Beaucoup de question sont posées à propos de la paternité. Entre le biologique, le symbolique, le substitutif, l’affectif, l’engagé, quel homme est père dans la constellation d’un enfants? Et qu’est-ce qui lui donne une légitimité? Alors que personne ne met en doute la légitimité de la mère, simplement parce que l’enfant est sorti de son ventre, il n’en est pas, il n’en a jamais été de même pour les hommes. Voici une réflexion intéressante reprise du site de l’association Un enfant - Deux parents, en France. Elle est due au psychologue clinicien Georges Blond.
«Qui est le père ? : celui qui le veut, celui qui a élevé l’enfant, celui que la mère reconnaît, celui que l’enfant choisit, celui que le juge désigne, ou encore celui que la biologie aura déterminé par l’intermédiaire des tests ADN ?
Sur quelles bases définir le père dès lors qu’entrent en conflit des intérêts, des contextes, et des idéologies divergents. La meilleure façon de sortir du flou conceptuel dès lors qu’on parle du père revient à se poser la question de sa légitimité.
Premier constat : les conceptions auxquelles il est fait référence ci-dessus font appel soit à une désignation extérieure soit à une auto proclamation du père.
A priori la question de l’auto proclamation paternelle est problématique, puisque le père ne ferait l’objet d’aucune qualité ou prépondérance particulière et se définirait par simple distribution, autant dire que du coup nous serions dans l’aléatoire pur, et l’absence de définition. Ainsi, le but recherché ne serait pas atteint car la définition se ferait en l’absence totale de critère, en excluant justement tout fondement et toute légitimité.
Le père doit donc être désigné ou au moins se faire désigner, plutôt que s’autoproclamer. Mais en tout état de cause, il apparaît que c’est un tiers ou un acte institutionnel qui officialisera la fonction. Car, n’est pas père qui veut !
Mais, d’emblée, il n’apparaît pas souhaitable d’évacuer la question du désir du père lui-même, c'est-à-dire de l’acceptation ou non par le principal intéressé de la qualité de père qu’on chercherait à attribuer. Sans quoi on ne ferait que fabriquer du père absent, ou du moins un concept vide de tout sens clinique. Le père ne peut se résumer à une fonction ou à un bout de papier ni pour l’homme, ni pour l’enfant, il doit être constitué de chair et d’os et capable de parler pour dire son avis; même si la représentation du père du côté de l’enfant n’est pas toujours superposable à sa définition.
Est-ce la mère qui seule saurait dire qui est le père, parce qu’elle seule serait capable d’établir une relation de cause à effet entre un ou plusieurs actes sexuels et la grossesse qui s’en est suivi ? Serait elle seule capable de déterminer quel possesseur de spermatozoïde a été le fécondateur ? Conception qui affirmerait que le père est le père biologique, (puisqu’il s’agit du géniteur), mais sans aucune vérification, sur la seule foi de la seule parole féminine.
Sachant qu’aucune parole ne peut ni ne doit être confondue avec la réalité qu’elle désigne, cette définition du père, n’est pas admissible. De surcroît, si le père n’était que le géniteur, il faudrait au moins se donner les moyens de vérifier scientifiquement qui est le géniteur puisque cela est aujourd’hui possible.
Est-ce la mère qui seule saurait dire qui est le père, mais cette fois, au sens de l’exercice de la fonction paternelle? L’argument souvent avancé : la mère seule serait capable de déterminer ce qui est structurant pour l’enfant, car elle entretiendrait avec l’enfant une prétendue relation fusionnelle qui lui donnerait une connaissance absolue de ce qui est bon pour lui. Du coup la mère serait autorisée au nom de cette fusion avec l’enfant à décerner à tel ou tel homme des bons points de paternité au gré du désir conjugal qu’elle nourrirait vis à vis de ces hommes en tant que femme.
Cette conception très répandue dans le milieu psy affirme que le père est décidé exclusivement par des considérations sexuelles affectives et/ou symboliques, et est sans relation nécessaire avec la loi juridique, ou avec l’autorité et la responsabilité parentales. Dans cette position, la mère se substituerait au magistrat, à la société, et au père lui-même.
Ce qui veut dire également que la qualité de père s’attribuerait au mérite et surtout dans un temps bien ultérieur à la naissance de l’enfant. Ainsi, jusqu’au moment de cette désignation maternelle l’enfant serait, dans le fond, sans père, ce qui est évidemment faux et stupide. Car sur le plan des interactions père-enfant le lien se tisse dans la majorité des cas entre le père et l’enfant dès la naissance, mais également sur le plan juridique où un enfant a un père dès lors que le père le reconnaît pour les situations hors mariage. On voit bien qu’il y a un problème conceptuel majeur à désigner le père sur la base d’un oedipe réussi qui n’existe que dans l’imaginaire.
Cette définition du père à partir de la mère qui s’est développée en plein essor du féminisme, n’est plus d’aucune utilité dans l’étude des relations parents enfants, ne serait ce que parce qu’elle ne permet absolument pas d’expliquer comment on définit le père quand c’est lui qui a élevé le nouveau né en l’absence de toute figure maternelle.
Ce qui veut dire qu’elle ne permet pas non plus de rendre compte de ce qui s’observe dans la réalité, ni d’expliquer la structuration de l’enfant dans sa relation au langage et à la loi dans l’ensemble des cas de figures. Elle ne peut donc pas être considéré comme légitime. En outre, cette définition matri linéaire confond le conjugal et le parental et n’offre aucune pertinence. On peut imaginer ce que cela donnerait si le désir féminin suffisait à la fabrique du père : des millions d’enfants auraient officiellement plusieurs pères, et chaque père aurait des vrais enfants et des faux enfants, disséminés un peu partout où les séparations parentales les auraient conduits.
En outre, dans la mesure où le temps de la constitution de l’enfant en tant que sujet est plus long que la durée de vie moyenne du couple actuel (à savoir environ 4 ans), on imagine aisément le bordel social que générerait l’adoption d’une définition du père simplement asujettie aux fluctuances du désir maternel.
Si les choses devaient se situer par rapport au mérite parental du père, tel que la mère en jugerait, l’attribution de la qualité de père par la mère, ne saurait pas non plus se concevoir. Car la mère serait d’abord obligée d’être elle-même le père pour pouvoir ensuite reconnaître cette qualité chez un homme. Or, à ma connaissance les mères ne sont pas plus capables que les pères d’avoir la connaissance de tous les rôles parentaux, d’être à toutes les places.
Donc on voit que cette idée de la détermination du père à partir du discours ou de la parole de la mère amène à une impasse conceptuelle. Elle constitue même une grosse aberration au plan des faits. Elle n’a aucune valeur clinique, scientifique ou juridique.
Si le père doit être désigné, par qui peut-il l’être et sur la base de quels critères ?
Serait-ce l’enfant qui choisirait qui est son père ? Il peut paraître assez curieux de poser la question comme ça, et pourtant … On entend assez souvent revendiquer comme sans importance le fait qu’un enfant appelle papa un monsieur qui n’est pas son père. Revendication qui en général se fait au nom du fait que le monsieur élève l’enfant au quotidien sans avoir une trop mauvaise relation avec lui. L’enfant finit donc par s’attacher à ce monsieur, tout en se repérant très bien dans l’amour et en continuant d’aimer son vrai père, mais à distance nous apprend on. Evidemment, avec le temps les choses se corsent, et à nouveau la question de la légitimité se pose.»
A suivre sur le site de l’association.
Voir aussi le billet précédent sur les recommandations de Père pour Toujours pour la Constituante genevoise.