Pour changer d’atmosphère je suis parti à l’étranger. Un saut de puce virtuel d’une demie-heure dans l’hémisphère sud. Besoin de musiques douces et de plages. J’ai pris le vol Libellule One sur la compagnie Imagination Airflight. Cette compagnie est géniale. Les hôtesses de l’air sont... comment dire? Non, je garde pour moi...
Après le survol des Açores et des cumulonimbus de l’équateur, descente vers le Brazil. Rio. Copacabana. Ipanema beach. La montagne du pain de sucre, ou Panis Sugar (traduction très personnelle...), avec au sommet la statue du Christ Rédempteur de Corcovado. Les bras ouverts il domine la baie et les amours brûlantes des chambres avec vue sur la mer. La rédemption par l’amour.
A peine débarqué je prends un taxi pour la plage. La journée commence à décliner. Un vent chaud, humide, vient de la mer. Je m’installe à une terrasse les pieds dans le sable et commande une caïpirinha. Un couple danse au bord de l’eau. Près de moi, assis à d’une table, un homme, bronzé, décontracté, le regard vif et le sourire de Clooney. Autour de lui sept femmes à peine habillées, l’une massant ses épaules, une autre embrassant ses doigts. Enfin toutes plus désirables les unes que les autres, et collées au plus près de lui.
Mon regard croise le sien.
- Gringo! dit-il. Ne reste pas seul! Prends place avec nous.
J’accepte l’invitation. L’une des femmes me fait une place contre elle sur sa balancelle. La chaleur de sa peau traverse mon jean.
- Je m’appelle PéniSugar, dit-il. PeniSugar. Pénis Sucré, quoi. J’ai toujours eu envie de comparer le pénis à un sucre d’orge... Qu’en pensez-vous mesdames?
Les naïades autour de lui acquiescent en faisant des gestes et mouvements suggestifs qui paraîtraient obscènes ailleurs qu’ici. Voyant mon étonnement elles éclatent de rire. PéniSugar continue.
- Je te présente mes sept fées. Blanche-Neige avait bien sept nains. Elles vivent avec moi. Des merveilles! Pas de prise de tête, la fête chaque nuit, le bonheur chaque jour. Et chacune droite dans ses bottes et souple au lit. Et toi gringo, qui es-tu et d’où viens-tu?
Je donne mon pseudo et dis que je viens de Genève.
- Genève, hommelibre? Je lis les blogs sur la Tribune. Très intéressant, oui, oui. Je les lis régulièrement. Je t’ai déjà lu, hombre! J’ai compris que tu avais eu maille à partir avec des féministes?
J’explique en quelques mots les raisons. Les sept fées, qui comprennent très bien le français, froncent les sourcils. Elles sont assez surprises d’entendre parler de cette guerre contre les hommes.
- Moi, dit PéniSugar, je suis non-féministe. J’ai lu un blog récemment: Clito Beach, blog post-féministe queer (on ratisse comme on peut) où notre ami Hassan a écrit un billet. Ce billet m’a interpelé. Et aussi l’image du blog: le classique logo féminin, tu sais, un cercle avec une croix en bas, auquel est rajouté le poing levé. Ah, ce poing levé, comme un poing dans la figure! Symbole de révoltes et révolutions, image de l’exploité qui chasse l’exploiteur, image guerrière qui ne prêche pas le dialogue mais le renversement. Ici on sait que c’est l’homme qu’il faut renverser.
PéniSugar parlant du féminisme sur la beach d’Ipanéma, au Brazil, en sirotant des caïpirinha et entouré de sept femmes belles à tomber, c’est une scène presque surréaliste. Il continue:
- Avant d’avoir compris la vie et de m’installer ici je me prenais la tête pour tout. Je dirigeais une petite PME que j’avais créée en rachetant ma police d’assurance-vie. J’ai fait de la politique. Idéaliste, j’étais à gauche. Jusqu’au jour où j’en ai eu marre d’entendre les militantes taper sur les hommes comme sur des épouvantails et leur faire des reproches à longueur de journée et de supporter les militants qui me traitaient de salaud de patron. Je n’avais pas besoin de nouvelles mamans ni de directrices de conscience. Ni d’idéologues. J’ai tout envoyé promener!
Il lève le poing en signe de révolte contre son passé politique.
- La révolte, maintenant, elle est de mon côté. Cette image du poing serré a été souvent véhiculée par les féministes marxistes ou radicales, prises dans leurs théories politico-psychanalytiques. Elles illustrent elles-même leur attitude: renverser le pouvoir masculin considéré comme systématiquement et délibérément oppresseur des femmes. La guerre des sexes bat son plein et les relations hommes-femmes sont politisées.
- J’en conviens, lui dis-je. Et comment te positionnes-tu?
- Rien qu’à cause de ce poing serré je ne suis pas et je ne serai jamais féministe. Rien qu’à cause de cette image de guerre des sexes je combats ce féminisme-là. Et je renvoie une autre image ci-dessous, un doigt d’honneur, histoire de poser un gag gras contre la violence du logo féministe. Vulgaire mais efficace! Donnant-donnant. Bon. En symétrie de notre ami Hassan qui exprime pourquoi il est féministe, je vais dire pourquoi je ne le suis pas.
Et cet homme au look de playboy entouré de ses sept fées me raconte. En commençant par ce couplet connu: il parait que l’homme est dans une position dominante sur la femme. Oui, quelques-uns, dit-il. Pas assez. La plupart des hommes ne savent pas dominer. Ils n’osent pas, Ils ont peur de leur maman, je pense. Alors ils se font petits, s’excusent d’exister, d’avoir osé s’affirmer, d’avoir pris le pouvoir politique en laissant le pouvoir social au femmes. Ou alors ils deviennent autoritaire, ou violents.
Dominer c’est servir, dit-il. C’est protéger. C’est ne pas se laisser mener par le bout de la queue. S’il y avait plus d’hommes vraiment dominants on n’aurait plus à se farcir ce féminisme de pacotille, ce mur les lamentations de bourgeoises qui veulent juste plus de pouvoir et d’argent.
- Avez-vous vu une seule féministe réclamer l’égalité dans la profession d’éboueur, hommelibre? Autant de femmes que d’hommes qui mettent les mains dans la merde? Jamais! Les bobo fans de Simone (de Beauvoir) veulent des manucures quand elles sortent du Conseil d’administration. Elles veulent du Chanel sous les aisselles, pas de la crotte plein les bottes! La crotte c’est pour les hommes. Puer, offrir ses tripes sur le champ de bataille, prendre les coups, avoir le mauvais rôle, c’est pour les hommes. Quand on a compris cela on a compris le féminisme radical et marxiste.
Il fait une pause. Le vent souffle les cheveux de ma voisine sur mon visage. Elle laisse aller sa tête sur mon épaule. PéniSugar continue.
- Ras-le-bol d’être traité d’exploiteur, de casseur de femmes parce que je suis homme. Le patriarcat n’est pas une entreprise de dénigrement et de maltraitance systématique. C’est une répartition des rôles: aux hommes l’obligation de nourrir leur famille, la représentation politique, la défense du territoire. Aux femmes l’éducation des enfants, la santé de la famille, l’organisation des solidarités sociales.
On sent la pression monter dans ses propos. Visiblement il en a par-dessus la tête.
- Bien que je sois un homme je ne me sens pas en position dominante sur les femmes. Si certains ont ce problème, moi pas. Je ne signe pas cette reconnaissance de dette morale. On sait ce qu’il y a de démagogie chez les hommes roses, les hommes féministes. Moi je n’ai pas besoin de me flageller. J’aime les femmes comme je suis.
Sur la plage, près de l’eau, le couple ressemble à deux papillons dans une danse nuptiale. La nuit sera chaude.
- Dans ma famille, depuis des générations les femmes ont pris leur place. Et ce ne sont pas les seules ni les premières. Je ne suis pas féministe parce que je ne suis pas issu d’un milieu bourgeois aisé. Parce que j’ai de la considération pour les femmes. Parce qu’elles assurent dans de nombreux domaines depuis la nuit des temps et n’ont pas besoin de jouer aux victimes. Ce sont elles qui font tourner la société et l’économie quand les hommes ne sont pas là. Et elles savent très bien l’ouvrir quand elles en ont besoin.
Dans un immense éclat sonore les sept fées se mettent à parler toutes en même temps, parodiant qui la colère, qui le désir, qui la revendication, qui le roucoulement de plaisir. Dans les rires qui suivent il tente de se faire entendre.
- Je ne suis pas du féminisme revendicatif et victimaire. Je ne me sens pas proche des idées qui déconstruisent le masculin, ni de l’indifférenciation des genres. Je ne veux pas détruire les fondements archétypaux de notre culture dont je suis convaincu qu’ils ont une importance dans la construction de la personnalité et dans l’équilibre de la société. Je ne suis pas féministe parce que j’aime la liberté et je n’aime pas les idéologies.
Les sept fées le blaguent et jouent l’admiration à un point excessif. Il éclate de rire.
- Ho, gringo, je me suis laissé emporter. Allez, tout cela n’est pas grave. La nuit va venir. Mesdames, que diriez-vous d’inviter hommelibre à faire la fête avec nous ce soir?
En guise de réponse ma voisine se lève et prend ma main. Notre petite troupe se met en route en dansant et riant, pendant que sur la terrasse une musique connue, chantée par une japonaise presque brésilienne, glisse vers la mer:
Commentaires
Ce doigt, il faut le ranger ou il doit être et aller faire les commissions...
Billet bien dosé, avec juste ce qu'il faut de sucré/salé :o)))
Contempler la plage d'Ipanema depuis le balcon d'une chambre d'hôtel, un verre de caîpirinha à la main, m'a ramenée à mon voyage là-bas. La chanson, en portugais ! ;o), même chantée par une japonaise ça le fait! Quant aux brésiliennes, elles m'ont rappelées l'équipe de fouteball de Blondesen ...
Merci Hommelibre pour ce beau billet dépaysant (je n'ai retenu que ce qui me parlait ;o)) )
(~_~)
Merci Loredana.
Je vous fais une confidence: la partie que vous prenez est celle qu'au fond je préfère... Et je dois dire que je me suis bien amusé en l'écrivant!
La japonaise, oui, elle le fait bien! Cela faisait en même temps un lien - décalé - avec le Japon.
(-‿⸟)
M'étonne pas Hommelibre. C'est le printemps non ? ;o))
(o_~)
Bonsoir express en coup de vent!!!
Travail et déplacements,impossible de lire tous les posts...
J'avoue que celui ci est bien perché dans le genre....Très réussi, j'adore.
Il ne manque plus que les effluves de Monoï, une peau halée, un peu humide, salée et quelques grains de sable qui collent malgré la brise tiède.
Très rafraichissant.
Vous me faites rire !!!!!!
Dommage quand même, j'aimerais bien voir la tête du gros prétentieux de Gringo aéré par les 7 nymphes en train de me défier de mettre les mains dans la merde dis donc.
Facile avec ce genre de machos : suffit de n'avoir aucune limite pour les rendre complètement dingues.