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Inondations Pas-de-Calais : barrez-vous, c’est foutu !

Inondations Pas-de-Calais : barrez-vous, c’est foutu !

Titre volontairement provocateur pour dire que les habitants ne peuvent pas grand chose contre ces inondations. La topographie de la région est ingrate: presque plate, avec des écoulements extrêmement lents. Trois géographes ont publié en 2007 une étude de synthèse du problème.

 

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La région Nord-Pas-de-Calais est l’une des plus vulnérables aux inondations en France. Elle est entre autres constituée de marais ou anciens marais où l’eau des crues pouvait stagner sans trop déranger. L’urbanisation a vu croître les surfaces artificialisées imperméables. En deux siècles la population a plus que triplé.

Ici un site officiel de la région résume les éléments en jeu. L’image 1 qui en est tirée montre que l’artificialisation des sols y est une des plus importantes de France. L’image 2 montre que les activités économiques pures en sont les plus grandes responsables.

Cette artificialisation est déjà ancienne et documentée comme le racontent les extraits suivants. Des prairies ont été sacrifiées. Le bocage régional ne sert plus assez de tampon contre les grosses crues.

« Le fonctionnement hydraulique naturel du territoire est profondément modifié par l’urbanisation qui segmente, déplace et concentre les écoulements de l’eau. Les inondations, la pollution des cours d’eau et les atteintes à la biodiversité s’en trouvent aggravées.

 

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L’imperméabilisation des bassins versants liée à l’artificialisation entraîne une accélération et une concentration des flux qui génèrent du ruissellement supplémentaire, des difficultés d’évacuation et aggravent les phénomènes d’inondations. »

Et encore:

« Le pouvoir tampon naturel des zones humides et marais profondément modifiés par l’activité humaine, a été très affaibli. Historiquement, les zones humides et marais situés dans les plaines basses ont été drainés via des réseaux de fossés et canaux afin de pouvoir les cultiver et y habiter.

Dans les wateringues, l’homme est allé au-delà, gagnant du terrain sur la mer : à partir du VIème siècle, les moines ont asséché les marais et construit des digues pour protéger les terres de la mer. »

Ce témoignage nous intéresse également:

« C’est aussi un signe que l’eau reprend ses droits” selon Francis Meilliez, géologue. “Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’homme s’est efforcé de construire sur ces zones inondables. Les eaux ont été détournées, des terrains entiers ont été imperméabilisés.

 

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Par exemple, nous avons construit des zones industrielles avec de grands parkings bétonnés qui retiennent l’eau. Alors qu’historiquement, ce sont des zones humides, où l’eau est partout. Il faut donc se poser la question : qui n’est pas à sa place ? L’eau ou l’homme ? »

Nous avons donc une région exposée aux courants aériens humides d’ouest, une région plate comme les Flandres, au sous-sol peu perméable, au sol en partie imperméabilisé surtout depuis une vingtaine d’années, et aux cours d’eau non curés. Les fleuves ont un peu de pente au départ puis quasiment plus en route, et l’eau bouchonne.

De plus certaines nappes remontent jusqu’à la surface. Sous une partie de cette région on trouve la nappe phréatique de la Craie, qui a tendance à remonter et à inonder passivement certains points. En d’autres lieux le sous-sol argileux ne laisse pas l’eau de surface s’enfoncer profondément. Comme les nappes phréatiques sont aujourd’hui pleines, grâce aux fortes pluies, l’eau stagne à nouveau.

Et l’on n’y peut rien.

J’entends le désespoir et la colère des sinistrés. C’est une colère impuissante, car contre qui la tourner? Le ciel?

 

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L’image 3 montre en bleu où la nappe phréatique peut remonter vers la surface et provoquer des inondations. En cliquant sur l’image on peut voir le tracé du fleuve. Les zones bleues en sont éloignées, montrant que l’hydrologie de la région est à risques.

Si l’on veut vivre en pays sec il faut aller en Provence. Ou ailleurs. J’ai une idée: transférons le Nord-Pas-de-Calais en Afrique sahélienne. Les risques d’inondations sont quand-même moins grands.

Sinon il faut faire avec. Les promesses instantanées des politiques n’y feront pas grand chose.

Mais, me direz-vous, c’est le réchauffement donc flagellons-nous! Réchauffement? Rien n’est moins sûr ici. Une période de pluie prolongée est normale. Parfois l’anticyclone bloque les pluies, parfois il est aux abonnés absent, comme cet automne.

Sur BFMTV une représentante d’Assurland affirmait que les sinistres devenaient plus coûteux. À cause, disait-elle, des « événements climatiques » qui se répètent de plus en plus souvent. Cette ignare confond météo et climat mais prétend expliquer les causes d’une simple période pluvieuse. L’urbanisation est responsable des hausses de coûts des sinistres, pas la météo.

 

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Pour son info, la durée d’un événement climatique se compte au minimum en siècles. Celle d’un événement météorologique est de quelques heures à quelques jours. Quand à l’augmentation des coûts elle est liée au développement urbain.

Mais alors, me direz-vous, c’est à cause de la montée des océans! Non: vingt centimètres pris en deux cent ans, pas de risque. Ces quelques millimètres sont négligeables en regard des ondes de marée et de tempête, qui font varier le niveau de plusieurs mètres.

« Dans l’état actuel des recherches sur le littoral, il est impossible d’isoler les effets de l’élévation du niveau de la mer des autres facteurs de forçage (Planton et al., 2015; Cooper, 2017; Le Cozannet et al., 2016). Une des raisons principales est que les surcotes marines liées aux tempêtes ont des impacts considérablement plus importants que cette élévation : ces surcotes sont d’un ordre de grandeur 1000 à 2000 fois plus élevé que la hausse du niveau de la mer (valeurs métriques dans le premier cas, millimétriques dans le second). »

 

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Comme aux Pays-Bas une partie du territoire est sous le niveau de la mer. Le système de drainage des wateringues, qui sert à régulariser les eaux de surface, est également mis en cause:

« La pluviométrie de ces dernières semaines, la quantité d’eau à évacuer vers la mer et les coefficients de marée ont joué contre le système des wateringues, fossés servant à assécher les terres et évacuer l’eau à la mer. »

Plus à l’est vers la Sambre le bocage n’assure plus son rôle de tampon:

« Les changements des pratiques agricoles et le remembrement des parcelles durant le XXème siècle, ont favorisé une régression du maillage bocager au profit de grandes cultures ouvertes. Avec le recul de cette forme paysagère, la gestion de l’eau est bouleversée. »

Pour coller à l’actualité des inondations, et vu que l’on peut dire que cela va forcément, inévitablement, recommencer,  je suggère que l’on change le nom de Hauts-de-France en Eaux-de-France. Un peu d’humour pourrait consoler les habitants qui continueront à subir régulièrement des inondations.

Non?

Plus sérieusement, une solution durable est-elle possible sans bouleverser tout l’urbanisme et même la topographie?

 

 

 

PS: ici premier article l’automne dernier: Inondations, rien à faire, c'était écrit.

 

 

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Catégories : Environnement-Climat, Météo 4 commentaires

Commentaires

  • Encorer une fois, la rançon du 'progrès' !

  • Cher Monsieur,
    J'apprécie votre traitement de la climatologie, de la météorologie et de la gestion de l'eau. Il me semble qu'aujourd'hui la réalité du cycle de l'eau ait été oubliée, au même titre que celle de l'Histoire. A ce sujet, celle de l'histoire des civilisatioins hydrauliques selon l'ouvrage de Karl Wittvogel, si vous ne le connaisssez pas déjà, est remarquable: https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB-le-despotisme-oriental%C2%A0%C2%BB-de-karl-wittfogel

  • Bonsoir,

    Non je ne connais pas. Je viens de lire votre lien et la démarche me paraît très intéressante. Je vais essayer de le trouver.

    En cherchant un peu j'ai trouvé un autre livre sur le Despotisme oriental, mais il traite des écrivains du XVIIIe siècle et des débats politiques et philosophiques de l'époque. L'article est aussi très intéressant.

    https://books.openedition.org/ifeagd/1517?lang=fr

    Merci.

  • Merci pour cette riche réponse !
    Chez Wittvogel, le despotisme, fruit du préjugé occidental, n'est en fait pas le sujet. L'intérêt de son étude est historique, celle de la naissance puis des causes de la mort des civilisaions hydrauliques.
    J'ai consulté le lien que vous m'avez aimablement communiqué. Très intéressant traité philosophique sur le despotisme, mais dans sa dimension socio-politique.
    Bien cordialement.

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