En visitant le blog de l’Acratopège et son récent billet «Images de l’Achilléion», j’ai lu une citation de l’impératrice Sissi postée par Barbie, dont le blog est revenu sur la Tribune depuis quelques temps.
Pour situer ce texte, il concerne d’abord le palais que Sissi a fait construire sur l’île grecque de Corfou en 1890 environ, l'Achilléion, à l’époque où elle était la cible des antisémites et nationalistes allemands. Elle avait dédié ce palais à son héros mythique: Achille le grec. Elle en parle en quelques quatre lignes. Quatre ligne où elle décrit l’homme, le masculin, dans un archétype puissant et admirable dont voici les phrases-clés:
« Achille est le roi de ce royaume. Je l'aime. Il est l'âme grecque. Il personnifie pour moi la beauté de la Terre et des hommes.
Il a méprisé tous les rois et toutes les traditions, ne tenant pour sacrée que sa propre volonté. Achille est beau et je l'aime parce qu'il n'a vécu que pour ses rêves. Sa tristesse lui était plus précieuse que la vie entière...»
Je trouve ces quelques lignes superbes, magistrales. Par la simplicité de l'écriture, la force des mots, et l'audace du concept. J'y vois le masculin dans la puissance attribuée, attribuée par la nature, ou par l’attente de la femme, ou par la nécessité de l’espèce. Le masculin dans un archétype vital, dans sa sève, dans cette transgression qui l'a mis debout et fait peupler la Terre.
Car être debout c’est déjà transgresser la condition de mammifère. C’est déjà prétendre à l’immortalité.
En quatre ligne l'homme est dit. L'homme mourant - cela arrive aussi. L’homme meurt un jour, et ses conquêtes ou son clan, son regard, tout ce qui paraissait éternel et puissant, disparaît comme le sable dans le sable.
Mais l’homme vivant. Cet homme Achille, Akhilleús, héros de la guerre de Troie, ce presque dieu que seul son talon rend mortel, représente pour Sissi la beauté des hommes et de la Terre. L'homme qui connait la force et la fierté, et qui transgresse l'ordre et les privilèges, peut-être même les honneurs. Insoumis aux rois, aux lois immuables, aux obligations de la coutume. Insoumis aux asservissements qui organisent la vie des sociétés. Insoumis à la fatalité.
L’homme qui rêve aussi. Celui qui fonde sa maison et sa vie non sur la ressemblance d’avec ses ancêtres ou sur la ligne tracée par son rang ou son monde mais sur son rêve et sur sa volonté. L’homme qui rêve, qui va au bout de son rêve. Qui rêve d'être un homme libre.
Enfin, l'homme pour qui sa tristesse est plus précieuse que la vie elle-même. Sa tristesse! L’homme qui pleure en regardant, là-bas, une femme aimée et les paysages qu’il ne verra jamais. Triste d’une tristesse insondable. Triste de cette tristesse qui le place au centre exact de lui-même.
En quatre ligne l'homme est dit. Il n'est ni le simple guerrier, ni le poète. Ni Adam le lâche, ni personne d'autre. Il n'est que lui-même face aux prairies de l'immensité.
Voilà en synthèse le masculin, qui n’exclut ni la douceur ni la tendresse, ni la colère ou l’erreur. Il est simplement fort: fort de son rêve, de son audace, de son insoumission. Et fort du regard que la femme porte sur lui.
Quel intéressant archétype du masculin propose là cette femme, Sissi.
Commentaires
Beau texte sur de nobles sentiments.