Analyse des récentes inondations en Emilie-Romagne.
Elles sont attribuées au réchauffement, et à la « tropicalisation » du climat italien, par une partie des médias. Pourtant en 1966, Florence avait déjà subit un désastre suite à une crue démentielle du fleuve Arno. 5 à 6 mètres d’eau au centre ville, 34 morts, des oeuvres d’art sous l’eau.
Et en 1951 une crue historique noyait une grande partie de la plaine du Pô, avec de graves conséquences économiques et sociales:
« C’est à la suite de cette catastrophe que la population du Polesine, déjà éprouvée par le conflit mondial et par le chômage de l’après-guerre, a dû émigrer vers les villes industrielles ou jusqu’à l’étranger. »
« Cela a commencé par des pluies torrentielles qui ont enflé les fleuves, les rivières et les torrents. L’eau a débordé. Elle a envahi les terres et les maisons, coupant les routes et les voies ferrées. Puis elle s’est précipitée sur les bourgs, sur les villages, sur les villes, noyant les récoltes, les meubles, le bétail. Elle charrie maintenant des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants. »
Ainsi va le temps, celui de la météo.
L’événement météorologique de la semaine dernière en Emilie-Romagne est d’une intensité exceptionnelle. Il est dû à une situation météorologique elle aussi exceptionnelle. Une goutte froide, zone de basse pression, fait remonter de l’air humide du sud (image 1, earth.nullschool, clic pour agrandir).
Au nord un flux de nord-est plus frais rencontre cet air humide. La zone de turbulence s’engouffre dans les terres et va se heurter aux montagnes. Là, ces nuages énormes déversent leur eau comme des seaux! Et toute l’eau descend directement vers Bologne et les autres villes de la plaine agricole (image 2, Wiki).
Ces situations sont connues. La topographie du nord de l’Italie permet que les dépressions soient arrêtées par la barrière des Alpes ou des Appenins. Quand aux pluies diluviennes, les italiens ont un nom pour ce type de monstre: le nubifragio, ou « sac d’eau ». Cela tient du très gros orage ou de la supercellule, de la tempête et de l’ouragan. On parle aussi de cyclone subtropical méditerranéen.
Subtropical: le mot est repris par un membre du gouvernement. Il laisse à penser que les chaleurs extrêmes du sud vont s’installer à demeure sous nos latitudes.
« Le ministre italien de la Protection civile parle d’un phénomène de “tropicalisation”. Il dit que “rien ne sera plus comme avant” en raison de ce phénomène qui monte de l’Afrique et atteint l’Italie. »
Mais, il faut le signaler, l’article de BFM précise que ce terme n’a pas de signification ici:
« Ce terme de “tropicalisation” n’est pas validé par les spécialistes du climat. Il renvoie à la chaleur très élevée et très humide que l’on trouve près de l’équateur, sous les tropiques. Ce n’est pas comparable au climat de l’Italie. »
Pourtant il existe une zone nommée: climat subtropical humide (image 3, Wiki). Ce n’est donc pas nouveau.
Mais il ne s’agit pas de la véritable zone tropicale. Ici c’est une zone qui reçoit périodiquement de l’air chaud et humide du sud (comme par exemple la Suisse au mois d’août) sans que le climat soit tropical de manière permanente.
Aussi intenses et dramatiques soient-elles, ces inondations entrent dans une réalité déjà connue par le passé, et liée à la météorologie régionale ainsi qu’à la topographie. Sont-elles plus intenses que celles de 1951? Difficile à dire. Y en aura-t-il davantage à l’avenir? On ne le sait pas.
On cite à l’appui de la connotation réchauffiste qu’il s’agit de flash floods, d’inondations expresses ou crues soudaines. Elle ne montent pas progressivement mais déboulent comme une avalanche, ou presque. Ces flash floods seraient un effet du réchauffement. Ce n’est pas impossible mais ce n’est pas prouvé. Cela s’est à mon avis certainement déjà produit, mais nos observations météo n’étaient peut-être pas aussi complètes.
De plus les fortes pluies en montagne produisent des flots que rien n’arrête et d’une célérité impressionnante. Or les pluies des 16-17 mai sont en bonne partie tombées sur les reliefs. Des montagnes où les nuages s’accumulent, des pentes abruptes où rien ne tempère les flots, un vent violent et une dépression stationnaire, des nuages exceptionnellement humides, un conflit de masse d’air, tout était là pour la catastrophe.
Un intéressant article paru dans la Revue de Géographie Alpine en 1952 sous la plume de Maurice Pardé expose en détails la grande crue du Pô, et rappelle d’autres inondations catastrophiques plus anciennes.
À lire aussi le blog de MétéoSuisse sur les gouttes froide et la météo en Italie.
Dans un autre article on trouve mention de crues exceptionnelles plus anciennes encore.
Le météorologue de la RTS (vidéo en bas) invoque la sécheresse de plusieurs mois avant ces inondations pour expliquer que le sol trop sec n’a pu absorber autant d’eau d’un coup.
Mais un membre de l’Institut de recherche pour la protection hydrogéologique du Conseil national de recherches dit autre chose:
« La particularité de l’événement, qui a été classé comme extrême sur la base des données des 20 dernières années, est qu’il insiste sur la même zone déjà affectée il y a deux semaines. Cela signifie que les sols étaient déjà saturés et ne pouvaient donc pas absorber l’excès d'eau, ce qui a aggravé les inondations de toutes les rivières. »
Les informations contradictoires, c’est embêtant. Pour l’un les sols étaient trop secs, pour l’autre trop mouillés. Qui a raison? Qui croire?
Au final y a-t-il davantage de crues extrêmes aujourd’hui? Difficile à dire. Il faudrait une étude indépendante et minutieuse, dans laquelle l’effet loupe (le grossissement de l’information) soit éliminé. C’est important pour anticiper sur les éventuels événements futurs.
À noter: le 19 mai certains médias annonçaient une séquence de pluies intenses pour le 21 sur le Piémont. On prévoyait même 3 mètres de neige en hauteur. Or les intempéries ont été moindres qu’annoncées. Parfois la météo se trompe.
Parmi les médias qui incriminent le réchauffement, le site meteorologieenrouge dit ceci:
« Cependant, des événements comme ceux d’Italie sont le résultat de réchauffement de la planète et les problèmes dont nous souffrons depuis des années. C’est ce qu’ont déjà affirmé les experts interrogés sur les causes des inondations en Italie. »
Explications – celles d’
« Antonello Pasini, climatologue au Conseil national italien de la recherche. Selon lui, les changements qui se produisent dans le climat ont fait que les jours de pluie sont beaucoup moins nombreux qu’il y a quelques années. En contrepartie, lorsqu’il y a des précipitations, elles sont beaucoup plus fort. »
Je ne vois pas la raison de cette contrepartie, ni l’explication rationnelle de cette hypothèse.
Enfin en fouillant un peu j’ai trouvé une étude sur les intempéries extrêmes en Italie depuis 1200 ans (image 5). Je note que cette étude valide elle aussi le réchauffement médiéval. La variable bleue du bas est l’indice d’intensité des tempêtes. Selon cette recherche elles ont été beaucoup sévères dans le passé qu’aujourd’hui.
On le voit les incertitudes sont encore nombreuses et importantes. La parole alarmiste ne rend pas compte de la réalité. Par contre certaines agences montrent parfois une prudence bienvenue, ainsi MétéoFrance à propos des tempêtes:
« Le 5e rapport du GIEC (GIEC, 2013) (…) n’accorde qu’un faible degré de confiance à la projection de l’évolution des trajectoires des tempêtes dans l’hémisphère Nord. Cette forte incertitude se confirme à l’échelle de la France métropolitaine puisque les études actuelles ne permettent pas de mettre en évidence une tendance future notable sur l’évolution du risque de vent violent lié aux tempêtes. Les projections ne montrent en effet aucune tendance significative de long terme sur la fréquence et l’intensité des tempêtes que ce soit à l’horizon 2050 ou à l’horizon 2100. »
Je relis: … aucune tendance significative de long terme sur la fréquence et l’intensité des tempêtes que ce soit à l’horizon 2050 ou à l’horizon 2100.
La science du climat n’est pas encore établie.
L’image satellite du 17 mai (6) est extraite du site italien AbruzzoMeteo. La boule de nuages, qui est la dépression en route pour l’Italie, est impressionnante.
Sur la RTS:
Commentaires
Ce qui se passe en Italie risque d'arriver en Bretagne. Depuis un certain temps, le vent souffle au nord-est tous les jours ; et la pluie se fait attendre. La sécheresse nous guette ; il suffira d'une inversion du vent pour que les précipitations remplissent les rivières. Les bonnes âmes feront alors référence au réchauffement climatique, mais, comme d'habitude, sans aucune preuve. En attendant, je vais profiter du soleil pour aller me baigner dans une eau à ... 14 degrés !
Bonjour Henri,
J'ai aussi constaté sur différentes cartes que la Bretagne manque de pluie. Les bonnes vagues de pluies d'ouest se font décidément attendre.
14 degrés, vous êtes courageux!
Bonne journée Henri.