Florent Pagny avait fait un tube sur le thème: “Savoir aimer”.
“Savoir aimer / Sans rien attendre en retour, / Ni égard, ni grand amour, / Pas même l'espoir d'être aimé.”
Cela plaît, mais est-ce bien la réalité? Et est-ce bien souhaitable? Peut-on aimer et désirer sans attendre légitimement un retour pour soi?
Hier Philippe me suggérait d’écrire un billet sur ce thème: “L'influence de l'ego dans le comportement sexuel des individus mâle et femelle. Je veux dire par là, dans la phase de séduction, mais aussi de possession de l'autre (et vice versa) au moment fatidique.
Une approche purement basée sur le moment présent (je suis en train de lire Tolle) peut-elle être gage d'une relation plus harmonieuse et satisfaisante jusque sous les draps ???”
Je veux bien m’y coller, bien qu’il eût pu l’écrire lui-même. C’est typiquement un thème interactif où chacun a sa propre vision. C’est cela qui est intéressant.
Je ne prétend pas faire le tour qu’une aussi vaste question. D’autant qu’il faudrait d’abord redéfinir quelques termes pour être certains que nous parlons de la même chose. Mais je préfère me lancer d’abord, on verra ce qu’il en découlera.
L’ego est communément admis comme étant ce qui constitue notre personnalité et nous ramène à nous-même. Satisfaire l’ego est se satisfaire soi-même. Une certaine vision spiritualiste mal comprise y voit presque une faute, comme si l’ego était le mal. Or l’ego est une fonction nécessaire à la préservation de notre individualité. Il n’a pas à être condamné ou nié.
Dans l’instant où deux êtres se rencontrent et se plaisent, toute l’attention semble attirée vers l’autre. On sait combien les premières heures, les premiers jours d’une rencontre sont déterminants pour la suite ou la non-suite. Dans la séduction, il semble admis que l’on cherche à plaire à l’autre en lui faisant plaisir ou en correspondant à ce que l’on peut pressentir de ses rêves. La séduction est déjà: nourrir l’ego de l’autre. Et c’est parfaitement légitime. On n’a rien sans rien. Mais la séduction nous comble nous-même également. Quel jouissance psychique formidable de nous voir si beau ou si belle dans le regard de l’autre! C’est tout autant légitime. Nourrir l’ego est une condition pour créer des relations durables et satisfaisantes. Voudrions-nous vivre avec quelqu’un qui nous trouve moche, bête, sale, nul? Je ne crois pas...
Quand la séduction laisse place aux corps, l’ego est toujours présent. La quête du plaisir est une façon de nourrir notre imaginaire, notre rêve. Plus l’autre correspond à ce rêve par son physique, son toucher de peau, son regard, plus notre désir augmente. L’homme et la femme comblent leur ego dans une relation sexuelle satisfaisante.
Mais ici une précision: pour moi la satisfaction de chacun augmente si l’autre aussi est satisfait-e. La soif de plaisir et de satisfaction de notre ego est augmentée par la rencontre interactive des deux désirs. La montée du plaisir est d’autant plus forte que l’autre vit aussi cette montée. Cela tient probablement à la fois de la satisfaction de constater notre pouvoir sur l’autre (faire monter son plaisir) mais aussi d’une réelle ouverture altruiste - qui elle-même n’est qu’une forme sublimée de l’ego. Donc pas de problème à nourrir nos ego l’un par l’autre.
Mais Philippe suggère un autre aspect. Tout cela se passe dans l’instant présent. Dans la séduction comme dans l’extase sexuelle il n’y a pas encore de durée. Chaque seconde se suffit à elle-même. La séduction peut-elle générer une relation des corps satisfaisante? Je n’en suis pas certain. La séduction seule est une stratégie. Sans feeling, sans affinités, je crains que les malentendus ne viennent ponctuer le moment passé sous la couette. Mais il n’y a pas de loi, on ne peut raisonnablement anticiper ce qui se passera.
En allant plus loin, admettons que l’intensité du moment présent - tant dans la séduction que sous la couette - ait produit une relation chavirante, un moment de bonheur partagé. Continuer ce présent intense suffira-t-il à créer une relation durable? Là se joue autre chose. L’instant présent ne peut se vivre indéfiniment dans une intensité dépourvue de passé et de futur, sans une organisation du temps: aller au travail, élever les enfants, toutes choses qui demandent de ne pas être seulement dans l’attraction de l’instant mais dans la planification des moments, des élans. Est-il possible d’être dans la séduction de l’instant quand un enfant fait 39 de fièvre, ou quand on est en retard pour aller au travail? Oui si l’on prend chaque moment comme étant “ce qui est à vivre”. Non si l’on voudrait que ce moment soit autre, si l’on n’accepte pas le réel de l’instant.
Plus loin encore, les affinités de caractère vont se superposer à l’attraction. Qui ne rêve pas un peu l’autre? Qui n’est pas un peu contrarié, voire déçu quand l’autre est différent de notre rêve. Là encore, l’accepter dans le présent, sans le décalage produit par le rêve ou l’attente, peut être facteur de durée. Donc continuer l’instant de la séduction toute sa vie me paraît possible pour autant que l’on ne veuille pas l’autre différent de ce qu’il est.
Voilà pour l’instant. Exercice pas facile de faire un billet sur un tel thème sans être réducteur. J’assume l’incomplétude de mon texte, et je ne sais si j’ai vraiment répondu à la suggestion de Philippe, ni même si j’ai été assez clair. On verra ce qu’il en sortira.
Commentaires
Bien essayé. Vous avez 5 1/2 sur 6 pour le bel effort de synthèse d'un thème qui en soi, part un peu dans tous les sens.
Et moi zéro pointé pour m'être vautré lâchement dans la paresse en préférant pousser au crime mes petits camarades.
En fait, et l'on rejoint là quelque chose qui me tient à coeur, il semble bien que la voie à suivre soit au milieu du gué. En amour comme en politique, vive le centrisme et mort aux extrêmes, ce que l'on peut traduire aussi par "de tout un peu". Je m'explique.
On dit qu'il n'est pas sain de chercher à devenir quelqu'un d'autre pour plaire à son aimé(e), car c'est un rapport inégal et en plus intenable. Mais vous avez parfaitement raison, John, la séduction nous pousse à être meilleur ou à essayer de l'être et c'est une excellente chose. Meilleur mais pas autre. Mais différent tout de même de ce que nous serions en laissant parler notre paresse et notre laisser-aller naturel.
Satisfaire son ego, c'est aussi se montrer capable de séduire et de retenir un(e) partenaire prestigieux. Parce que superbien foutu, ou socialement en vue, ou plus jeune, ou plus plus âgé, ou supérieurement intelligent ou très riche... bref un beau parti. Qui lui-même ou elle-même devrait voir son ego satisfait en retour sur le même plan ou sur un autre. L'important est que ça se compense et gare aux déséquilibres. Mais ce qui est équilibré à l'instant T ne l'est plus forcément à l'instant T', lorsque les conditions ont changé...
Là où je voulais en venir, en fait, c'est qu'il peut y avoir des séductions qui sont des conquêtes (combien de couples fonctionnent sur un antagonisme fort qui trouve sa résolution sur l'oreiller) et d'autres qui sont des symbioses, lente résolution d'une amitié amoureuse qui peu à peu se mue en osmose.
Donjuanisme contre romantisme, ego sur ses ergots dressés, ou tendresse et dissolution. Les deux pouvant mener d'ailleurs aux moeurs les plus dissolues et c'est tant mieux, car il faut de l'abandon dans l'amour. Un moment où les deux ne font plus qu'un, par tous les pores de leur peau. Et les ports et les porcs aussi.
Bon, heureusement, la plupart des couples se nourrissent d'un peu des deux. Conquête de l'autre et osmose des êtres. Mais ce distingo est je crois important: Dans le premier cas, l'autre se rend. Et peut se reprendre et s'enfuir à la première occasion, car la confiance n'est jamais vraiment là. Trop est mis dans le rapport de forces.
Dans le second cas, l'autre se donne ou même se prête seulement, mais en toute confiance et connaissance de cause. Et cela peut nourrir une relation plus stable.
Maintenant, tout ceci n'est que théorie.
Les théories sont souvent une autre manière de prendre conscience, de justifier ou de s'accommoder de son vécu présent .. ou de reprendre de l'espoir. Bonne chance donc à chacun de vous!
L'amour est vide d'ego L'ego est vide d'amour. [Sathya Sai Baba] - un sage indien que je ne connais absolument pas :-)
Oui d'accord, cela dépend de la définition de l'ego que l'on considère. Mais il y a tellement de définitions, que là je dois dire, je me perds au fond de cette question (et de toutes ces définitions...)
Mais je crois que je n'aime pas trop cette association amour-ego, ( j'aime mieux l'amour-lego).
Bon j'arrête de dire des bêtises et je vais m'empresser de réfléchir à mes amours et à mon ego.
@ Philippe: je vous suis bien.
@ Mère: oui, mettre en mots et en idées c'est avancer dans la conscience que l'on en a. Mais pour moi l'observation de mon réel vécu doit primer sur la théorie pour éviter les décalages et dés-alignements. Faire plier la complexité et parfois les contradictions de mes émotions sous le joug d'une théorie est casse-gueule. Mais il y a une dynamique intéressante quand on va de l'un à l'autre, du vécu à la théorie et vice-versa.
@ Pascale: Raaaahhhh... Moi j'aimerais bien voir où les gourous indiens mettent leur ego. Et comment ils le dissimulent. Après oui, cela dépend de quel amour on parle. En couple il me semble que l'amour est échange, donc rassasiement mutuel, et donc de l'ego reconnu et consenti, si possible comme dit Philippe en équilibre.
A part ça ça me plaît bien l'idée de l'ego/lego, il y a quelque chose de ça. Et l'amour/lego aussi: on ajuste au fur et à mesure, quand une construction ne marche plus on la défait ensemble et on en fait une autre mieux adaptée à l'évolution. Yo, pas de quoi tomber dans la routine!
Je dois avoir l'esprit mal tourné, parce que moi l'amour Lego, j'aimais bien aussi, mais je voyais ça plutôt sous l'angle emboîtement...
Oh, pas de soucis, ça le fait aussi...
Décidément, comme dirait Frédéric Dard, le sexe masculin est ce qu'il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève...
Très jolie citation, Salomé!
Et comme l'eut sans doute dit San A. "Let's go lego, ma poule !"
;o)
Non Monsieur Souaille, vous n'avez pas l'esprit mal tourné :-)
Et pardon cher hommelibre, c'est mon côté mauvaise élève :-(
Pascale, je n'ai pas à vous pardonner, de quelle autorité? D'ailleurs, vous êtes pardonnée d'avance et définitivement!...
(:o)
Un petit dernier pour la route, avant l'apéro : "Quelle est la différence entre une femme et une clôture?
- La clôture tu n'as pas besoin de lui dire que tu l'aimes pour la sauter!"
ou encore, un tout petit dernier :
"Pourquoi Dieu a inventé l'alcool ?
-Pour que les femmes moches puissent baiser ... "
Micheline... vous êtes sans pitié...!!!
Allez, avant le week-end, je vous en offre encore une ou deux ...
"- Savez-vous pourquoi il n'y a pas de femme au paradis ?
- Parce que ce serait l'enfer !"
et puis ...
"- Pourquoi les femmes ont deux paires de lèvres ?
Une pour dire des conneries, l'autre pour se faire pardonner !""
Big kisses
Ha, ben, depuis le temps que la chanson de Pagny me fait rigoler, enfin quelqu'un de mon avis! ....savoir aimer,.... le temps que tout le monde s'attache à toi, puis s'en aller....quelle mentalité douteuse....:=))
Ha, parfois, la poésie, c'est plus obscur que profond...:=))
"It ain't deep, it just ain't clear...."
:=) :=) :=)
Ark
Impassible, l'impossible... qu'en pensez-vous mes jumelles?
@ Micheline: heureusement que c'est une femme qui les raconte... Sinon le misogyn-buster me poursuivrait toute la journée. Là je n'en ai pas qui me vient sur les hommes, sans quoi j'aurais bien fait le pendant - non pas le bandant...
@ ark: en effet, des fois la poésie se fourvoie. Comme on peut faire passer des conneries dans la tête des gens, avec une jolie musique... Pfff...
@ redbar: vous volez si vite, multi-transversalement, que je n'ai encore pu vous prendre dans mon maçon-voyeur (colimateur).
Je serai hors ligne aujourd'hui, donc je ne pourrai voir si mes libellules poussent et ... bref, zallé me manquer. Je reviens ce soir.
Mais je programme deux billets qui vont apparaître comme par magie dans la journée.
Je vois l'amour dans le partage et non dans l'égotisme. Partager veut aussi dire respecter l'autre, les désirs de l'autre, tout en cherchant confirmation de soi. Etre "reconnu" ne veut-il pas dire être aimé, avec toutes nos qualités et défauts?
Je suis peut-être vieux jeu, et mon défaut est que je prends "mon pied" seulement quand je suis dans l'harmonie (au sens propre et figurée). Savoir aimer = savoir partager. Mais finalement, qui me prouve que c'est un défaut ?
Chers bloggeurs de Hl, nous aspirons tous à la reconnaissance de soi et de ce fait nous sommes tous un peu égo; c'est le piment dans l'aliment; mais attention à la dose (je suppose que vous connaissez tous la méthode MMS!), car la "soupe" pourrait devenir rapidement indigeste! Moralité: Sans vouloir être moralisateur, tout excès est malsain !
Bonjour Hommelibre! "Heureusement que c'est une femme qui les raconte ... Sinon le misogyn-buster me poursuivrait toute la journée." C'était histoire de jouer le même jeu que les 10 points phantasmés proposés par la vidéo! Hi, hi, hi, ...
Pour ma part, ma préférée est celle de Salomé, paraphrasant F. Dard : " Le sexe masculin est ce qu'il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève!"
Ecrit par : Salomé | 27 février 2009
;0)
* Micheline vous faites fort dans le genre (ou devrait on dire forte?; Boo m'aurait incendié) et avec Salomé, alors là ... vous m'épatez:
c'est tellement vrai, mais Annemasse aussi.
Comme Mère disait, bonne chance !
* Micheline Pace, comme déssert une archi-connue:
Pourquoi les poules n'ont pas de seins ? Réponse à demander, le cas échéant, au courrier-exprès ou à Hommelibre, car il a probablement la solution déjà en mains !
le tout dernier roman de Paulo Coelho "Brida", plus magique et religieux que jamais.....
"Il paraît que nous avons tous notre "Autre Partie" de nous-même et qui nous devrions rencontrer au moins une fois durant la vie. Il paraît qu'il peut en exister plusieurs "Autres Parties" de la même âme, qui est la nôtre, et c'est pour cela qu'on l'appelle aussi "une âme-soeur". Comment alors retrouver "une âme-soeur"? Nombreux sont ceux qui ont déjà posé cette question mais souvent en vain.
Il faut savoir prendre le risque. Même si tu risques de perdre, d'être déçu, de te désespérer... Mais jamais n'abandonne les recherches de l'Amour! Et plus grands seront tes efforts, plus vite tu le retrouveras. C'est ce dont ce livre parle.
Ne serait-ce pas la véritable réponse à ceux qui cherchent? Même si on ne nous donne pas une adresse ou un numéro de téléphone de celui ou celle qui nous est destiné(e). Il y a tout un chemin à faire. Et ce chemin est unique pour chacun de nous tous. Faut-il encore prendre le bon chemin parmi des milliers et des milliers de possibles et impossibles. Nous faisons notre choix à chaque instant de notre vie, et par ce fait nous choisissons soit à prendre un nouveau chemin, soit à rester sur le même et continuer sans savoir où nous allons arriver."