Et dire que ce nuage n’est qu’un peu de poussière d’étoiles. Un infime trace, si maigre que mêmes les étoiles n’y retrouveraient pas leur petit. Un souffle d’oiseau dans la tempête, le voilà ce nuage, pas moins, pas plus, et encore: si la tempête était venue il n’aurait pas eu le temps d’exister.
Il a profité de ce grand calme, de ce ciel aussi stable qu’une pierre sur le sable. Il a glissé en douceur sur le vent du nord-ouest. Il s’est baladé paresseusement de gauche et de droite - un nuage n’a pas de préférence politique. Il s’est étalé de tout son long, des frontières de la Sibérie à la Gaspésie, cette terre de l’est, cette blonde du Saint-Laurent qui embrasse le grand fleuve avant qu’il ne gagne la mer.
Nuage de poussière, poussière de soufre, soufre-douleur des avionneurs, heures d’attente, salles d’attentes devenues campement, le monde couché sur des sièges en dur et des sols en lino, quoi, quoi, on m’attend quelque part et je n’y serai pas.
Le ciel est devenu un désert. Calme, silencieux, sauf le chant du vent, mais si peu de vent alors si peu de chant, si peu de mouvement, on dirait un escargot lent dans les champs magnétiques, les chants nostalgiques, les chants de l’amant qu’on attend quelque part et qui n’y sera pas.
«Au dessus des vieux volcans,
Glisse des ailes sous les tapis du vent,
Nuage nuage
Eternellement.
Vole dans les hauteurs
Au dessus des capitales
De l’aérospatiale
Sur les dunes du Sahara
Des Féroés au port de Yalta
Nuage nuage
Ne t'arrêtes pas»
Tout passe. Même le ventre de la Terre se calme. Les avions décollent à nouveau.
La poussière retourne au désert pendant que désirs et rêves repeuplent le ciel.
PS: Et à Tripoli, aux portes du désert, Max regarde peut-être le ciel en attendant lui aussi que le vent tourne.