbillon) polaire. Il est au-dessus du jet-stream que nous connaissons bien. Les deux courants circulent dans le même sens. La réserve d’air froid est circonscrite et ne descend pas très bas sur l’Europe.
Mais il arrive assez régulièrement que la stratosphère se réchauffe rapidement. En ce mois de février par exemple elle est montée de -80° à -10-20°. Ce mécanisme a été découvert dans les années 1950.
Ce sont des vagues d’air plus doux qui apportent cette chaleur en hauteur. Selon Wikipedia:
« L’une des causes de ces grands réchauffements dans l’hémisphère nord est la génération d’ondes de Rossby de grande amplitude (nombre d’onde 1 ou 2) dans la troposphère sous-jacente par le relief et les contrastes de température entre la terre et les océans. Ces ondes remontent vers la stratosphère et s’y dissipent, ralentissant les vents et réchauffant l’Arctique à cette altitude. »
Le réchauffement planétaire n’y est pour rien. Les oscillations océaniques naturelles et les obstacles au sol les favorisent.
Les deux courants jet délimitent l’air froid du nord et l’air chaud du sud. Plus le contraste est grand plus les courants sont intenses et rapides et maintiennent le froid dans sa place. Leur vitesse forme un mur d’air infranchissable: de 100 à 300 km/h pour le jet-stream, plus de 200 km/h pour le jet stratosphérique.
Ce changement de température affaiblit le jet stratosphérique et peut le déplacer. Si le contraste de température diminue comme c’est le cas dans un SSW, les vents faiblissent et même s’inversent. Les deux ceintures des courants jet ne contiennent plus l’air froid en place. Ils ondulent et cet air froid est chassé par le SSW et s’étale vers des latitudes plus basses.
Les images 2 et 3 tirées des sites Windy et Meteoblue montrent pour ce dimanche un grand anticyclone sur l’Angleterre et une basse pression sur la Russie. Leurs mouvements giratoires opposés se combinent ici pour aspirer l’air polaire et le faire descendre sur presque toute l’Europe.
Difficile de prévoir la durée de la séquence. Quelques jours? Davantage?
Et pourquoi ce mécanisme ne reste-t-il pas bloqué toute l’année? Parce que le réchauffement estival naturel diminue et désamorce le vortex polaire et adoucit l’air froid qu’il contenait.
Et parce que l’air froid polaire freine les remontées d’air chaud qui justement avaient déclenché le SSW. C’est une rétroaction négative, qui diminue le processus qui l’a déclenchée. De celles qui signent des systèmes stables et auto-régulés comme le climat.
Sur la vidéo ci-dessous une animation courte illustre le phénomène. Des sous-titres en français y sont disponibles.