Suite et fin du précédent billet sur les éléments du débat à venir.
Arguments d’une opposante
1. Dans sa réponse d’opposante Sandrine Salerno, membre du parti socialiste genevois et Conseillère administrative de la ville de Genève, développe avant tout l’aspect économique. La fin du remboursement de l’IVG par l’assurance de base aurait pour conséquence que seules les femmes aisées pourraient y avoir accès. Cela créerait donc une inégalité sociale. La presque totalité de son texte parle de l’aspect financier.
2. Elle invoque donc le droit à l’égalité entre les sexes tel qu’inscrit dans la Constitution suisse, laissant sous-entendre que la fin du remboursement par l’assurance maladie serait contraire à la Constitution.
3. Elle réfute rapidement l’argument selon lequel l’avortement n’est pas une maladie. Sans argumenter elle le qualifie d’absurde.
4. Elle évoque un droit fondamental des femmes, et leur droit inaliénable à disposer de leur corps. Ces droits sont présentés comme attaqués et les femmes seraient donc victimes de ces attaques.
5. Elle mentionne un peu rapidement la problématique des avortements clandestins qui pourtant a toujours été très importante pour les défenseurs de l'avortement légalisé.
6. Elle utilise à plusieurs reprises des étiquettes qui sont des stigmatisations de l’initiative ou de ses auteurs mais en aucun cas des arguments: rétrograde (2x), absurde, immoral, indigne, inadmissible, division inacceptable, fondamentaliste, réactionnaire, extrémiste.
L’égalité: un piège à con
L’aspect économique est un des motifs de débat. Les initiants suggèrent que le remboursement est une banalisation et qu’aucune réflexion ne se fait sur l’acte en lui-même. Madame Salerno affirme que la fin du remboursement créerait une inégalité discriminante entre les femmes. D’un côté un argument économico-moral, de l’autre un argument économico-social. Ce deuxième argument pourrait être annulé par la création d’assurances complémentaires pour le remboursement de l’avortement. De plus le fait de devoir souscrire volontairement une telle assurance amènerait peut-être des femmes à réfléchir davantage, à anticiper, à privilégier une contraception sûre plutôt qu’à envisager l’avortement futur comme une normalité de sa vie de femme. C’est probablement ce que souhaitent les initiants. Mais de nombreuses femmes ne prendraient pas cette complémentaires, et pourraient malgré tout être dans la situation d’une grossesse non désirée. Il faudrait alors que la famille, ou le compagnon, ou un fond social leur viennent en aide. Ce qui les obligerait à rendre des comptes, ou à affronter la famille et le monde dans un moment de plus grande fragilité où il faut aller vite. Cette question contient un vrai débat. Actuellement l'avortement est presque un acte solitaire de la femme enceinte: est-ce vraiment souhaitable de lui laisser porter seule cette grave décision?
Sur l’égalité, l’argument ne vaut rien sinon à être brandi à toutes les sauces au point où un jour il perdra toute consistance et créera même un réflexe de rejet. C'est déjà le cas pour des hommes que je connais et qui en ont plein les oreilles que l'argument tout-puissant de l'égalité soit utilisé parfois abusivement, neutralise des débats et les fasse passer pour des réactionnaires s'ils tentent de discuter autrement que le dogme le permet. L’inégalité de revenus et d’aisance financière n’est en aucun cas concernée par la loi sur l’égalité des sexes. C’est même un non-sens d’y faire appel puisque la loi parle bien de l’égalité des sexes alors qu’ici il est question d’inégalité des revenus, qui plus est entre personnes du même sexe! L’égalité est en passe de devenir un piège à con grâce à celles qui l’invoquent le plus à tort et à travers. Ici c'est un argument non relevant.
La question de l’avortement, maladie ou non, est répondue plus haut.
Le droit inaliénable des femmes à disposer d’elles-mêmes pourrait être un bon argument en démocratie. L’inconvénient est que le père n’a aucune place en l’occurrence, et que ce n’est pas le seul domaine où la société évacue les pères. Ici l’égalité des sexes n’est pas respectée. Mais s’il y avait une égalité, et que le père refuse l’avortement quand la mère le souhaite, que se passerait-t-il? On est devant une des limites de l’égalité: la dissymétrie des sexes ne permet pas une égalité symétrique. Il y a là aussi un vrai débat à mener. Et en poussant à l'absurde, le droit des hommes à disposer de leur corps n'est pas respecté: si la femme décide toute seule d'avorter, qu'elle rende donc son sperme à l'homme car il lui appartient!...
La question douloureuse des avortements clandestins est évidemment celle où l’on ne peut qu’être d’accord. Mais rien ne démontre que la fin du remboursement par l’assurance maladie en augmenterait le nombre, en particulier si une assurance complémentaire prend le relais. Toutefois la situation actuelle assure sur ce point une bien plus grande sécurité aux femmes que toute autre solution.
Le plus malheureux dans cet argumentaire est l’usage de mots creux, vides de sens: rétrograde, réactionnaire, etc. Langage habituel de politiciens à la recherche d’effets de langage plus que d’arguments. Etre réactionnaire signifie être en réaction. Serait-ce donc illégitime d’être en réaction? Fichtre, tous les indignés devraient alors être considérés comme réactionnaires. Réactionnaire s’oppose en général à progressiste. Mais le progrès est variable pour chacun. L’avortement est un progrès pour certains, une régression pour d’autres. Qui a raison? Chacun sa morale. L’usage de ces mots creux, le vide sémantique qu’ils véhiculent, donnerait presque envie de voter contre ceux qui les utilisent tant leur apport au débat est pauvre.
Conclusion
Pas la peine donc de stigmatiser, cela ne fera jamais un argument. Il y aura débat et l’on verra comment la réflexion du peuple suisse a collectivement évolué. Le monde change dans un sens ou dans un autre selon une évolution des mentalité, le résultat d'expériences, etc. Faudrait-il traiter les anti-nucléaires de réactionnaires alors que cette énergie représentait le progrès il y a 50 ans?
Il y aura donc débat. Essayons d'y amener des arguments de valeur.
P.S: Par ailleurs je souligne ici la proposition de madame Jacqueline Berenstein-Wawre, féministe historique, qui propose de faire payer les 50% des frais de l'avortement au géniteur.
«Tout retombe toujours sur elles! Et le géniteur, on s'en fou. Cela ne vient à l'idée de personne qu'il paie au moins le 50 %. Evidemment on préfère que ce soit les caisses maladies ...et si elles ne réclamaient pas le 50 % au géniteur?»
Cela, c’est l’entièreté d’un billet sur son blog...
Ah, quel beau mot, ça, «géniteur»! Il contient en trois lignes le mépris féministe envers les hommes. Ceux-ci ne sont que des géniteurs. Des choses, quoi. Un peu comme des taureaux qui ne servent qu’à ensemencer les femelles d’un troupeau. Tiens, cela donne une idée: en tant que géniteurs les hommes devraient se faire payer leurs «saillies» sur les «poules» de la basse-cour!... Car si les hommes sont des géniteurs, les femmes sont des poules, des engrossables, des pondeuses. Jacqueline, vous m'ouvrez les portes d'un langage nouveau, tellement plus simple. Vais-je écrire le roman du géniteur et de la pondeuse, pour remplacer Roméo et Juliette qui fait décidément un peu vieillot? On devrait même organiser une marche des géniteurs qui réclameront leur dû pour tous les enfants qu’ils ont déposé dans le ventre des femmes. Les géniteurs ne sont pas des objets, après tout...
Ah, le langage naturaliste de ce féminisme-là... Que du bonheur. Madame Berenstein-Wawre: une féministe historique? Ou préhistorique, vu la grande «simplicité» du langage?
Commentaires
Le géniteur étant totalement écarté de la responsabilité, puisqu'il n'a pas son mot a dire quant au choix de l'avortement ou de l'accouchement sous X il est bien naturel qu'on le mette a contribution pour les conséquences financières...Pourquoi? parce que c'est un homme, tout simplement, rien à dire mais il doit payer.
"De plus le fait de devoir souscrire volontairement une telle assurance amènerait peut-être des femmes à réfléchir davantage, à anticiper, à privilégier une contraception sûre plutôt qu’à envisager l’avortement futur comme une normalité de sa vie de femme."
Ah...toutes des irresponsables qui comptent sur l'avortement comme moyen de contraception. C'est clair, c'est tellement confortable d'avorter, juste une narcose, qques semaines de saignements et de douleurs, vraiment trois fois rien. On est d'ailleurs une majorité à ne jamais prendre de contraceptif parce qu'on considère l'avortement "comme une normalité de notre vie de femme", c'est bien connu. Pour le mépris, vous n'avez pas grand chose à envier à JBW...
La question reste de savoir comment, avec une complémentaire payée uniquement par les femmes, nous pourrons amener des hommes à réfléchir d'avantage, à anticiper et privilégier le préservatif au lieu de se contenter de la sympathique question du premier soir du "Tu prends la pilule" (qui oblige par ailleurs à donner un cours accéléré sur la prévention des mst, so sexy) parce qu'on considère la prise en charge totale du risque de grossesse par sa partenaire comme une normalité de sa vie d'homme.
Donner des leçons, généraliser, ça peut aller dans les deux sens.
@ Audrey:
Vous biaisez délibérément mon propos. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit, ni même ce que j'ai voulu dire. Je dis clairement qu'un avortement est tout sauf une partie de plaisir pour la femme. Que les conséquences de la sexualité ne sont pas les mêmes pour les femmes et les hommes. Qu'il faut responsabiliser les hommes. Je le dis, et depuis longtemps.
Alors votre coup de gueule tombe à côté, même assez loin.
Mais il me semble normal que la partie qui est la plus malmenée dans une situation soit aussi celle qui tente le plus d'anticiper. Ici c'est la femme parce qu'elle le vit dans son corps et dans sa tête, et qu'un avortement n'est pas anodin. Il est difficile de demander à l'homme la même conscience des conséquences qu'à la femme. Ce n'est pas pour rien que les femmes ont en général été éduquées autrement que les hommes. Essayez de formater l'homme à votre volonté: vous y serez encore dans 10'000 ans, et même plus longtemps je l'espère. Vos théories n'y changeront rien, et votre ton ne va sûrement pas donner envie aux hommes de vous écouter.
Maintenant que savez-vous statistiquement des conditions dans lesquelles une grossesse non désirée survient? Est-ce automatiquement le premier soir après la question "Tu prends la pilule"? Parce que soit c'est la vérité, soit ce que vous avancez là n'est qu'un stéréotype misandre. Beaucoup d'hommes sont conscients de la possibilité de grossesse non désirée. Mais les femmes en sont spontanément plus conscientes, cela me paraît assez logique.
La prévention est souhaitable pour les deux partenaires. Mais je doute que la dissymétrie des sexes puisse être aplanie facilement, ni qu'elle le soit un jour, ni même qu'il soit souhaitable qu'elle le soit totalement. Simplement parce qu'il y a des domaines où l'on ne remet pas la responsabilité de sa vie entre d'autres mains que les siennes propres. Cela ne sert à rien de vouloir contraindre les hommes et de leur crier dessus quand ça ne marche pas. Think different!...
J'ai bien compris, grâce à JBW, que les hommes sont de simples géniteurs lâches et stupides qu'il faut faire payer (ils ont l'habitude). Si vous soutenez son discours "minimaliste", pas besoin d'argumenter, il suffit d'affirmer. Si vous soutenez sa proposition, vous voterez pour l'initiative, car tant que les assurances maladies remboursent cela ne marchera pas. Il faudra penser à inclure les tests de paternité en même temps...
Personnellement, je trouve qu'un avortement n'est pas un geste anodin et je doute fort que les femmes ou les jeunes filles qui font ce choix le fassent complètement sereinement et détachées de la portée de l'acte. Je suis donc entièrement pour le droit de ne pas conserver un enfant lorsque celui-ci n'est pas désiré. La prévention reste la meilleure solution pour éviter ces accidents de parcours. Je pense que le père ou géniteur ou peu importe, celui disons qui a semé la petite graine a tout naturellement son mot à dire et il devrait être normal de le consulter lorsque le contexte de la conception est bien entendu "normal", j'exclue donc ici les viols ou incestes, les relations adultérines compliquées (quoique...)les semeurs inconnus (si si ca peut arriver lors d'une fête un peu trop "festive"). Le remboursement entier ou partiel par les Caisses me semble tout à fait justifié,une grossesse n'est pas une maladie et l'avortement non plus mais les conséquences d'une grossesse non désirée qui serait maintenue jusqu'à son terme sont parfois dramatiques pour l'enfant non voulu....
Le père devrait être impliqué dès le départ.
La prise en charge devrait être faite a 100 % pour les démunis , les mineurs et celles qui sont victimes d'abus sexuels, ensuite quand on est consentante, informée, responsable et solvable on assume
Un peu de respect en leur faveur sans toujours remuer le couteau dans la plaie est demandé par celles ayant dû subir ce traumatisme,on ne tient pas assez compte de leur ressenti et elles sont nombreuses a dire ras le bol de ces articles qui ne changeront rien du tout et qui ne font que raviver des souvenirs pénibles.A croire que ceux ayant plaisir à évoquer leurs souffrances prennent un malin plaisir a ré-ouvrir davantage des cicatrices psychologiques qui ne seront jamais effacées
@ Lovsmeralda:
Avec l'initiative qui se profile, le sujet sera largement débattu. Il faudra s'y faire. C'est pourquoi il est souhaitable d'avoir un débat honnête et réfléchi. Peut-être celles qui l'ont vécu peuvent-elles en parler. Peut-être aussi pourra-t-on mieux connaître les conséquences.
@ Vali:
Je trouve utile que l'on parle plus du fait que ce n'est pas anodin. Non pour criminaliser mais pour en prendre davantage la mesure. De toutes façon je ne pense pas que ce nouveau débat fixera la ligne entre la loi et l'éthique. La loi ne fixera pas où est le début de la vie. Le débat sur ce sujet va d'ailleurs se prolonger avec la question de l'avortement post natal sur lequel je reviendrai.
Il y a au travers de cela une profonde réflexion sur la vie. Et curieusement, la loi laïque gère l'espace dans lequel les gens choisissent leur vie mais ne va pas jusqu'à définir certains fondamentaux comme le début de la vie, alors que pourtant les conséquences de cette loi (sur l'avortement) impliquent forcément que l'on fixe un début à la vie, ou une relativité de la vie en faveur d'impératifs considérés comme supérieurs (la vie de la mère, la détresse sociale, par exemple).
On est bien au-delà du discours sur la libre disposition de son corps ou sur le fait de faire payer la moitié au "géniteur". La question est à mon avis si profonde que l'initiative ne passera pas parce qu'elle ne pourra pas dépasser les clivages habituels. La population ne veut certainement pas en revenir au temps des faiseuses d'anges, et devant un sujet si complexe la tendance pourrait être au statut quo.
@hommelibre: le mot "géniteur" sonne effectivement assez technique en français. Curieusement, en italien moderne, "i genitori" signifie "les parents ".
Dans son mini-billet, JBW ne dit même pas "femme" ou "mère", mais seulement "elle". Il y a une simplification maximale et effectivement pas de prétention à argumenter.
Récemment, il m'a été donné d'entendre des témoignages de femmes nées autour de 1930 qui ont subi 7-8 avortements clandestins dans leur vie de jeunes femmes. C'était l'époque d'avant la contraception généralisée. On dirait une autre planète.
D'après ce que je sais, les chiffres en Suisse restent stables, il n'y a pas de tendance croissante ou d'abus manifeste.
Reste la question de principe.
Je trouve qu'il est juste, dans le cadre de cette votation, de rester sur le plan financier, puisque c'est de cela qu'il s'agit. Et de la solidarité financière dans le cadre de la LAMAL.
Vous avez parlé de l'abus du sucre qui engendre des coûts pour le système. Je pense à la cigarette et à l'alcool. On pourrait argumenter, comme pour l'avortement, qu'il n'y a qu'à pas consommer ces produits dont la nocivité est démontrée et cela aux frais des non-fumeurs ou des buveurs raisonnables.
Pente glissante sur laquelle je ne m'engage pas.
Reste le début de la vie. Je crois que les hommes et les femmes sont très vulnérables et émotifs à ce sujet. Les scientifiques sont prudents, sentant bien quelle immense responsabilité il y a à vouloir définir ces limites, comme pour la mort.
Plus nous avons de connaissances, plus nous sommes responsables. C'est une des interprétations de l'histoire d'Adam et Eve : la pomme venait de l'arbre de la connaissance.
Je peux comprendre le fait qu'il est insupportable qu'un homme ne désirant pas d'enfant n'aie pas son mot à dire quant-à l'avortement de sa femme . C'est peut-être LE cas,selon moi,ou la question ne devrait pas reposer sur la seule volonté de sa femme . (Si tu veux un enfant et que moi j'en veux pas mais qu'il y en a un quand même...comment on fait ? Pas de raison que ta parole ait plus de poids que la mienne ! )
Bon,maintenant je mets les sentiments en mode OFF
Indépendamment des questions financières,pourquoi avorter n'est il pas anodin ?
Il pourrait le devenir .
Je pense que c'est un acte qui devrait devenir banal,le foetus n'est pas encore né,ne souffre pas avant un certain temps,c'est un sacrifice qu'il faut savoir faire et qui nous concerne,pour une fois,nous et seulement nous .
En fait,pour être franc,personnellement, je suis plus choqué par l'abattages des animaux que par l'avortement...
Dans un cas on décide pour les autres êtres vivants et dans l'autre on se restreint à notre espèce,dans un cas on tue et pas vraiment dans l'autre et en plus on enlève le poids que représente pour certains le fait d'avoir un enfant et la terreur que ça peu susciter chez certaines d'accoucher.
Mettre une capote c'est un avortement,prendre la pilule c'est aussi un avortement,toute contraception est un avortement mais je dirai que c'et juste un avortement qui à lieu "plus tôt" .
@ Calendula:
Et bien j'apprends le sens du mot en italien, en effet c'est assez cocasse! J'avoue que j'ai grand peine à prendre JBW pour argent comptant. C'est toujours minimaliste, non argumenté, limite caricatural. Je ne devrais pas en faire une question de personne, mais bon, si elle argumentait un peu, on aurait une autre musique. Et mon sentiment, à la lire, est qu'elle pense de manière aussi "brut" qu'elle écrit.
Je partage sans réserve le fait que les avortements clandestins étaient terribles pour les femmes. Nombre d'entre elles y ont laissé leur vie, ou leur fertilité à cause d'infection invalidantes. J'ai une connaissance qui a subi environ 7 avortements. C'est la seule que je connaisse à ce nombre. Mais plusieurs femmes aujourd'hui ont vécu plus d'un avortement. Il faut évidemment voir dans quelles circonstances c'est arrivé: oubli de pilule, rupture de préservatif, changement dans le cycle, tout n'est pas prévisible.
Les chiffres suisses sont en effet assez stables. Les avortements d'ado sont même, sauf erreur, en diminution. L'aspect financier est bien celui posé par l'initiative, et ce sera de toutes façon la question sur laquelle il faudra voter. Cela ne changera pas le recours à l'avortement. Mais il me paraît difficile de faire l'économie du reste du débat sur un sujet aussi sensible.
Comme vous le dites les scientifiques sont extrêmement prudents. Ils ne veulent pas prendre la place des religieux. Et d'ailleurs, arriveraient-ils à un consensus? Ce n'est pas certain. Dans de nombreux domaines ils affirment, là ils se taisent. Tant mieux: le débat ne peut probablement pas être limité à la seule science. La philosophie y a sa place. C'est ce qui nous est imparti quand on n'est pas scientifique: spéculer sur des principes philosophiques. L'IVG appelle à cette question: qu'est-ce que la vie?
De toutes façons tant les arguments du PEV que ceux de Sandrine Salerno déborde du seul cadre financier. Le PEV parle par exemple de la possibilité à se sentir maîtres de la vie et de la mort. Salerno parle de l'égalité des sexes. Difficile de rester uniquement sur la question financière. Si la simple question du remboursement par la LAMAL suscite des débats connexes plus conséquent que le débat initial, il faut peut-être y aller. Parfois, faire un grand tour permet de revenir apaisé au point de départ, alors que refuser le grand tour pourrait laisser des frustrations ou des méfiances aux conséquences politiques difficilement prévisibles en terme de vote. Mais bon, le grand tour ne produit pas forcément non plus des résultats prévisibles.
Je fais partie des hommes qui ont connu dans leur vie de couple un avortement. Il s'en est suivi un sentiment de soulagement en même temps que de grande lâcheté de ma part. Je l'ai vite effacé. Pourtant je pense que cela a blessé mon couple bien plus profondément que je n'imaginais.
Mais cela, c'est une autre histoire.
@ Nemotyrannus:
Inévitablement on va plus loin que la question financière! En effet pourquoi nous donnons-nous le droit d'abattre d'autres espèces? Et même: pourquoi nous permettons-nous de tuer en cas de guerre? Pourquoi faire une différence entre tuer au front, tuer par crime, l'infanticide et l'avortement? C'est une évidence apparente de faire une différence. Pourtant il s'agit à chaque fois d'empêcher une vie. La loi, la règle, fait des nuances. Sur quelle réflexion de fond sont-elles référées?
Où est la limite du début de vie? Dans l'indépendance? En effet un foetus n'est pas indépendant. Il ne peut vivre hors du ventre de sa mère. Mais un enfant non plus n'est pas indépendant. Est-ce, comme vous le suggérez, la capacité à ressentir de la souffrance qui fait la différence? Ou est-ce le moment décisif où deux cellules (ovule et spermatozoïde), vouées à la mort si elles ne se rencontrent pas, passent à cette phase où elles se multiplient et créent un être qui a déjà potentiellement tout ce qui fera de lui un humain?
Ce n'est pour moi pas si simple. Je ne suis pas favorable à ce que l'avortement devienne anodin. Que ce soit pour le couple, pour la femme elle-même, ou pour la société, on ne peut rendre cela lisse. Socialement, accepter une banalisation forte de l'avortement, ou aller jusqu'à l'avortement post-natal soit faire mourir des nouveaux-nés (car après tout, où est la limite) est limite suicidaire pour une société qui pourrait ne plus se renouveler. Mais sur ce point la contraception pose le même problème.
Par contre je ne pense pas que la contraception soit un avortement. Ce n'est pas le même processus.
Bref, plus de questions que de réponses... :-)
@hommelibre
J'aime bien l'idée du "grand tour" qui permet de revenir au point de départ avec une vision en profondeur, avec une perspective approfondie.
L'éthique médicale est un terrain très approprié pour de grands tours et les commissions qui s'occupent de ces questions sont toujours pluridisciplinaires.
La religion seule ne peut suffire à donner des réponses aux questions d'éthique. Aux USA, il est arrivé que des militants anti-avortement extrémistes tentent de tuer des médecins qui pratiquent l'avortement en toute légalité. Ceci pour la "bonne cause". La religion seule n'est pas toujours bonne conseillère.
Il me semble que la procréation médicalement assistée peut également être remise en question par des personnes qui pensent que l'être humain ne doit pas s'approprier les prérogatives divines. La FIV n'étant pas remboursée en Suisse, cette question peut être laissée de côté à cette occasion !
Dans un monde idéal, l'avortement n'existerait pas. On prendrait toutes les précautions nécessaires pour ne pas se retrouver devant ce choix ultime. On n'en sort pas indemne. Comme vous le dites, cela peut laisser des traces que l'on ne soupçonne même pas.
Paradoxalement, à l'époque des avortements multiples dues à la non-existence de la contraception (qui est toujours encore considérée comme inadmissible par le pape, ne l'oublions pas : même le préservatif anti-sida est mal à ses yeux), il me semble que l'avortement se pratiquait avec moins de questionnements moraux. En écoutant les histoires de ces très vielles dames, j'ai eu l'impression qu'elles n'avaient simplement pas de choix et à cette époque. Les hommes, leurs partenaires, étaient dans une drôle de situation face à elles, qui risquaient leur vie pour pouvoir avoir ce que nous considérons à présent comme évident : une vie sexuelle.