Il y a un thème récurrent dans la littérature de magazine: c’est le silence des hommes. Les hommes ne parlent pas. Ce n’est pas une réalité absolue, mais c’est assez répandu pour poser quelques questions.
D’abord, je rappelle que les hommes disent plus souvent “Je t’aime” que les femmes. C’est le résultat d’un sondage que j’ai mentionné il y a quelque temps. Quelques femmes autour de moi ont été fort surprises d’apprendre cela: ce n’est pas leur impression. Y aurait-il une configuration particulière de l’oreille féminine qui ne capterait pas ce mot? (:o)
D’une manière assez répétée j’entends beaucoup de femmes se plaindre que leur homme ne parle pas. Il n’exprime pas ses émotions autant qu’elles le souhaitent. Et s’en suivent des spéculations diverses: les hommes auraient peur de perdre le contrôle; ils n’auraient pas réglé leur problèmes avec leur mère; leur hémisphère cérébral droit serait moins utilisé; etc, etc. Cela va jusqu’au portrait en pire de l’homme: un rustre, un mur, un handicapé affectif, et j’en passe.
Et s’en suivent des torrents de conseils: ils doivent apprendre à parler d’eux sans crainte; ils doivent montrer leurs fragilités; ils devraient être plus ceci, moins cela, etc, etc.
Premier point dont des hommes me parlent: ils ont le sentiment qu’ils ne sont jamais comme il faudrait. Elles les veulent différents et ils se sentent imcompris dans leur réalité. Ils ont aussi le sentiment que quoi qu’ils fassent ce n’est jamais assez. Certains donc laissent passer l’averse, protégé dans un silence observateur, et se rouvrent une fois l’avalanche de reproches terminée. Il y a peut-être chez eux une protection teintée de perplexité sur ce que les femmes attendent d’eux.
Il y a aussi leur éducation: leur mère – première femme de leur vie – leur apprennent à ne pas pleurer, à passer par-dessus leurs souffrances, entretenant ainsi un archétype de l’homme fort qui résiste, pas une lavette quoi! Par mon métier j’ai la chance d’entendre hommes et femmes dans leur vérité. J’apprends beaucoup de cela, et je propose toujours, quand j’entends des plaintes, de repenser un peu plus à tout ce qu’il y a de positif chez leur conjoint-e. Car pour moi on ne touche pas le couple. Il y a toujours des fragilités et c’est trop facile d’appuyer sur le bouton “eject”. Mais je constate que si certaines femmes femmes rêvent en secret d’un homme tendre, sensible, tout à l’écoute, elle le gardent comme amant potentiel: celui qu’elles épousent est plus solide, moins mobile, sentimental mais pas trop. L’excès de sensibilité chez les hommes en déstabilise plus d’une. Allez y comprendre quelque chose!
Un autre point soulevé par de nombreux hommes: leurs compagnes gardent facilement en mémoire toutes les erreurs tous les points de discorde. Qu’un homme fasse une erreur, 10 ans après on le lui reprochera encore. Alors, mieux vaut se taire que de risquer de subir cette comptabilité noire. Alors qu’eux, même s’ils parlent moins, effacent plus facilement les torts de leurs compagnes.
Et puis, dans les couples où les hommes parlent facilement, on constate que la femme leur reproche justement de trop parler d’eux, de ne pas leur laisser assez de place.
Alors, si au fond les hommes avaient raison de se taire? S’ils avaient d’instinct compris que quoi qu’ils disent, ce ne serait jamais comme il faut? Et qu’un jour leur tendre amie mettrait un simple mot malheureux à leur passif quand elle leur montrerait leur comptabilité secrète?
Et si le silence des hommes (s’il est bien vérifié) était une forme d’intelligence adaptative et une manière de ne pas alimenter des guerres inutiles? C'est beau, un homme qui se tait!
Commentaires
Bonjour Hommelibre,
Votre billet de ce jour est en total contradiction avec votre dernier comm. sur le féminisme. Mais je suppute une maîtrise totale de vos écrits...
Vous me faites penser à un pêcheur lançant son filet et attendant que des femmes (de préférence) y tombent...afin de philosopher sur tout et rien.
Un homme qui parle ou qui se tait est beau pour la femme qui l'aime. Quant aux torrents de conseils, personnellement j'appelle cela du dialogue, car sans dialogue pas de ciment dans un couple. Et c'est valable dans les deux sens.
Au plaisir de vous lire
Bonjour Loredana,
Oui, il y a contradiction entre le fait que je me définisse comme quelqu'un qui exprime pas mal ses émotions (commentaire cité) et ce que j'écris dans ce billet. C'est d'abord un questionnement personnel. J'ai je crois toujours exprimé mes émotions et sentiments, depuis petit, et j'ai soutenu l'idée qu'il est important que les hommes expriment cela. Et puis le fil de la vie, l'expérience personnelle et celle de femmes et d'hommes, m'ont amené à me demander d'abord s'il est vrai que les hommes s'expriment peu ou s'ils s'expriment différemment; puis à me questionner sur les bienfaits de l'expression masculine sur sa propre sensibilité.
D'une part je suis comme je suis et n'ai pas de raison de m'exprimer moins ou de tourner 7 fois ma langue dans ma bouche, mais d'autre part je constate que le résultat de s'exprimer n'est pas si gratifiant que cela.
J'ai donc une vraie interrogation. J'ai d'ailleurs d'autre réflexions sur cette base que je mettrai en billet par la suite.
Je ne pense pas avoir une maîtrise totale, dans le sens ou je l'entends - à savoir écrire dans un but précis, pour obtenir une réaction particulière. Ma maîtrise, celle que je cherche, est d'être clair et d'écrire de manière vivante et intéressante à mes yeux. Je n'ai pas de stratégie, je suis plus spontané que peut-être on n'imagine.
Mais il est vrai que j'ai ce côté pêcheur, je lance, et j'apprécie l'interaction. Parfois cela prend, parfois pas, d'autres fois je vois grâce aux réactions que je me suis trompé de chemin ou d'argument. Mais j'espère que celles et ceux qui réagissent savent démailler le filet, je ne voudrais pas les enfermer dans quoi que ce soit! Et franchement, j'aimerais bien que des hommes s'expriment sur ce genre de thème. Pour ma part ce billet ressort de nombreuses discussions que j'ai eues, et peut-être certains hommes peuvent-ils confirmer - ou infirmer - mes propos. Je pense que cela peut être intéressant pour des femmes d'entendre des hommes parler de cela.
J'aime bien votre fin: "Un homme qui parle ou qui se tait est beau pour la femme qui l'aime." Yesss!!! C'est l'essentiel, merci de le rappeler.
Par contre, peut-être n'avons-nous pas la même connotation sur le mot "conseil": pour moi c'est déjà proposer une réponse à l'autre. Je vois le dialogue davantage dans les questions mutuelles que dans des réponses pour l'autre. Mais ce n'est peut-être qu'une légère différence de sens que nous donnons aux mots.
Plaisir de vous lire, Loredana!
Re... Hommelibre,
Loin de moi l'idée de vous dire combien et comment vous exprimer, je me suis permise une constatation, sans plus, que j'ai peut-être mal exprimée... j'aimerais avoir la même clareté et maîtrise dans l'écriture, mais je fais au mieux.
Pour vous le conseil est une réponse stricte. Pour moi, c'est la réponse que je donne à un questionnement, par rapport à ce que je suis, ce que je désire ... qui est à prendre ou à laisser, mais qui n'est pas parole d'évangile !
Pas de soucis Loredana, j
e pensais bien que nous n'avions pas la même perception du mot, et du coup nous ne sommes pas dans le désaccord. En fait je vous rejoins bien dans l'idée que c'est à prendre ou à laisser, je fonctionne aussi avec cela: on reste libre de prendre ou non.
C'est toujours bien de se préciser les choses comme cela il n'y a pas de malentendu. Votre clarté n'est pas en cause pour moi, mais davantage ma propre méfiance sur certaines notions. C'est paradoxal car dans mon métier je conseille régulièrement. mais c'est aussi plus pour faire avancer les choses, proposer une idée sur laquelle l'autre peut rebondir à sa manière, que pour imposer ma vision.
Donc au final, d'accord avec vous!
Ouf !! Bien, je me sens rassurée et autorisée à intervenir à nouveau !!
J'espère bien Loredana, je regretterais que ce ne soit pas le cas!
Ha! Cher John, toujours un peu dans les clichés...:=))
Je cite:
""""Il y a aussi leur éducation: leur mère – première femme de leur vie – leur apprennent à ne pas pleurer, à passer par-dessus leurs souffrances, entretenant ainsi un archétype de l’homme fort qui résiste, pas une lavette quoi!"""
Mais enfin! quel cliché! Il y a autant de manières d'éduquer que de femmes, et en règle générale, j'ai plutôt l'impression que c'est un discours de père, d'être fort, de ne pas pleurer, etc!
Comment construire un raisonnement avec un tel cliché? ou des sondages de magazines???? RIRES!
Bon w-e et XHB!
Ark
Ah ah Ark! Un peu de cliché met du piment! Il y a une part d'humour provoc dans ce billet. Mais pas seulement: le discours de "ne pas pleurer" est encore assez présent. Pour ma part il y a cependant un questionnement réel: est-il bon pour les hommes de se lâcher sans réserve? Paradoxal pour moi, hé oui. Mais bien sûr le trait est volontairement quelque peu forcé...
(;o)
Et HBHBHBHBHBHBHBHBHB...
Bien à toi, bonne journée!
M'enfin...c'est pareil pour les femmes! est-il bon pour les femmes de se lâcher sans réserve?
Est-il bon pour quiconque de se lâcher sans réserve? :=))
Pourquoi tout "sexiser" ainsi? C'est là où j'ai du mal à suivre parfois..:=))
M'enfin, j'ai bien compris que à quelques exceptions près histoire de confirmer la règle, les femmes ont toujours tort à la fin de tes raisonnements....halala! rires!
Très bonne journée !
Ark
Ark, as-tu réellement cette impression? Pas moi, mais suis-je objectif? je parle en tant qu'homme qui valorise et défend son "hominitude". Dans ce billet, je ne reproche pas aux femmes leurs besoin, je dis que les hommes n'ont pas forcément à y répondre, ou alors à leur manière à eux, mais chaque homme fait ce qu'il veut de cela, car je ne saurais généraliser et prétendre parler au nom de tous les hommes. Mais ce que je dis résonne souvent pour pas mal d'hommes.
Il n'y a pas à avoir tort ou raison, chacun sa réalité. Mais je constate quand même que ce sont souvent les hommes qui ont tort, à qui l'on dit d'être plus ceci et moins cela. Mais ce ne sont pas que des femmes qui trouvent que les hommes ne parlent pas assez, ou pas de la bonne manière. Nombre d'hommes et de psychologues se sont rangés à ce discours, et bien des mag de psy ou des bouquins reprennent ce thème.
Non, je n'ai pas le sentiment de dire que les femmes ont tort, j'insiste plus sur le fait que les hommes n'ont pas tort d'être comme ils sont. Même si parfois l'aspect titillant de certains de mes billets peut mettre en cause certaines attitudes, dans l'ensemble je ne souhaite ni gagnant ni perdant. D'ailleurs, tu as la mémoire courte Ark, et quand j'écris un billet comme celui-ci tu m'épingle et me généralise. J'écris assez de billets ou je mets en cause l'homme, où je soutiens la femme.
(;o) Bonne journée.
Tiens Ark, je vais dire quelque chose où je donne raison aux femmes et pas aux hommes.
Je pense - et d'autres avec moi - que les femmes sont, d'une manière assez générales, plus vite mûres que les hommes. Elles ont besoins d'hommes qui assurent parce qu'elles ont besoin de pouvoir compter sur eux en tant que maris et pères. Elles ont une relation au temps très différente de celle des hommes: rien que leur calendrier biologique, savoir qu'un jour elle auront fini de pouvoir enfanter, est une donnée forte dans leur esprit (je redis ici ce que beaucoup de femmes m'ont dit).
Les hommes ne s'en rendent pas assez compte, et ils ne prennent pas assez vite - pas pour tous mais pour certains - les responsabilités de vie qu'une femme attend. Et sur ce point je donne raison aux femmes.
Alors là, pas du tout d'accord avec vous sur ce coup-là!
Il y a un problème je crois avec le sentiment que vous rapportez, à savoir celui de ne jamais faire bien et d'être couvert de reproches.
Je vais parler pour moi (en tant que femme bien sûr).
Exemple:
Je dis à mon compagnon, "lorsque tu fais ceci, JE RESSENS cela. J'ai peut-être tort de ressentir cela, mais je n'arrive pas à faire autrement, que pouvons-nous faire pour améliorer la situation, aide-moi".
Ce n'est pas un reproche, je ne veux pas forcément changer quelque chose en lui, le résultat peut également être un changement à faire moi-même.
Mais malgré mes tentatives de bien différencier mon propos du reproche, j'ai eu souvent cet écho d'insatisfaite patentée "qui-ne-laisse-rien-passer". A des années lumières de mes intentions, donc.
Mon idée c'est de progresser dans la relation pour qu'il n'y ait pas cette comptabilité dont vous parlez.
Pour que ni l'un ni l'autre ne "bâchent". Parce qu'en se comportant ainsi, à mon humble avis, un jour on se réveille à côté d'un parfait inconnu (et vice versa) et c'est une rupture assurée.
Pour moi le silence d'un homme, ce n'est pas beau dans ce contexte, c'est un peu "courage, fuyons". Et si pour les hommes les "reproches" incessants sont pénibles, pour les femmes, cette indifférence affichée (qui n'en est pas sans doute en réalité) l'est également. Problème de communication ou d'écoute?
@ Pascale: vous soulevez là une question importante. Je comprends tout-à-fait votre position quand vous dites à votre compagnon: "Je ressens", ce qui est en effet très différent du reproche, et ce qui est communiquant pour les deux. Et en effet, même avec cette précaution de langage et d'attitude (le Je ressens), l'autre peut y mettre un enjeu personnel, cela peut résonner différemment pour lui.
Je constate que le couple est une réalité aussi forte que les sentiments, les désirs et les projets, mais aussi fragile que nos propres fragilités personnelle. Il faut accepter que sur certaines questions, il faut revenir plusieurs fois, rassurer, reformuler, pour que le message passe sans provoquer de levée de bouclier. Se sentir jugé, mis en cause, quand ce n'est pas le cas, est souvent une blessure personnelle pas encore identifiée. Il faut du temps pour l'identifier, et la dissocier de l'intention de l'autre. Sur certaines choses cela peut aller vite, sur d'autres il faut plus de temps.
J'ai commencé à jeter sur papier les premières notes d'une pièce de théâtre comique qui reprend tous ces genres de malentendus (au sens propre comme figuré, malentendu) dans un couple. Cela peut aller du franc éclat de rire à l'absurde! Mais il y à là un vrai travail de communication et d'écoute en effet. C'est même pour moi un travail majeur dans le couple, essentiel, et formidable! De cette communication peut s'installer un vrai respect, une vraie découverte de l'autre, bien plus importants à mon sens pour l'égalité que des théories.
Mais avant d'avoir fait ce travail d'écoute mutuelle et de communication, on est souvent dans le mécanisme reproche-fuite. Je pense que le reproche n'est pas simplement une volonté de domination ou de formatage de l'autre: c'est aussi une blessure ou une fragilité, ou un misunderstanding mal exprimé.