Météo : c’est quoi une « tempête fluviale atmosphérique » ?
Encore un exemple de communication médiatique discutable sur la météo. J’apprends incidemment qu’une tempête atmosphérique, et même une tempête fluviale atmosphérique, frappe la Californie. C’est quoi, une tempête atmosphérique?
On connaît les rivières atmosphérique, dont j’ai parlé ici. Ce sont des bandes concentrées d’humidité, des rubans de pluies torrentielles. Elles se forment régulièrement sur l’océan Pacifique autour d’Hawaï et se déversent sur la Californie.
C’est habituel là bas, c’est même un repère climatique plutôt stable, qui revient périodiquement aux mêmes latitudes en hiver. Les images radar et satellite (1 et 2) des sites AccuWeather et MeteoBlue en sont de bonnes illustrations.
Ces fortes pluies contrebalancent les périodes sèches, récurrentes dans cet Etat au climat bien plus extrême qu’on ne l’imagine quand on écoute California Dreamin. Là-bas on les surnomme les Pineapple Express (ou Ananas Express), comme au Canada. En France, les rivières atmosphériques sont surnommées les Rhum Express.
Le terme rivière signifie que cette concentration d’eau dans l’air est intense et délimitée et se déplace, comme une rivière.
À noter que je n’ai encore jamais rencontré l’expression de Fleuve atmosphérique. Atmosphérique précise qu’il s’agit d’un phénomène non pas terrestre, comme une rivière, mais aérien. Et fleuve n'est jamais employé pour ce cas en météo.
Je n’ai pas plus croisé l’expression « tempête fluviale atmosphérique » jusqu’à cet article. L'expression me dérange. En effet, une tempête est toujours atmosphérique, entre le sol et l’espace. C’est la définition même d’une tempête, comme l’indique ici une information officielle suisse:
« Une tempête est un vent violent de vitesse supérieure à 75 km/h, soit de force supérieure ou égale à 9. Les tempêtes se produisent principalement sous les latitudes moyennes en automne et en hiver. »
Tempête atmosphérique est un pléonasme et ne signifie rien de particulier. Par contre Rivière atmosphérique a du sens pour préciser qu’il s’agit d’une métaphore, puisqu’il n’y a pas de rivières vraies dans le ciel.
Le mot fluvial ne fait lui référence à aucune notion météorologique scientifique liée à l’atmosphère, à ma connaissance.
J’ai cherché d’où cela pouvait provenir. Je n’ai pas tout regardé, mais les principaux sites météo bien documentés francophones n’utilisent pas cette expression.
Le site américain The Weather Channel utilise l’expression Rivière atmosphérique. CNN également. Et aussi SkyNews.
Toutefois le site USA Today utilise bien le terme de tempête, mais pas tempête atmosphérique. Voyons de plus près:
« Les rivières atmosphériques sont des tempêtes semblables à des rivières dans le ciel qui déversent des quantités massives de pluie… »
Ici le terme de tempête est bien utilisé, mais Rivières atmosphériques reste la dénomination spécifique. Elles ne sont pas toujours accompagnées d’une tempête ni d’une ligne de front brutale.
Wikipedia en anglais utilise aussi plusieurs fois le terme de tempête, soit de manière accolée au surnom: "Pineapple Express" storm, soit séparée de ce surnom: atmospheric river storms, ou tempête de rivière atmosphérique.
Ce n’est pas si important, mais je trouve que les médias ont déjà assez tendance à maximiser les infos météorologiques. Un peu de précision dans le langage n’est pas de trop.
Il se trouve en effet que la Californie est actuellement touchée par deux de ces rivières atmosphériques accompagnées de vents de tempête. En février c’est normal. La région se recharge en eau et en neige, comme en 2023, 2021, et autres. Les villes n’aiment pas cela, elles ne sont jamais assez préparées aux crues sur l’emplacement desquelles elles ont été édifiées.
Il y a donc deux phénomènes distincts mais simultanés: une rivière atmosphérique et une tempête. Mais pas une tempête atmosphérique ou fluviale. Juste un très gros ruban d’eau dans le ciel poussé par une tempête hivernale.
Commentaires
Soyons provocateurs ! De l'eau, on en a depuis toujours, trop ou pas assez mais elle est toujours là. Qu'elle se déverse à flot ou avec parcimonie, que les douches soient plus fréquentes ou plus abondantes à cause du réchauffement climatique, ne me paraît pas annoncer la fin du monde. Des dégâts plus importants, il y en aura certainement, ne serait-ce que du fait que la population augmente, s'installe là où il ne faudrait pas, bétonne près des cours d'eau, ne se protège pas assez... La nature nous impose sa loi, pourquoi ne pas en tenir compte ?