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Balkans : qu’arrive-t-il au lac Prespa ?

Balkans : qu’arrive-t-il au lac Prespa ?

C’est le plus ancien lac d’Europe, avec ses 4 millions d’années. Il est à cheval sur la Grèce, la Macédoine et l’Albanie. Un très beau lac aux eaux cristallines. Mais voilà, il perd ses eaux.

 

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Certains médias mettent en cause la variation climatique. Dans le 20 minutes on trouve par exemple ceci en titre:

« …le lac Prespa, l’un des plus anciens d’Europe, est à la fois victime et marqueur du changement climatique. (…) … la hausse des températures a bouleversé le rythme des précipitations, asséchant les rivières et cours d’eaux vitaux pour l’alimentation du Prespa. »

L’article mentionne également l’évaporation plus forte à cause du réchauffement des températures.

Toutefois une autre étude plus fouillée insiste sur d’autres aspects.

« Un déclin au niveau du lac de près de 10 m a été documenté entre 1950 et 2009 en raison de précipitations limitées et d’une augmentation de l’abstraction de l’eau pour l’irrigation. »

La disparition des lacs est normale et naturelle:

« La baisse des niveaux d’eau dans les lacs est un processus qui se produit naturellement dans ces écosystèmes. L’évolution naturelle d'un lac est de s’incliner et de disparaître à la suite des apports matériels de son bassin jusqu’à ce qu'il remplisse son plan d’eau. »

 

sécheresse,lac prispa,balkan,albanie,grevePluviométrie

Mais ici une autre cause est en action:

« Cependant, à l’heure actuelle, ce processus naturel de colmatage est lié à une diminution du niveau d’eau en général due à l’utilisation des ressources en eau dans le bassin hydrologique. Ainsi, la perte de niveau d’eau n’est pas seulement due au colmatage des sédiments, mais aussi à une diminution du volume d’eau stockée, accélérant la disparition de ces plans d’eau. Quelques exemples bien connus sont la disparition de la majeure partie de la surface de la mer d’Aral ou l’assèchement du lac Tchad, dans les deux cas en raison de l’utilisation des eaux qui alimentaient ces lacs. »

Si en fin des années 1980 une longue sécheresse a impacté le volume d’eau, les baisses récentes du niveau

« … sont causées par l’abstraction de l’eau ( ~ 72% ) et amplifiées par des diminutions des entrées liées au climat ( ~ 28% ). »

En continuant à chercher les raisons de cet abaissement du lac Prespa, j’ai consulté des relevés de pluviométrie et de températures de quelques stations à l’entour du lac, dans un rayon d’une centaine de kilomètres. J’ai pu trouver des données depuis environ 40 ans. C’est court mais cela donne une idée de la météo régionale.

J’ai sélectionné deux villes proches des lacs Prespa et Ohrid. À Ohrid, ville la plus proche (image 2 extraite du site infoclimat.fr, clic pour agrandir), les relevés montrent, dans la partie inférieure, l’évolution de la pluviométrie. Elle est plutôt en augmentation, ce qui contredit l’information sur la raréfaction des précipitations.

 

sécheresse,lac prispa,balkan,albanie,greveVariations

J’ai détaillé les mois d’hiver, car la neige peut manquer, ce qui a des conséquences à la baisse sur l’eau globalement disponible (voir ici). Après deux décennies de très faibles précipitations en janvier de 1980 à 2000, celles-ci ont repris nettement à la hausse depuis lors. Idem pour février et mars. Les précipitations hivernales sont parfois là, parfois pas, comme obéissant à un cycle invisible.

Autre station météo, Bitola, à l’est du lac Prespa (image 3): pas de réduction des précipitations, qui sont à un niveau globalement intéressant. Au sud-est, à l’aéroport de Kastoria, si les hivers sont relativement secs, les printemps et automnes sont normalement humides.

De toutes façons c’est près de la Grèce, climat sec, et donc la région reçoit moins de pluies que par exemple la Suisse. Cependant ce qui m’intéresse est de savoir si les précipitations ont baissé, entraînant une baisse du niveau du lac.

Or, on le voit, les relevés ne confirment pas cette hypothèse liée au réchauffement.

Et la température? Sur le graphique du haut de chaque image on peut aussi voir leur évolution. Si la moyenne (trait rouge) des températures chaudes a légèrement augmenté, globalement (traitillé rouge) elle est restée stable. Pas de tendance remarquable.

Un ensoleillement plus généreux peut précipiter l’évaporation estivale, mais les relevés sont trop récents (6-7 ans) pour les prendre en compte.

De plus le niveau du lac aurait baissé de 10 mètres sur une profondeur moyenne de 14 mètres? Cela semble beaucoup.

Une étude sur le climat de la région depuis 17 000 ans montre que des variations: plus chaud, plus frais, plus sec, plus humide, ont été relevées à différentes reprises.

 

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Dans la région, le lac Orestiáda près de la ville de Kastoria, à une cinquantaine de kilomètres au sud du lac Prespa, n’a pas baissé. Pourquoi pas lui? Les conditions locales peuvent différer, mais il ne semble pas subir une baisse des précipitations.

Plus à l’est mais pas très loin, en Grèce du nord-ouest toujours, le lac Vegoritida ne subissait jusqu’en 1950 que les variations naturelles connues. En 1956 un tunnel de pompage a été mis en service. Ce tunnel:

«  … extrait l’eau du lac de Vergotida et transporté plus loin en aval dans le bassin Agras pour permettre le fonctionnement de sa centrale. De 1956 à 1981, le niveau du lac a baissé de 18 mètres. En 2002, le lac a atteint le niveau minimum de 508, 5 m s.l.m. »

18 mètres en 25 ans, dûs aux prélèvements. 

En volume le lac Prespa a perdu 54 % de son stock. C’est énorme. Les aléas et variations climatiques n’expliquent pas cela. Alors pourquoi son niveau a-t-il baissé ces dernières décennies?

Selon l’étude mentionnée plus haut, les chercheurs n’ont pas trouvé de tendance marquante sur 348 sources de données de températures pendant 30 ans:

« … il n’y avait pas de tendance statistiquement significative. »

Pour les précipitations les chercheurs ont compilé 840 sources de données météo pendant 40 ans. Surprise:

« L'évaluation de la quantité de précipitations au cours de cette même période a révélé que les précipitations mensuelles moyennes et les précipitations annuelles n'ont pas diminué; ils avaient plutôt tendance à augmenter. »

 

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L’image 4 extraite de l’étude illustre la pluviométrie dans deux stations du lac Prespa. L’étude poursuit:

« On ne sait pas exactement comment ces chiffres météorologiques représentent le changement climatique dans la région et comment ils sont connectés à la baisse du niveau d’eau que le lac Prespa a connue et nécessite une étude plus approfondie. Néanmoins, ces données semblent soutenir l’idée que d’autres causes peuvent être le facteur majeur du phénomène de perte d’eau qui se produit depuis des siècles. »

La cause attribuée au réchauffement est donc non seulement incertaine, mais plus encore indémontrable. Tout rattachement de cet événement local du lac Prespa est donc excessif et abusif et dénote un gros manque de curiosité chez certains journalistes.

L’article poursuit en précisant que la perte d’eau a été remarquée principalement entre 1987 et 2004. Mais cette perte a cessé depuis 10 ans. L’irrigation à fins agricoles semble aujourd’hui être la cause majeure de l’assèchement progressif du lac Prespa.

Et de toutes façons le lac disparaîtra, car il baisse régulièrement de puis des siècles.

« Cependant, puisque le processus de vidange du lac suit une tendance séculaire, sa disparition presque totale sous la forme pour laquelle il est connu jusqu’à présent ne peut être qu’une question de peu de temps, comme cela s’est produit avec la mer d’Aral et le lac Tchad, entre autres. »

 

sécheresse,lac prispa,balkan,albanie,greveVérifier

En attendant un autre problème touche le lac: l’eutrophisation, soit l’étouffement, la perte d’oxygène, à cause des fertilisants agricoles qui, une fois passés dans le lac, stimulent la prolifération d’algues.

Si le lac Prespa se vide c’est selon toute vraisemblance dû aux prélèvements humains et à des processus naturels non forcés.

Laissons un peu de côté le réchauffement, l’urgence, l’angoisse, la peur panique du basculement et de l’extinction de l’humanité. Vérifions avant de croire.

 

 

 

Catégories : Environnement-Climat 5 commentaires

Commentaires

  • Bonjour, ma question n'est pas du tout provocatrice, et j'espère qu'elle ne paraitra pas condescendante. Elle est sincère.

    N'avez vous jamais pensé que votre constance à chercher des preuves de l'absence d'effondrement vous aidait en réalité à invisibiliser ses effets, c'est à dire en dernière analyse à mieux le gérer émotionnellement ?

  • Bonjour Laurent,

    Votre question ne me choque pas, je la trouve même pertinente. Je me pose régulièrement des questions sur ma propre démarche, sur ce qui me motive et sur ce qui en résulte.

    Cela m'est difficile de vous répondre. Si c'est le cas, c'est quelque chose que je ne fais pas à dessein. Au début des campagnes d'info sur le réchauffement j'avais tendance à y croire. Et puis mon intérêt ancien pour la météo et le climat a pris le dessus, je me suis mis à confronter mes observations personnelles avec l'alarmisme, je les ai creusées, élaborées grâce aux données disponibles.

    Il est vrai que je vis émotionnellement plutôt bien l'évolution climatique actuelle. Mais c'est, je pense, d'abord parce que j'ai un doute profond, objectif, sur le risque d'effondrement (je ne peux d'ailleurs que regretter que ce doute ne soit pas plus partagé).

    Par contre il est inconfortable de ne pas suivre la majorité. La majorité des gens avec qui je parle n'ont que très peu de notions. Ils croient la presse, et la presse les met en feu. Je pense que très peu d'acteurs savent réellement quoi que ce soit sur la météo et le climat, et la confusion règne au profit de la panique. Je ne peux cautionner cela.

    Mais c'est évidemment discutable, et j'ignore encore où cela me mènera.

  • Pour revenir au sujet du jour, il est je trouve emblématique. La presse grand tirage rajoute une couche sur le réchauffement, et des chercheurs qui ont étudié la région ne voient au contraire pas de lien. Ils le disent avec ménagement mais assez clairement. Avec cela on ne peut qu'entretenir le stress et un sentiment d'impuissance, vu que la cause supposée et l'effet constaté ne sont pas liés.

    Dissonance cognitive majeure qui met les gens dans les mains de quelques spécialistes supposés mieux sachant. Ce dont je doute aussi quand je vois le décalage et la surestimation du réchauffement par les modèles, en comparaison aux relevés. Lesquels relevés devraient eux aussi être discuté attendu les problèmes soulevés par l'emplacement de nombreuses stations météo et par les ajustements successifs des données, entre autres.

  • Bonsoir, merci beaucoup pour votre réponse sincère et argumentée.

    L'effondrement est vu souvent comme un évènement brutal, or beaucoup d'analystes montrent qu'il peut se produire lentement, par paliers successifs, sans qu'on ait l'impression d'un changement radical dans l'ordre des choses.

    Ce qui me frappe le plus, c'est quand vous dites : "Je pense que très peu d'acteurs savent réellement quoi que ce soit sur la météo et le climat", ou que vous parlez du "décalage et de la surestimation du réchauffement par les modèles, en comparaison aux relevés"

    Pourtant, les spécialistes du climat existent, ils prennent évidemment en compte ces décalages, pourquoi leur prêter une telle absence d'expertise, surtout quand celle-ci est aussi partagée ?

    C'est là dessus que j'ai du mal à vous comprendre. Qu'on s'interroge objectivement sur les limites de la science du climat, je le comprend, mais qu'on tienne des positions aussi radicales me semble obéir à d'autres motivations qu'une simple inquiétude envers l'objectivité scientifique.

    Bien sûr, je peux me tromper.

    En tout cas, je continuerai à lire vos posts sur le climat, que je trouve intéressants et bien faits.

  • Je pense que le réchauffement climatique est une réalité car je fais confiance aux scientifiques du Giec. Mais quand la presse s'empare du sujet, ce n'est plus de la science mais de l'idéologie. Le moindre écart météorologique devient alors une preuve supplémentaire des conséquences de la montée des gaz à effet de serre. Tout est bon pour faire peur. Certes, la prise de conscience du réchauffement est nécessaire mais c'est la vérité qui compte et seulement la vérité. Hélas ! les journalistes scientifiques ne sont pas nombreux dans les rédactions. Ce qui manque c'est une information objective et H.L. essaie de compenser la partie cachée de l'info, ce qui permet de se faire une opinion relativement proche de la réalité.

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