L’arrêt du Gulf Stream est-il: ☑︎ imminent ☑︎ improbable ☑︎ autre ?
En suite à ma précédente note voici des précisions sur l’affaiblissement annoncé du grand courant chaud nord-atlantique. Je rappelle d’abord que ce courant est en grande partie formé par les vents de surface qui poussent l’eau et par la rotation de la Terre.
Ces vents associés à l’anticyclone des Açores sont quasi-permanents. Ils sont produits par un mécanisme implacable. L’air chaud tropical monte vers le nord, la confrontation avec l’air froid génère des vents qui s’incurvent en raison de la force de Coriolis.
Dès lors l’arrêt du Gulf Stream (divisé en quatre sections, image 2, clic pour agrandir) est pour le moins difficile voire impossible tant que les vents tourneront autour de l’anticyclone. C’est ce que dit l’image 3 extraite du site de MétéoSuisse.
C’est également ce que dit le site de Futura-Science:
« Sans craindre les raccourcis abusifs on peut affirmer que pour que le Gulf Stream s’arrête il faudrait que l’anticyclone des Açores lui-même s’évanouisse et donc que le transfert de chaleur par l’atmosphère de l’équateur vers les pôles s’interrompe autrement dit que l’équateur ne soit plus là où il se trouve. Il faudrait pour cela une modification substantielle des paramètres de la rotation de la terre sur elle-même et autour du soleil, perturbation autrement plus importante que l’accroissement de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre.
Les études paléoclimatiques ont d’ailleurs montré qu’en Floride, là où il est le mieux canalisé, le Gulf Stream ne s’était jamais interrompu au cours des précédents épisodes glaciaires. »
La première remarque est celle-ci: il est hautement improbable le Gulf Stream s’arrête. Parler du Gulf Stream est ici un abus de langage puisqu’il ne désigne que le courant de bord ouest de l’anticyclone.
Mais sa suite, la branche nommée courant de l’Atlantique nord, peut-elle s’arrêter? Cette branche est également mise en mouvement par les vents du même anticyclone, puis par ceux de la dépression semi-permanente d’Islande.
Au bout de son périple l’eau chute dans les profondeurs et repart vers le sud et le Pacifique. Cette chute est un mécanisme unique de l’AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation), nom de la circulation globale.
Plusieurs annonces depuis des années anticipent un arrêt de la circulation. En cause: ce mécanisme de retournement. La fonte de la calotte groenlandaise libère de l’eau douce. Celle-ci diminue la concentration en sel. La théorie sur le ralentissement est:
« L’apport en eau douce des glaciers allège l’eau océanique, car l’eau douce n’est pas salée : moins elle est salée et moins l’eau est dense et donc moins elle a tendance à descendre dans les profondeurs. « Ainsi, la perte de masse de la calotte glaciaire du Groenland imputable à l’homme semble bien freiner la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique, et cet effet pourrait s’amplifier si nous laissons les températures grimper davantage. »
Cependant d’autres études comme ici affirment que l’AMOC n’est pas en déclin. Celle-ci par exemple, dont voici un extrait du résumé:
« Nous montrons que l’état de l’AMOC au cours de la dernière décennie n’est pas distinctement différent de celui des années 1990 dans l’Atlantique Nord, avec une partition remarquablement stable du renversement subpolaire se produisant en évidence dans les bassins orientaux plutôt que dans la mer du Labrador. »
Le site des Climato-réalistes résume une troisième étude datée d’octobre 2023. Extrait:
« Ces dernières années, un certain nombre de rapports de recherche ont été publiés qui remettent en question les prévisions du GIEC [6][7]. Certains chercheurs à l’origine de RAPID écrivent qu’ils n’ont trouvé aucun signe d’affaiblissement de l’AMOC au cours des 30 dernières années [6], période pendant laquelle les modèles du GIEC montrent un fort déclin. C’est le réel opposé au virtuel.
Les chercheurs trouvent que l’AMOC est soumis à « une oscillation décennale, qui se superpose à un cycle multi décennal ». Les enregistrements paléoclimatiques montrent également une variabilité multi décennale de l’AMOC. »
En réponse à la question posée malicieusement en titre, chacun coche selon ses croyances, faute de mieux. Pour moi la théorie est boiteuse, incomplète ou mal fondée.
Pas pour Géo:
« Chaos climatique : le courant marin qui englobe le Gulf Stream serait proche d’un point de basculement. »
Chaos climatique? On en est très loin. Et le risque ici redouté est peu susceptible d’advenir prochainement, si même cela arrive un jour.
Je termine avec quelques mots du site Transition & Energie:
« … le Gulf Stream n’est pas prêt de disparaître. Il s’agit d’affirmations scandaleuses car totalement fausses, notamment parce qu’aucun élément tangible ne permet d’étayer cette hypothèse et parce que comme tous les grands courants océaniques profonds, il est avant tout alimenté par l’effet de la rotation de la terre. »
Et enfin:
« Le 6e rapport d’évaluation du Giec va même plus loin en concluant « qu’il n’y a tout simplement pas de preuves résultant d’observations d’une évolution de la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), sur la base de l’enregistrement décennal de l’AMOC complète et des enregistrements plus longs des composantes individuelles de l’AMOC. »
Les données des balises Argos sur une profondeur de 800 mètres (image 5, source) soit l’épaisseur moyenne de ce courant montrent plutôt un léger refroidissement de la branche nord. Ce qui ne va pas dans le sens d’un arrêt.