Le Sahel reverdit.
C’était un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Une sécheresse harassante, terrible, avait frappé le Sahel pendant plus de 20 ans. C’était la préoccupation climatique majeure des années 1970, avec le risque de refroidissement planétaire.
Certains prévoyaient l’extension du Sahara vers le sud, la totale désertification du Sahel et même celle du reste de l’Afrique.
« Par exemple, plusieurs auteurs ont évoqué une extension spectaculaire du désert du Sahara, qui menacerait toutes les terres arables africaines à brève échéance (Hubert, 1920 ; Lamprey, 1975 ; Stebbing, 1935). »
Les décennies 1970 et 1980 ont été marquées par un déficit global des précipitations dont deux paroxysmes de sécheresse.
En 1977 une publication analyse la première phase de sécheresse dans cette région qui va de la Mauritanie à la mer Rouge, région nommée aussi zone soudanaise.
Elle mentionne d’anciennes sécheresses dans la préhistoire, et celle plus proche de nous en 1913 (période 1910-1916). Par la suite le Sahel a connu une période nettement plus humide que la moyenne, avant de plonger dans cette longue sécheresse qui fit de nombreux morts et des exodes de populations. Quant aux sols ils ont été fortement dégradés.
Les géographes Aziz Ballouche et Aude Nuscia Taïbi ont étudié la sécheresse sous l’angle du discours des experts. En 2013 ils ont publié leur étude:
« Les phénomènes d’aridification, d’assèchement ou de dessèchement, connotés négativement en termes de péjoration climatique ou de dégradation des milieux, sont les entrées privilégiées par différents acteurs et experts. À ce sujet, les discours, les savoirs et les techniques qui s’imposent autour de l’eau comme ressource – appropriée, convoitée, contestée – résultent de logiques qui ne sont ni neutres ni objectives.
Bien au contraire, les études dont ils ont fait l’objet mettent en évidence les dimensions idéologiques et sociales de leur formulation et leur étroite articulation avec les relations de pouvoir. »
Ni neutres, ni objectives; dimension idéologique. Je m’en doutais un peu, c’est bien de le lire ici.
La définition du mot sécheresse est questionnée:
« Tout autre est le sens donné à la sécheresse conçue comme une « anomalie », dans le cas d’un écart entre les précipitations effectives en un lieu et les valeurs moyennes, dites parfois « normales ». Dans ce cas, la norme peut se discuter tant par ses modes de calcul que par ses périodes de références.
La question se pose tout spécialement en Afrique soudano-sahélienne, où la qualité des mesures et le recul temporel insuffisant peuvent être causes d’incertitude. Et ce, d’autant plus que l’une des caractéristiques du climat sahélien est la grande variabilité interannuelle des précipitations. »
Toutefois depuis la décennie 1990 les pluies sont de retour. Le Sahel reverdit! Un article récent fait le point sur cette évolution positive. Il mentionne un rapport de 2021 de la Convention contre la désertification de l’ONU, où l’on peut lire que Le Sahel pourrait être le lieu le plus résilient au réchauffement climatique.
« Le rapport met en avant le reverdissement du Sahel, confirmé d’année en année depuis les années 1990, et qui s’étendrait à l’ensemble de la région Afrique de l’Ouest. Résultat de l’action des populations locales, ce reverdissement permet de lutter contre le réchauffement climatique. »
L’image 3 montre le graphique de pluviosité globale de 1900 à 2020. Le retour des pluies est bien visible, même sans atteindre le niveau des années 1920 ou 1950-60. Quelle est le niveau de référence? Quels sont les cycles de sécheresse précédents, en particulier depuis que le Sahara, humide pendant des milliers d'années, est devenu un désert?
Sur le terrain la situation est plus nuancée eb fonction des données locales. Si de vastes régions reverdissent et si des arbustes et arbres y poussent à nouveau, d’autres gardent une météo très sèche et des sols dégradés où l’eau ne s’infiltre plus.
« Il reste donc des zones où l’eau continue à ruisseler sur des sols encroûtés comme sur certains plateaux déboisés autour de la ville de Niamey. Il s’agit de zones encore peu densément peuplées et qui sont surexploitées pour alimenter Niamey en charbon et en bois (98% des ménages cuisinent ensuite avec ces deux types de combustibles). »
L’image 4 est extraite d’un atlas qui recense les différentes données de la région, comme les types de cultures.
Le retour des pluies pourrait être simplement cyclique, ou lié au réchauffement du climat et au CO2. J’explorerai cette question une autre fois.
Ici l’important est la résilience, le reverdissement d’une bonne partie du Sahel alors qu’on disait cette région perdue par assèchement. Certes c’est encore fragile et inégal et nous ne savons pas ce que sera l’avenir. Des sécheresses locales plus courtes sévissent encore par endroits.
Néanmoins ce reverdissement montre qu’en matière de climat tout n’est pas écrit dans le marbre.
Commentaires
Il me semble qu'un lien doit être fait avec la pluviosité, bien sûr, mais aussi avec l'augmentation du CO2! Bien à vous!