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Le beau, le bon, le vrai

Le Matin d’hier publiait un article sur le besoin de spiritualité hors religion, en particulier pour des parents souhaitant ouvrir l’esprit de leurs enfants à une dimension supra-personnelle. Le but étant de se passer des hiérarchies, des dogmes et croyances pour éveiller la conscience et la responsabilité individuelles.

Platon3.JPGIl y a plusieurs façons d’envisager cette notion de supra-personnel. La morale, au sens de l’organisation des relations permettant à chaque individu de vivre et se développer librement, en est une. Je ne parle pas ici d’une morale de jugement, mais d’une morale de base. Le fondement pourrait en être: ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. Exemple: si la souffrance t’es insupportable (physique ou psychique), ne fais pas souffrir les autres et en retour ils ne te feront pas souffrir (en principe...).

Les religions proposent une approche transcendante, où la notion de Dieu est le référent fondamental. Elles proposent aussi des croyances (jugement dernier, paradis, enfer, vie après la vie) dont aucune n’est vérifiable hors d’une adhésion intellectuelle de principe. Elles proposent aussi un système de punition-récompense dépendant d’une autorité supposée divine, mais en général incarnée par des humains qui s’octroient cette autorité.

Le bouddhisme propose une spiritualité sans Dieu. L’éthique personnelle et la pratique de la méditation et du bien en sont les axes centraux. Toutefois il y a bouddhisme et bouddhisme. Celui du Tibet n’est pas très éloigné du catholicisme: très forte hiérarchie, peu d’autonomie individuelle, croyances invérifiables comme la réincarnation, etc. Le bouddhisme Zen propose une méditation assise, pour descendre en soi et tenter de trouver une paix intérieure indépendante des circonstances extérieures. Toutefois, l’humain étant ce qu’il est, on constate aussi l’instauration de hiérarchies dans le Zen, voire de positions politiques plus que discutables pendant la seconde guerre mondiale.

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Platon

Dans la recherche d’une approche de la spiritualité hors religion, le Zen reste toutefois un des choix possibles. Un autre choix cité dans l’article est la démarche platonicienne. Celle-ci ne propose aucun dogme, aucune croyance. Platon n’enseignait rien: il posait des questions afin d’amener son interlocuteur à prendre conscience de ses propres croyances, opinions, et de son ignorance. Il avait fait sienne la devise: “Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux”. Il ne s’agissait pas pour lui d’adhérer à un système extérieur ni de se soumettre à une hiérarchie, mais de passer par l’intérieur, par sa propre conscience.

Il proposait aussi de rechercher le Beau, le Bien, le Vrai. Car qui médite sur ces notions et y aligne sa vie développe tant une éthique personnelle qu’une morale relationnelle. Ces notions sont certes discutables, en ce sens qu’elles n’ont pas forcément la même signification pour tous. L’intérêt est d’ailleurs d’en discuter, pour tenter de dégager une pratique de vie personnelle empreinte de respect, de bienveillance, et de sentiments dits “nobles” (ce qui pourrait déjà faire l’objet d’un vaste débat).

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L’intérêt de redécouvrir Platon est son accessibilité: chacun peut reprendre à son compte ces notions et se questionner, sans obéir à un dogme et sans conversion mutilante ou adhésion quasi-filiale. Il place sa réflexion en-dehors du système punition-récompense, système intégré dans les religions et plaçant le croyant dans une situation morale enfantine.

Enfin la démarche de Platon est d’une étonnante modernité. Les notions qu’il propose traversent les temps et les époques, et sont toujours d’actualité. Il me paraît intéressant de redécouvrir Platon afin de travailler sur son autonomie morale individuelle et sur une éthique perçue de l’intérieur, et non imposée de l’extérieur.


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Catégories : Philosophie 22 commentaires

Commentaires

  • Vous avez de Platon une vision un peu théorique, très morale. Platon était clairement lié à la pensée de Pythagore, vous savez. François de Sales et Joseph de Maistre l'aimaient, parce qu'ils voyaient en lui un vrai mystique de l'Antiquité. Voltaire au contraire se moquait de lui, pour les mêmes raisons. Ce serait un peu nouveau, qu'on édulcore la part de mysticisme, chez Platon, pour ne laisser que la morale qui découlait de sa pensée mystique. Ce qu'aimait Joseph de Maistre, par exemple, c'est l'idée bien connue de Platon selon laquelle "apprendre, c'est se ressouvenir" : car cela signifie que la vie de l'âme précède celle du corps. Le Beau, le Vrai, le Grand, cela fait morale de la IIIe République. Platon est habituellement assimilé au courant mystique. Je crois que Platon ressemble en fait assez à un philosophe bouddhiste du courant sino-indien. Il est différent du zen, je pense. Le zen s'apparenterait plutôt au stoïcisme, à Sénèque.

  • Il est amusant de constater que notre cher Rémi se gausse de la 3ème République, censée être passéiste, tout en se référant sans cesse et perpétuellement à François de Sales et Joseph de Maistre qu'il nous ressort en boucle à toutes les sauces.
    Je pense personnellement que les grands auteurs populaires, quelque part, doivent être un peu comme les horoscopes: leur pensée est telle, pas forcément volontairement, que tout le monde peut s'y retrouver un peu !

  • Bonjour Rémy,

    Je ne saurais poser en comparaison mes connaissances et les vôtres, qui sont plus grandes. Je n'ai pas étudié tous les philosophes grecs, d'ailleurs je les ai plus "reçus" qu'étudiés.

    En ce qui concerne la mystique de Platon: un philosophe qui aligne sa vie sur des notions comme celles que je cite a probablement une dimension mystique, soit une perception personnelle de quelque chose de l'ordre de l'Unité du multiple, d'une forme d'organisation du vivant (une loi) qui existe indépendamment de la forme particulière, et d'une non-séparation entre soi et l'univers.

    La mystique est une expérience personnelle, ineffable, directe de "quelque chose" qui unit et - peut-être - gouverne le multiple. Elle est intransmissible et ne peut être provoquée volontairement.

    Au plan neurologique, une équipe de chercheurs universitaires de Montréal a montré, grâce à l'IRM, que l'expérience mystique mobilise plusieurs zones du cerveau habituellement dissociées dans leur fonctionnement. Il y a là une première approche scientifique de cette expérience, montrant qu'il y a aussi au plan du cerveau un début de démonstration d'une relative unité, et d'une association de fonctions qui ne sont habituellement pas associées ensemble.

    Ceci pour dire que l'expérience mystique est un fait psycho-corporel profondément individuel. C'est pourquoi je l'écarte de mes considérations. Cette expérience peut être induite par des méditations, des exercices de dévotion, ou survenir spontanément. Mais elle peut aussi être confondue avec une tension émotionnelle, surtout en tant que phénomène de groupe. Je reste donc circonspect par rapport à cette notion.

    Ce qui me paraît intéressant chez Platon est sa simplicité quand à la méthode, et le renvoi à la perception consciente individuelle. Il n'enseigne pas, il restitue à chacun son autonomie de conscience et sa responsabilité, avec une méthode et des thèmes qui ne nécessitent aucune adhésion religieuse ou mystique. Pour moi c'est une très grande dimension spirituelle car elle libère l'esprit alors que la croyance l'enferme.

  • Bonjour hommelibre, bonjour MM. Mogenet et Souaille !
    Vaste débat qui existe depuis que l'homme s'est mis à penser à autre chose qu'à la première pomme venue tendue par la première femme venue (ou était-ce peut-être l'inverse, soit un homme tendant une pomme à une femme dans le but inavouable de... ?) ou encore au prochain émincé d'auroch au curry.
    Pour alimenter votre réflexion, permettez-moi de vous recommander l'excellent article de Marc Lacaze - "Ascétisme et hédonisme" - publié ici (en deux parties):
    http://lamuniere.blog.24heures.ch/
    Joyeux Noël et bonnes pensées !

    :o)

  • Le beau, le bon, le vrai.....qu'y a-t-il de plus subjectif...:=))?

    Le beau : Beauty is in the eye of the beholder.....
    Le bon : chaque époque en a sa propre définition...
    Le vrai : idem.....

    Connais-toi toi-même: j'ai répondu un jour à une charmante demoiselle qu'étant donné que nous sommes en changement constant, c'était mission impossible....

    Par contre, je pense que la réflexion et l'observation sont des outils puissants pour s'atteler à comprendre un peu l'univers dont nous faisons partie de manière intrinsèque (à savoir, notre perception de "nous-même" ne résiste pas à un examen logique, car nous n'existons que par nos interactions avec d'autres êtres (flore intestinale par exemple) et d'autres éléments (l'air que nous respirons, l'eau, etc)

    Il n'y a pas l'homme au milieu de l'univers, mais l'homme comme élément intrinsèquement indissociable de l'univers...

    Enfin, ce sont mes idées, mais je ne pense pas que ce soit seulement les miennes....:=))))))))))))

    Pour compliquer les choses, sourires, je suis convaincue que tout est matière ( l'âme, l'esprit, les fantômes, les anges, et tout le tralala des forces invisibles...:=)) les choses que l'on ne voit pas (l'air, l'electricité, l'amour, les phéronomes, par exemple) ne sont pour moi que "matière diffuse ou très diffuse".....mais, c'est un autre sujet....

    Sur ce: bonne et agréable soirée!

    Ark

  • Dans le fond, je trouve que l'histoire avance moi vite qu'imaginé, dans notre belle région, avec la brochette de mécréants libres penseurs que nous formons tous, au sein de laquelle émerge une voix mystique, bien évidemment savoyarde.
    Joyeux Noël à vous tous. Je parle évidemment de la fête du solstice païen et de l'arbre qui garde sa vigueur au plus fort de l'hiver.

  • *homme libre, un bel exposé; mais la philo de Platon n-était-elle pas basé sur la dialectique pour progresser vers un idéal où le beau, le juste et le bien sont les vérités ultimes de l'existence terrestre de l'âme humaine.
    *Rémy, à mon avis il n'est pas question ni de vrai, ni de grand, ni de bon, dans ses oeuvres. Me serais-je trompé?
    Platon était un disciple de Socrate, ainé de 43 ans. J'associerai aussi Aristote qui avait 43 ans de moins que Platon et qui a très certainement été influencé par la philosophie de ce dernier.
    Notre culture se trouve probablement à un tournant et nous glissons gentillement vers une spiritualité hors réligion directionnelle, réligion de libre pensée, basée sur la morale et, du moins je l'espère, sur le respect (qui inclut l'éthique).
    Que Noêl brille de mille feux et que la Nouvelle Année vous apporte tout ce que vous désirez: Joie et bien être.

  • John, j'ai beaucoup lu Platon en traduction, et honnêtement, je pense qu'il y a une certaine confusion. Ce que vous dites rappelle plutôt ce qu'on dit traditionnellement de Socrate. La prose de Platon est remplie de ce qu'on pourrait nommer des fables, auxquelles Platon donne une valeur propre : il ne s'agit pas seulement d'illustrer des idées morales par des allégories. Voltaire le savait bien, et c'est pourquoi il se moquait de Platon. Le fait est que quand on lit Platon, il est clair qu'il évoque très sérieusement et de façon détaillée, comme en connaissance de cause, mille faits qui relèvent de la vie de l'âme indépendamment de la coporéité. Il présente Socrate comme inspiré par un démon personnel qui ressemble à nos anges gardiens, par exemple. Comme certains commentateurs lui ont reproché cette tendance, je suis un peu surpris, car je crois qu'en principe, vous êtes davantage dans la lignée de Voltaire.

    Philippe, où ai-je dit que les principes de la IIIe République étaient passéistes ? J'ai dû mal m'exprimer.

  • Etoile de Neige, je pense que la dialectique de Socrate a souvent été détachée des dialogues de Platon et comme théorisée, et donc qu'elle ne rend pas compte de ce qui se trouve dans les écrits de Platon. Platon assimilait la divinité et le sommet de l'esprit au Beau, au Vrai, au Bon, et c'est pourquoi je suis surpris que John, qui m'avait plutôt l'air de vouloir détacher les valeurs morales du monde divin, le cite comme exemple. Un Sénèque meût paru plus approprié, car même s'il évoque aussi la divinité, elle est chez lui bien plus abstraite et symbolique que chez Platon.

  • Rémi, d'abord désolé pour faute d'orthographe dans votre prénom, plus haut. J'apprécie toujours de dialoguer avec vous, même quand nous ne sommes pas en accord.

    Je ne suis pas étonné de vous surprendre: moi-même j'ai affaire à forte partie quand je dois unifier mes parts mystiques, rationnelles, dialectiques, et autre fariboles... (:o).

    Oui, j'ai une part mystique, c'est d'ailleurs pour cela que je reste circonspect devant la mystique. Je la sublime souvent dans la poésie, art majeur à mes yeux. Dans les relations humaines, je privilégie souvent la dialectique, qui me semble propice à laisser à chacun sa liberté et sa responsabilité d'être.

    Quand Platon parle de la vie de l'âme séparée de celle du corps, pour moi c'est une croyance, ce n'est plus de la philosophie, et je laisse de côté. Cette croyance grecque de la séparation corps-âme a d'ailleurs imprégné notre culture chrétienne, alors que la culture juive dont notre religion dominante est issue ne fait pas une telle place à cette supposée dualité. Le Tantra, origine du bouddhisme, ne fait pas non plus cette séparation.

    Je rejoins Ark quand elle suggère que tout est matière, l'âme, l'unité fondamentale de l'univers, et la physique des particules et quantique semble ouvrir des voies vers cette unité.

    Tout en appréciant les interactions qui démontrent l'intelligence de cette matière. Car au fond pourquoi situer une intelligence supérieure hors de la matière? Non seulement ce n'est pas prouvé, mais est-ce vraiment bien nécessaire? A notre époque, les paradigmes changent profondément, et un jour toute la philosophie sera comme une ancienne légende issue d'un temps où l'on ne savait pas. Il restera la mise en pratique d'une éthique, hors des croyances et des systèmes philosophiques.

    Bon, voilà, j'essaie de vivre mon multiple: je suis parfois Voltairien, parfois platonicien, parfois bouddhiste, parfois rationaliste et dialecticien pur, parfois mystique, bref, je fais à tâtons le chemin vers une autre synthèse.

    A mes yeux, aucune définition unique n'est assez large pour contenir le vivant et l'individu.

    Ma référence la plus récurrente actuellement serait Edgar Morin, qui tente de donner un langage et une approche de la complexité, sans vouloir l'enfermer. Il reste dans un système ouvert.

  • John, le tantrisme, s'il est unitaire, l'est plutôt du côté de l'esprit, la matière n'étant à ses yeux qu'une illusion. Or, Platon dit en fait la même chose : car le mythe de la Caverne renvoie bien à un tel point de vue. Le matérialisme aussi est unitaire, et en fait, l'esprit humain recherche une vision du monde qui soit unitaire : c'est dans sa nature, précisément parce que l'esprit humain est lui-même unitaire, sans doute. Cela n'a rien à voir avec le choix matérialiste ou spiritualiste. Ou même la connaissance, car on en a vu qui, tel Teilhard de Chardin, étaient très savants en science moderne, et ne parlaient publiquement que de données scientifiques vérifiables matériellement, et qui, en privé, dans des écrits publiés seulement après leur mort, ont révélé qu'eux aussi croyaient que la matière n'était que pure illusion et émanation de l'esprit, comme dans le tantrisme. Et vous savez bien que dans la Bible, Dieu tire la Création de lui-même, et non d'éléments extérieurs.

  • Bonjour Rémi,

    La question de l'unité est fondamentale puisqu'elle accompagne autant les religions, la philosophie, et même la construction de la personnalité. Elle se retrouve sous forme d'expérience individuelle dans l'extase mystique.

    Le tantrisme parle d'illusion, comme le bouddhisme qui en est issus, à mon avis en tant qu'attachement aux formes multiples et à la souffrance qui découle de cet attachement. Mais il ne me semble pas que les textes tantriques traitent la matière comme fondamentalement une illusion - soit au sens ou l'on entend illusion, quelque chose qui n'est qu'une production de l'esprit sans réalité tangible. (On pourrait bien sûr débattre de ce qu'est la réalité).

    La quête de l'unité s'est longuement heurtée à des obstacles qui pourraient un jour être levés.

    Par exemple, pour les régimes politiques autoritaires, l'unité est l'uniformité. La différence, le multiple, n'est pas gérable pour ces régimes. Or, à mon sens, on ne peut concevoir l'unité sans la multiplicité. Tout en est exemple dans le vivant. Le corps humain, si géniale unité, est composé d'une multiplicité de tissus, de cellules, de fonctions, dont l'interaction intelligente (ou organisée) permet à cet unité d'exister. La notion d'unité contient ici la notion d'ensemble organisé.

    Un autre obstacle était le peu de connaissance de la matière qu'avaient les mystiques et philosophes, tant en ce qui concerne la matière que par exemple la physiologie et le fonctionnement du cerveau. D'où une vision de l'esprit détaché de la matière. Je ne sais pas d'ailleurs quelle a été la source de cette division chez les anciens grecs, qui en ont fait un dogme et une réalité, alors que le tantrisme associe l'esprit et le corps (dans les conditions citées ci-avant).

    Les connaissances actuelles nous permettent de faire évoluer notre compréhension du lien corps-esprit. Par exemple, on sait que l'esprit - soit cette représentation abstraite de nous-mêmes et du monde - est lié à la matière. La présence ou non de certaines substances dans le cerveau ainsi que le développement de certaines zones favorisent ou non la capacité d'abstraction, de pensée, se sentiments, de cohérence, etc. On voit de plus en plus que pensée, sentiment, perception intérieure de l'unité, font partie du corps physique d'une manière ou d'une autre. Nous sommes une unité psychophysique.

    Toutefois, pour s'organiser dans le monde, l'évolution est passée par le mode binaire, qui soupèse, analyse, différencie, afin de se repérer et d'agir de manière adaptée. Ce mode binaire, très prégnant, est une limite à l'expérience de l'unité. Les recherches faites à Montréal, que je cite plus haut dans un commentaire, montrent que l'expérience de l'unité passe par un autre chemin que le schéma binaire, et donc que la physiologie du cerveau est étroitement liée à cette expérience.

    La notion de cohérence, à laquelle je suis sensible, permet peut-être d'accéder à ce paradigme physiologique de l'unité. Et c'est là où j'apprécie le questionnement de Platon: car en mettant en évidence nos contradictions, croyances, schémas binaires, nous entr'ouvrons la porte à une autre perception de l'unité, qui tiendra compte d'un autre mode physiologique du cerveau. La cohérence n'est pour autant ni un dogme ni une unité réductrice. Concrètement par exemple, accepter ses propres contradictions - sans pour autant pouvoir les résoudre - nous ouvre à la complexité, au multiple, perçu comme un ensemble, donc une forme d'unité.

    Mais il semble que cela se passe par l'activation simultanée de diverses zones du cerveau. L'unité n'est pas un paradigme réducteur, à l'instar des croyances ou théorie qui séparent (corps-esprit, dieu-diable, etc), mais un paradigme incluant.

  • John, pour le tantrisme, ma connaissance m'en vient de votre compatriote Daniel Odier, qui est genevois, mais vit à Paris, et en est un spécialiste reconnu. Je vous invite à consulter cet auteur. Le temps et l'espace, au sein du trantrisme, sont bien des éléments de l'illusion globale. En tout cas, c'est ce qu'on peut lire dans les livres de Daniel Odier.

    Pour la diversité sur le plan politique, je pense qu'il est raisonnable de considérer que la diversité appartient à la la nature, et que l'Etat n'est pas là pour créer un monde nouveau, imposé à la nature. Mais l'Etat cohérent part du principe, indirectement, que la nature intègre aussi l'idée d'unité. Il faut seulement savoir ce qui doit être pareil partout, et ce qui doit être partout diversifié. L'uniformisme politique vient simplement d'une confusion : on veut imposer le principe de l'unité à tout, même à ce qui ne peut pas l'accepter de sa nature.

    Par exemple, la culture urbaine ne peut pas être imposée à la campagne, parce qu'elle ne lui correspond pas. En revanche, l'égalité devant la loi peut être imposée à la campagne comme à la ville. Peu importe qu'on vole à la campagne ou à la ville : il faut rembourser. En revanche, appeler tout le monde à méditer sur la tour Eiffel, c'est ridicule, puisque beaucoup n'ont jamais l'occasion de la voir.

  • Rémi, je n'ai pas lu Daniel Odier, et je n'ai certes pas lu tous les ouvrages sur le Tantra. Daniel Odier appartient à l'école bouddhique des Bonnets Jaunes, dont le Dalaï Lama actuel est le chef. Le Tibet a connu différentes écoles et schismes, et a repris dans la traditions certains aspects et pas d'autres.

    Les Bonnets jaunes recommandent l'ascétisme monacal et le célibat. La hiérarchie est forte, un peu comme dans l'église catholique.

    Le Tantra remonte à différentes époques selon les différentes recherches. Dans le bouddhisme tibétain on le date d'après les Védas et la naissance de l'hindouisme. Pourtant certaines découvertes le font remonter à bien avant. Ce que j'en sais est que le tantrisme à donné naissance et au bouddhisme et à l'hindouisme. Le bouddhisme du Grand véhicule (tibétain) s'est lui-même scindé en plusieurs écoles, et celui du Petit véhicule a produit le Chan, devenu ensuite le Zen.

    Cela pour dire que les doctrines tantrique connues parlent de l'identité commune de l'esprit et de la matière, et non d'une séparation. De même il parle sw l'unité du masculin et du féminin. Ce que je connais du Tantrisme est davantage une voie vers l'expérience de l'unité plutôt qu'une doctrine de séparation corps-âme.

    C'est dans ce sens que j'en ai parlé plus haut.

  • * erreur: il parle DE l'unité du masculin et du féminin.

  • John, honnêtement, je préfèrerais peut-être vous le dire en privé et de vive voix, mais à mon avis, vous vous illusionnez, sur le tantrisme, parce que vous aimeriez trouver une philosophie qui concilie votre goût pour l'amour charnel et votre aspiration à des états de plénitude plus durables et plus assurés que l'amour de la créature, comme disait François de Sales. Comme je sais que Michel Onfray est récemment tombé dans ce travers d'ailleurs dénoncé par Odier, comme vous vous en doutez peut-être, je ne suis pas trop étonné, car aussi, c'est typiquement occidental.

    L'union du féminin et du masculin, vous savez, Joseph de Maistre y croyait aussi, parce qu'il pensait que l'être humain ressuscité avait les qualités du féminin et du masculin en même temps, et que, par conséquent, il n'éprouvait plus d'amour charnel, n'éprouvant plus le manque défini du reste par Platon. Mais en fait, dès l'origine, cette question du pouvoir de Cupidon qui paraissait invincible a été posée aux Romains qui voyaient apparaître le christianisme. Je ne pense pas que la science de la matière soit suffisante pour résoudre ce problème. Je ne vois pas comment la chair peut unir durablement les principes du masculin et du féminin. Pour l'esprit, cela me paraît beaucoup plus facile.

  • Rémi, l'aspect sexuel du tantrisme est ce que l'on en retient souvent en occident, hélas car ce n'est qu'une application particulière mise à la sauce des besoins et compensations de notre culture frustrée. L'union du masculin et du féminin est d'abord à l'intérieur de soi: action/contemplation, projection/introspection, dire/écouter, faire/ressentir, etc. C'est aussi dans la sexualité une forme de relation qui peut être énergétique autant que charnelle, et qui inclut le ressenti des deux partenaires à parts égales. Et au-delà des particularités individuelles, c'est communier d'âme à âme dans la sexualité. Cela se passe ou non, je ne pratique pas les méthodes en kit pour occidentaux, je passe par le ressenti de l'instant.

    Je retiens pour ma part surtout l'idée d'un état d'être non divisé, d'une expérience qui inclut les sens, la perception intérieure, la non-différentiation entre soi et l'univers. La plénitude en est un signe des sens peut parfois mener vers la plénitude de l'âme, surtout dans une notion de l'humain comme un tout non séparé.

  • * dernière phrase: mots sauté. "La plénitude en est un signe. La plénitude des sens...". Sorry!

  • #homme libre, vous cherchez la VERITE. Or, la vérité est en nous, donné par notre DIEU PERE. L'AMOUR nous a été donné par le fils de DIEU et la LUMIERE apportée le Saint-Esprit de DIEU. Est-ce là l'expliquation des catholiques pour le père, le fils et le saint-esprit, unifié en un Dieu? Je n'ai pas fait des études théologiques, mais en prenant le bon de toutes les doctrines de l'hindouisme, du jaïnisme et du bouddhisme, on arrive assez près du christianisme et du judaïsme. Qu'en pensez-vous? Je ne connais rien au tanatrisme, mais je ressens également que le charnel prime sur le spirituel. Ceci pour apporter mon petit grain de sel pour saler la soupe de légumes.
    J o y e u x N o ë l Bruno

  • Oui, mais à mon avis, pour Platon, comme pour le tantrisme (jusqu'à preuve du contraire, puisque ce que cite Odier va clairement dans ce sens), ce que montraient les sens n'étaient qu'ombres illusoires. Bref, après avoir simplement lu des textes de Platon, il me semble quelque peu contradictoire, pour ne rien vous cacher, de condamner une branche du bouddhisme parce que, comme le catholicisme, elle énoncerait des "vérités invérifiables", pour la bonne raison que Platon, en fait, a continuellement fait pareil. Même pour la question de la réincarnation, dans un dialogue (je ne me souviens plus lequel, peut-être la République), Platon montre un homme choisissant avant de naître - et de passer dans le fleuve de l'oubli - sa destinée future. Mais ce n'est qu'un des nombreux exemples non seulement de son style, mais de la manière dont sa philosophie se pose comme remplie de "faits invérifiables", et qui explique en tout cas pourquoi Voltaire se moquait de lui.

  • M. Mathis, d'après ce que dit Daniel Odier, la voie du tantra est une identification de soi à Shiva, qui est un dieu hindou. Je pense personnellement que Shiva a un rapport avec le Saint-Esprit. Il est au bout d'une trinité qui commence avec Brahma.

  • @ Mathis: franchement je suis trop éloigné de ce dogme de la Trinité pour en faire quelque chose. Je pourrais tenter de l'analyser symboliquement, si les religions chrétiennes en restaient au symbolique. L'ennui est qu'elles affirment cela comme une réalité quasi tangible. Dans cette valse à 3, il n'y a plus de place pour une recherche de vérité, puisqu'il n'y a plus que croyance. Croyance que l'on doit admettre en faisant taire toutes les bizarreries qu'elle suggère d'abord, puis que l'on va défendre comme une évidence, avec à la clé le mot qui tue: la foi.

    Désolé, Mathis, je n'ai pas cette foi-là. Et je n'en veux surtout pas! Elle me semble plutôt justifier l'écrasement des légitimes questions de l'humain par une structure qui doit asseoir son pouvoir sur les esprits.

    Mais qu'avons-nous besoin de ce genre de croyance? N'y a-t-il pas mieux à faire de l'esprit humain que de le mutiler dans cette soumission à une croyance de ce type? On peut gloser pendant des livres et des livres sur le thème de la trinité, et cela remplit les heures des "huiles" de la religion. Mais cela n'a aucun sens pour moi, et je n'ai pas l'intention d'en chercher un. Ayant été élevé catholique, j'ai déjà donné, et "Dieu" merci j'ai repris la liberté que l'on tentait de me brider.

    C'est pourquoi également je ne peux souscrire à la notion de "notre" Dieu - lequel d'ailleurs? Je serais né en Arabie Saoudite, notre Dieu serait Allah et la trinité n'aurait pas de sens.

    Je préfère les grands espaces d'incertitude de la libre pensée et de l'expérience mystique personnelle, à la sécurité illusoire de l'appartenance à un groupe cultivant ce genre de croyances.

    N'en soyez pas fâché, je suis simplement très clair sur ce point, et je le dis aussi clairement.

    @ Rémi: la notion d'illusion, en ce qui concerne les sens, désigne selon ma compréhension davantage "l'attachement" au sens - dans la mesure où ils sont limités (physiologiquement donc dans la perception qu'ils induisent) qu'à "l'expérience" des sens. Plonger, s'immerger dans les sens (un peu comme en Gestalt, expérience éminemment subjective mais porteuse de prise de conscience) peut mener à une transcendance des sens et à une perception supra-personnelle. Si l'on admet que chaque partie est imprégnée, marquée de l'ensemble dont elle fait partie, porteuse du tout qui l'a engendrée, l'exploration totale d'un aspect particulier ramène à retrouver le tout. Par analogie, ou parce que les mêmes lois prévalent dans le microcosme comme dans le macrocosme.

    Dans ma compréhension, l'illusion est donc davantage dans l'attachement, ou dans la croyance qu'une partie est le tout. Dans ce sens, même la croyance en l'analogie entre le microcosme et le macrocosme est illusoire. L'interprétation du concept d'illusion par les disciples occidentaux des doctrines orientales m'a toujours semblée suspecte. Comme s'il mettaient dans l'illusion une connotation très occidentale de fausseté, d'irréalité, alors qu'à mon avis - et surtout dans le tantrisme - l'illusion est l'attachement à une forme prise pour la globalité - sans pour autant nier sa réalité, alors qu'elle n'en est qu'une infime partie.

    Mais il faut bien partir de quelque part, d'un aspect partiel, pour remonter la piste.

    En ce qui concerne les penseurs, je me suis toujours donné le droit de prendre ce que je voulais et de laisser le reste. Dans le bouddhisme, je prends la méditation, la sagesse, et je laisse la réincarnation. Si je devais me prononcer sur l'idée platonicienne de l'esprit et de la réincarnation, je serais assez proche de Voltaire, et plus: je lui suggérerais de se concentrer sur ce dans quoi il excelle: le questionnement qui amène à une prise de conscience individuelle, hors de toute croyance particulière. C'est à ma liberté, voire mon insoumission fondamentale.

    On pourrait dire que je prends ce qui m'arrange. Mais je ne me sens aucune obligation morale ou intellectuelle de prendre tout en bloc. D'ailleurs j'imite en cela les penseurs eux-même, qui ne prenaient pas tout de leur prédécesseurs puisqu'ils le modifiaient, le discutaient, ou le complétaient avec d'autres couleurs.

    Lier le Tantrisme à Shiva, divinité de la fin et de la dispersion des entités individuelles, comme le fait Odier que vous citez, est partiel. Il faut le compléter par Vishnou, divinité de la cohésion, de l'agrégation en une forme particulière. Odier est modelé par son appartenance au bouddhisme tibétain - en particulier à la branche des Bonnets jaunes, et par une conception du tantrisme subordonnée aux Védas, ce qui n'est pas l'avis de tout le monde.

    Je m'arrête pour le moment, afin d'avoir votre avis.

    Bon Noël à vous deux, que Noël représente la nativité de Jésus, ou l'ancienne fête païenne romaine ou celle du culte de Mithra. Pour moi elle représente une trève bienvenue dans les combats homériques et dérisoires que se livrent les humains...

    Bien à vous, c'est un plaisir renouvelé d'avoir ces débats.

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