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Lucidité et bons sentiments

L’égoïsme a mauvaise presse, en général. Oser dire que l’on fait les choses pour soi suscite parfois des remarques sur le fait que l’on ne pense pas assez aux autres et que ce n’est pas bien. Un humanisme formel voudrait que nous soyons en permanence des chevaliers blancs n’ayant plus d’intérêt pour notre propre personne.

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Certains candidats de jeux télévisés semblent se justifier par avance d’une moralisation de leurs gains éventuels.

- Que ferez-vous de cet argent si vous gagnez?

- Je vais le donner aux autres. Je vais faire construire une école en Afrique.

En général ces personnes gagnent en quelques mots un crédit moral inouï. Le public applaudit et l’animateur y va de sa phrase digne d’un curé à la fin de la confession. Sans compter la caméra qui s’attarde sur le visage de la personne, à l’affut du moindre signe d’émotion dont on sait qu’il fera vendre de l’image. La société est en état de grâce: ouf, il reste une bonne personne sur Terre. Ainsi, à peu de frais, on peut devenir un héros ou une héroïne moderne: un jeu télévisé, quelques minutes d’antenne, et une déclaration dégoulinante de bons sentiments - soit d’un humanisme formel qui n’est que la bonne conscience que l’on se donne pour oublier que nous sommes d’abord égoïstes, et que c’est normal.

Vouloir construire une école en Afrique? Formidable. Mais le candidat qui fait cette annonce a-t-il la moindre idée de ce que cela signifie de démarches administratives, d’étude des besoins, de connaissance du terrain? Sait-il qu’il va marcher sur les plate-bandes d’ONG qui soit ont l’expérience d’un pays et savent s’y prendre, soit vont défendre leur territoire et leurs subventions? Croit-il qu’en déclarant cela tout seul, sans avoir une seconde préparé un plan d’action concret, il lui suffise de bons sentiments pour être le nouvel pour Albert Schweitzer?

Penser aux autres sans penser à soi-même, serait-ce mieux que de penser à soi-même puis aussi aux autres? Ce genre de «bons sentiments» - ce que l’on peut nommer un humanisme formel - n’est-il pas une sorte de manque de lucidité?

Nous pensons à nous-mêmes, d’abord, mais il est difficile de le dire ouvertement et de l’assumer. Nous pensons à nous-mêmes d’abord et c’est normal. Pour satisfaire nos besoin: logement, nourriture, nous travaillons pendant des heures. Des heures rien que pour nous. Quand nous sommes amoureux, quand nous aimons, nous sommes heureux de nous-mêmes, de cet état qui nous comble, autant que nous sommes heureux des bonheurs de l’autre. C’est ainsi. Un amoureux qui s’oublie n’est plus un partenaire. Quand nous voyons nos enfants grandir et se réaliser, nous avons en tant que parents une satisfaction toute égoïste normale, que nous cachons derrière une attitude très altruiste. Est-ce de la pudeur ou un manque de lucidité?

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Sage ou fou?

La société veut nous entendre porter une parole pleine de bons sentiment, dégoulinante de bons sentiments. En même temps elle envoie par la publicité des message répétés valorisant la satisfaction personnelle et le narcissisme.

C’est gratifiant de faire des choses qui nous rapportent beaucoup en terme d’image et d’admiration des autres. La moindre lucidité devrait faire dire au candidat qui veut construire une école en Afrique:

- «Cela me satisfait, je me sens quelqu’un de bien si je fais cela, j’ai de la valeur à mes yeux parce que j’en ai aux vôtres, je suis une sorte de héros, je suis même peut-être mieux que les autres».

C’est cela qui se passe en silence, très vite, dans la tête du candidat, mais qu’il ne dit pas sans quoi on ne lui accorderait pas notre admiration. Imaginons un candidat qui dit: «Je veux faire une école en Afrique, cela me valorise, je suis quelqu’un de bien»: il perdrait à la seconde tout le crédit que son idée est supposée lui apporter.

La moindre lucidité devrait faire reconnaître que nous nous servons toujours nous-mêmes, quoi que nous fassions, et que c’est normal. Pour ne plus avoir besoin de penser à soi, de chercher une valeur ou une reconnaissance, il faut être un sage dont les besoins ont été suffisamment satisfaits pour s’être apaisés. Ou un fou dont la personnalité s’est construite de travers.

Nous nous servons toujours nous-mêmes. C’est même cela qui donne tant de valeur à ce que nous faisons pour les autres: nous partageons notre intention et notre temps. Ce n’est pas totalement désintéressé puisque nous y avons notre compte à nos propres yeux, puisque cela confirme que nous sommes quelqu’un de bien. Mais l’action totalement désintéressée appartient aux saints. Pour nous, si dans le bilan de nos actions les autres ont une place, même si ce n’est pas totalement désintéressé, c’est déjà réaliste et honorable. Et lucide.

Nous pouvons être des saints ou agir à leur image. Je pense à Lotti la blanche, par exemple. Pour cela il me paraît inévitable de développer la plus grande lucidité sur la motivation intérieure, secrète, de nos actes. Sans quoi ce ne serait qu’humanisme formel dégoulinant de bons sentiments et de larmes pour que la caméra vende de belles images qui font pleurer dans les chaumières entre la pub pour «Horaïzonne» et celle pour Swisscom.


Image 1: école primaire à Kédié, Burkina Faso. Image 2: Lotti la blanche.


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Sortie demain 18 mai:

 

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Catégories : Philosophie, société 3 commentaires

Commentaires

  • Je me rappelle les français qui voulaient vendre des petits africains aux riches européens, il y a quelque temps.

    Une Honte !

  • Pensez à soi-même avant de partir en mission pour les autres est la seule attitude sincère et convaincante. Il faut être convaincu que le défi que l'on se fixe est d'abord un défi pour soi et lancé à soi avant d'être éventuellement partager par le plus grand nombre. Réussir ou échouer dans le résultat n'est pas la vraie question. La Question primordiale est: suis-je bien dans l'espace de ma passion, en accord avec ma source spirituelle, et très proche de ce qui me tient à coeur dans l'existence? Si la réponse est positive alors il faut partir et accomplir ce qu'on a à faire malgré les critiques, les commentaires négatifs ou agressifs, les professionnels de la démotivation. "Just do it" et être heureux de le faire quel qu'en soit le prix à payer. Car au bout du voyage, on s'est confronté à sa propre vérité et on a accompli la recherche qu'on devait accomplir pour se sentir bien et en accord avec soi comme avec les autres.

    Belle journée à vous, John.

  • Je rejoins pachakamac dans son commentaire...penser a soi avant de penser aux autres c est deja bien assez dificile de vivre sa petite viedans une telle epoque

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