Depuis quelques mois, le mot “oxymore” est assez tendance. Sur les blogs, dans la presse, même ma prof de chant l’a sorti la semaine dernière. Il faut dire qu’il est joli, ce mot. Oxymore… and more and more… Oxy-gène, oxydation, oxymore-sure, oxymore-de-rire, oxymore –y-Bond, James Bond… Bref.
Un oxymore est donc une proposition ou une locution composée de deux termes contradictoires. Grâce à cette contradiction l’un des deux termes est renforcé. En voici quelques exemples:
- la croissance négative
- un froid brûlant
- la force tranquille
- une douleur exquise
- les frappes chirurgicales
- le développement durable
Bien. Mais, un oxymore peut-il être paradoxal? En principe non puisque le paradoxe est une contradiction logique dans le raisonnement, et non une contradiction dans les termes utilisés.
Chinoisons un peu. L’expression “Un mutisme insonore” ne semble pas a priori être un oxymore. Ce serait plutôt une tautologie, soit une redondance, une répétition d’une même idée sous deux formes différentes.
Pourtant, en cherchant la petite bête on va découvrir une astuce. Dans le cas du mutisme insonore, il y a deux propositions négatives. La parole est un ensemble de sons. Le mutisme est une attitude caractérisée par l’absence de parole, donc de sons. L’adjectif insonore est également l’absence de sons. Comme deux proposition négatives s’annulent elle forment au final une proposition positive (moins par moins égale plus). On aboutit alors à une nouvelle idée: un mutisme insonore est bruyant. Par cette astuce le mutisme insonore devient un oxymore.
Si donc on affirme: “le mutisme insonore est bruyant”, on est maintenant devant un paradoxe, soit une contradiction logique sans solution. A moins que quelqu'un ne trouve une faille?
Commentaires
Le développement durable ne me semble pas à proprement parler un oxymore, ni la frappe chirurgicale, mais bref...
La faille est dans les définitions que vous choisissez de vos prémisses :
vous définissez le mutisme comme l'absence de sons et choisissez, comme par hasard, la même définition pour insonore.
Hors le mutisme est, comme vous sembliez vouloir commencer par le définir, une absence de parole. Et il y a des muets sacrément bruyants, l'un n'empêche pas l'autre.
D'autre part, en mathématiques la double négation s'annule pour la multiplication, pas pour l'addition. Personnellement, je dirais que les qualificatifs en langue française s'additionnent plus souvent qu'ils ne se multiplient : la grande maison bleue est grande plus bleue, pas grandement bleue... Deuxième faille.
Autre exemple : les appartements bon marchés sont rares, hors ce qui est rare est cher, donc les appartements bon marchés sont chers. Mauvaises définitions des prémisses.
Plus il y de fromage, plus il y a de trous, hors plus il y a de trous, moins il y a de fromage, donc plus il y a de fromage moins il y a de fromage. Mauvaise définition du mot plus, utilisé à tort de manière identique pour la part relative et la part absolue.
M'enfin, ces syllogismes mal construits apparaissent si souvent dans les discours argumentaires des politiciens qu'avec un peu de concentration, la lecture d'un peu d'algèbre de Boole et un intérêt pour les vrais paradoxes, tout un chacun peut améliorer ses capacités à démystifier certaines erreurs.
Greg, j'adore votre démonstration! J'étais devant ce thème que j'avais envie de traiter depuis longtemps, et j'en voyais les trous sans pouvoir les nommer. Pour tout dire, c'est le titre que j'aimais, je le trouvais presque poétique. J'ai donc tenté d'en faire quelque chose que je sentais filer sous mon clavier. J'avais bien conscience de mélanger des notions et c'était un plaisir de le faire sans savoir où j'arriverais, ni même si j'arriverais quelque part.
Je suis bien content que vous ayez pris le temps de démonter mon propos, et de manière fort intelligente! Merci.