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Dépenses publiques: les besoins doivent-ils déterminer les ressources?

SolidaritéS recommande sur son blog le rejet du projet de nouvelle Constitution genevoise. Le reproche principal est qu’il s’agit d’un projet neolibéral. Un point soulevé me paraît être un excellent objet de réflexion. Il pourrait être proposé comme examen de matu en philosophie politique.

Genève1.pngLe texte de SolidaritéS concerne entre autres les ressources financières de l’Etat. Je cite:

« De plus, la question des finances vient avant celle des tâches de l’Etat. Autrement dit, ce qui est en caisse détermine ce que l’on peut faire, ce ne sont pas les besoins à satisfaire qui déterminent ce qui doit être encaissé. Il faut donc par ex. limiter les soins en fonction des moyens qu’on a et non les prévoir à la mesure des besoins!»

Cela soulève une autre question: comment évaluer les besoins qui doivent être pris en charge par la collectivité? Comment peut-on savoir si un hôpital plus moderne a besoin du dernier scanner, par exemple ou si un tel appareil pourrait être financé de manière mixte et utilisé par le public et le privé?  

A Genève l’hôpital de La Tour, établissement privé, est doté d’un matériel très moderne et performant, certainement utile pour affiner les diagnostics. Mais étant en concurrence avec l’hôpital universitaire, une partie de son matériel répond peut-être à un challenge commercial. Les HUG pour leur part sont confrontés à deux challenges: la concurrence de La Tour (et de Beaulieu) et au fait d’être universitaire. Il doit donc aussi être performant, pour garder ses clients et justifier ses budgets, et pour l’image universitaire de Genève.

Comment déterminer les besoins indiscutables des besoins concurrentiels ou de prestige? La réponse la plus simple serait de dire qu’en matière de santé tous les établissements doivent être au top. Ce qui fait automatiquement monter les coûts d’exploitation. Les établissements concurrents ont du matériel identique. Ce matériel est-il utilisé à 100% dans chaque établissement? Tous les examens sont-ils prescrits dans une stricte perpective médicale, ou y a-t-il parfois des raisons de rentabilisation?

En avril dernier les milieux médicaux américains alertaient sur le grand nombre d’examens inutiles:

«Aux États-Unis, neuf grandes organisations de spécialistes alertent sur le trop grand nombre d'examens médicaux pratiqués et dont certains sont inutiles, quand ils ne sont pas néfastes pour les patients. Et si ces recommandations étaient suivies, le système de santé américain pourrait économiser au passage des centaines de milliards de dollars chaque année.

Dans le viseur des quelque 375.000 médecins spécialisés représentés figurent notamment des électrocardiogrammes réalisés de manière routinière, ou des IRM (Imagerie par résonance magnétique), pratiquées systématiquement quand un patient a mal au dos. Ces spécialistes critiquent aussi la prescription d'antibiotiques pour traiter la sinusite, une maladie qui se guérit pourtant d'elle-même en dix jours.»

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Des centaines de milliards de dollars pourraient être économisés! Comment donc évaluer les vrais besoins? Et qui les évaluerait? Pas les politiques: ils ont besoin de l’avis de spécialistes. Mais justement ce sont les spécialistes qui sont mis en cause par des associations médicales américaines.

Et comment savoir à l’avance le volume de malades, de traitements, d’hospitalisations, d’interventions, pondérés ou non par des campagnes préventives? On peut anticiper faire une estimation globale, qui demandera à être ajustée après coup sur la base de la réalité. Mais on ne peut pas prévoir précisément tous les besoins à l’avance.

Dans d’autres domaines aussi, l’évaluation des besoins est tributaire d’estimations, d’avis d’experts, de contre-expertises, qui coûtent de l’argent et prennent beaucoup de temps. N’est-il pas préférable d’ajuster les ressources après avoir pris connaissance des coûts réels?

Sur un plan plus global, le reproche est fait que «ce qui est en caisse détermine ce que l’on peut faire». Ce qui est en caisse est fixé selon une estimation de ce qui est supportable de faire payer aux citoyens, compte tenu des nombreuses charges auxquels il est soumis: loyer, assurances, chauffage, écolage, transports, nourriture, prévoyance, et quelque chose pour les loisirs.

Si l’on estime par exemple qu’il faudrait à Genève l’hôpital le plus moderne du monde avec les plus réputées sommités médicales mondiales, tant pour la qualité des soins que pour l’image et le tourisme médical que cela engendrerait, combien faut-il investir et donc demander en plus aux citoyens? On peut répondre que Genève n’a pas besoin d’un tel hôpital. Qui en déciderait? Qui trancherait?

Il est délicat de vouloir définir les besoins avant de savoir combien on peut dépenser. Je peux dire que j’ai besoin de six mois de vacances, d’un camping-car, de massages à domiciles, et de nombreuses autres choses pour me sentir bien. Mais si je n’en ai pas les moyens, je fais quoi? Je réduis mon budget et revois mes besoins selon mes possibilités. Je ne sais pas si c’est cela être neolibéral. Pour moi c’est être conséquent.

Le feuilleton de la Constituante à Genève n’est certainement pas fini. Il apparaît clairement que la politisation, dès le début de la consultation n’a fait que laisser en place les clivages préexistants. La Constitution doit être un système de gestion minimal commun à toutes les tendances politiques. Pourtant je n’arrive pas à lire autre chose dans les reproches de SolidaritéS que le regret que son propre programme politique n’ait pas pu être mis en place.

On peut bien sûr suivre l’idée de SolidaritéS. Mais au fait, en quoi les budgets votés jusqu’ici par la droite ou la gauche ont-ils empêché les besoins sociaux et médicaux d’être satisfaits? Et en quoi le nouveau texte empêcherait-il que cela continue ainsi?

Catégories : Politique 3 commentaires

Commentaires

  • Poste très interessant., merci encore pour ces infos

  • "Pour moi c’est être conséquent."
    Merci dix mille fois pour cet usage correct de l'adjectif "conséquent". Vous donnez le bon exemple ... qui ne sera évidemment pas suivi.

  • Encore un projet délirant des décroissants sans doute. En effet vaut mieux rejeter ce projet qui va à l'encontre du développement durable mot exécrable d'ailleurs si on veut un projet qui dure dans le temps ,on le teste pas sur les citoyens comme c'est trop souvent le cas pour le remettre aux oubliettes 6 mois ,allez voire trois ans plus tard par manque de chance d'avoir engagé du personnel qui voit clair ,si si il en existe encore et il est entrain de se réveiller,les anciens sont à nouveau sur la brêche pour les y aider

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