La série Borgen est intéressante et bien faite. Elle décrit la lutte pour le pouvoir au Danemark. Le Premier ministre est une femme, Birgitte Nyborg. Comment gère-t-on le pouvoir dans une démocratie représentative? Quels sont les compromis nécessaires et les coups bas? Jusqu’où faut-il sacrifier sa vie personnelle pour administrer un pays?
L’un des deux épisodes de vendredi soir sur la rts décrit la maladie et les soins de la fille de cette femme Premier ministre, qui se met un mois en congé de ses fonctions pour la soutenir dans sa guérison. Aussitôt ses alliés tentent de prendre sa place. S’y mêle la presse à scandale prête à tout pour quelques clichés compromettants. On lui demande de choisir: si sa priorité est sa famille plus que sa fonction, elle devrait en tirer les conclusions. Cet épisode est excessif car à ma connaissance aucun premier ministre n’a demandé à être momentanément remplacé pour raisons familiales. Mais il illustre bien le dilemme pour cette femme politique qui est également mère.
Au fil des épisodes on la voit aussi perdre son couple. Trop occupée, elle oublie son mari qui fait du bovarysme! Un comble: l’homme se plaint d’être délaissé et va chercher du réconfort ailleurs.
Série bien faite, scénario solide malgré quelques facilités, personnages attachants et un excellent casting. Tous les rôles sont bien servis par d’excellents acteurs. Dommage qu’elle passe un peu tard sur la rts.
Deux réflexions en regardant Borgen:
1. En politique à un certain niveau l’investissement est total. Il semble difficile de concilier vie publique et vie privée. La première dévore la seconde. De manière générale la carrière - politique ou professionnelle - est énergivore. Je pense aux hommes qui ont mis et mettent encore l’essentiel de leur temps et de leurs forces à occuper une fonction politique ou à développer leur activité professionnelle. Après s’être donnés pendant des années on leur reproche un jour d’en avoir trop fait et de ne pas avoir consacré assez d’attention à leur femme et à leurs enfants. Mais pouvaient-ils faire autrement? Ce reproche est-il justifié? N’est-ce pas une forme de trahison?
Dans la série c’est une femme qui exerce une carrière politique. Les femmes ayant souhaité s’investir dans la vie publique et dans le business, elles découvrent elles aussi ce que cela signifie et tout ce qui est sacrifié pour une carrière. Seront-elles mieux comprises par leur mari?
Un conseil: si vous rêvez d’une vie plan-plan, sans idéal ni ambition, ne la partagez pas avec un conjoint ou une conjointe habités d’ambition ou d’une vocation! Mieux vaut être deux salariés à un poste subalterne.
2. La deuxième réflexion porte sur la notion d’alliance. Pas simplement le mariage mais le choix de vie solidaire et le projet commun qui devrait être posé quand un couple s’engage. Dans le temps, la famille et les enfants étaient une priorité. L’alliance, le projet solidaire, était la famille, issue peut-être de la notion de clan. Le clan et la famille assuraient la survie des individus, et étaient en principe un lieu de soutien mutuel même dans les difficultés.
En voyant comment le scénario de Borgen amène à la rupture du couple, en pensant aux nombreuses ruptures dues au sentiment de délaissement ou à des besoins pas totalement satisfaits, je me demande s’il y a encore une alliance au sens de choix de vie dans les couples. Qu’est-ce qui les motive à long terme? Quelles difficultés sont-ils prêts à traverser? Se sentir délaissé, être désappointé, ne pas sentir la totalité de ses besoins remplis, est un signe de la faiblesse de l’alliance ou de son absence dans les couples actuels. L’individualisme y gagne, le couple y perd, la construction commune et la transmission d’une force spirituelle (au sens d’intérieure) est presque inexistante.
Un couple ce n’est pas qu’une affinité, ou des sentiments amoureux, un désir, un besoin: c’est aussi une alliance, une solidarité, un soutien mutuel, un projet de vie. Dans Borgen, le mari aurait dû soutenir la carrière de son épouse et accepter que leur relation en était modifiée.
Un couple sans alliance est soumis aux aléas sentimentaux et à la valeur comptable de ce qui est échangé. C’est un couple où le déficit temporaire est insupportable. Où la dépendance envers l’Etat et la justice est grandissante pour régler les besoins et les conflits. Un couple sans force.
La série passe sur rts, artv et d’autres chaînes dont on peut trouver les références sur internet.