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Cobayes humains: études biaisées

Les études sur les humains ont un défaut majeur: il y a forcément un biais de départ. Elles ne peuvent être totalement neutres. Pour une raison simple.

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Les cobayes de ces études sont des personnes volontaires, généralement rémunérées. Elles doivent donc fournir une forme de produit. Elles ne savent pas lequel car le but de l’étude ou de l’expérience leur est souvent occultée. Cependant elles savent que l’on attend quelque chose d’elles. Leur attention, leur stress, sont forcément différents de ce qu’ils seraient si elles étaient dans l’ignorance totale même d’être des cobayes, et l’ignorance du but peut même induire un trouble cognitif lors de l’expérience.

Dès le moment où l’on sait, il y a une intention. C’est donc un paramètre qui doit être pris en compte. C’est même un biais inévitable. D’autant plus que les cobayes ne sont pas forcément des humains lambda. Beaucoup sont des étudiants, disposant d’un niveau d’éducation ou de préparation intellectuelle qui ne sont pas celles de tout le monde.

D’autres sont des personnes dotées de peu de ressources, voire proches de la pauvreté. Les gens à l’aise n’ont pas besoin de ces revenus. Proches de la pauvreté ou à l’aise sont deux conditions préliminaires qui engendrent deux manières de percevoir le monde ou de l’interpréter. Selon l’étude, les résultats peuvent être influencés par ces conditions préliminaires et leur objectivité ou leur fiabilité peuvent être mises en cause.

Un meilleur degré de fiabilité serait atteint si les cobayes l’étaient sans le savoir. Evidemment cela compliquerait les choses. S’il fallait étudier une tranche de population sans le lui dire, et l’observer commettre des actes ou réaliser des exercices qui ne lui ont pas été soufflés, la moindre étude prendrait des décennies et demanderait un personnel et des moyens importants pour être réalisée. Cela n’est pas réaliste.

Les études se passent donc dans des conditions facilitantes pour les chercheurs qui la réalisent, et à moindre coût pour leurs bailleurs de fonds. En quelque sorte on programme le déroulement au point où l’on ne peut exclure que cette programmation induise des variations dans les résultats. A cela on peut ajouter que les chercheurs ont en général un objectif et tentent de démontrer une intuition ou une hypothèse. Ils ont également leur propre vision et interprétation du monde, qui intervient comme une grille de lecture dans la préparation même de l’expérience et dans l’analyse des résultats. Ils cadrent et l’objectif et la procédure.

 

L'expérience de Milgram

Par exemple, quand Pierre Bourdieu voulait démontrer sa thèse de la dominationétude,cobayes,humain,milgram,soumission,autorité,neutralité,biais,pierre bourdieu,domination masculine,genre,femme,homme masculine, il a lui-même déclaré: «Je ne me serais pas affronté à un sujet aussi difficile si je n'y avais été entraîné par toute la logique de ma recherche.» Entraîné par la logique de sa recherche: c’est comme si un automobiliste disait: «Je suis entraîné par la pente et ma voiture accélère» sans mettre le pied sur le frein. De plus sa méthode d’analyse de la société berbère, seul modèle pris pour justifier son étude et ses conclusions, contient un biais conceptuel: «Sont masculins le haut, le dessus, le sec, le droit, le dur, l'épicé, le clair, le dehors; sont féminins le bas, le dessous, l'humide, le mou, le fade, l'obscur et, bien entendu, le dedans et le courbe, à quoi, par un jeu de mots légèrement inacceptable, car il est en français et non en kabyle, Bourdieu adjoint le fourbe.» (L'Express) On ne doit pas faire un usage aussi simpliste des symboles. D’une part le fade comparé à l’épicé est dévalorisant. Il pose donc d’emblée un jugement de valeur sur l’une des représentations féminines. D’autre part son jeu de mot sur le «fourbe» n’est pas seulement «légèrement inacceptable»: il l’est totalement. C’est un glissement sémantique, en aucun cas une vérité ou une prémisse d’étude, laquelle étude aboutit au final à discréditer la moitié du genre humain. C’est plus qu’un biais simpliste: c’est une guerre idéologique.

Toute étude est orientée et il ne peut y avoir potentiellement 100 possibilités de résultats pour une même expérience, sans quoi celle-ci devient inexploitable. Sauf à démontrer la relativité de l’expérience en question.

J’ai déjà mentionné la célèbre expérience de Milgram, reconduite récemment pour la télévision: des cobayes doivent envoyer des décharges à un sujet sur ordre du chercheur. Ils ne savent pas que ce sont eux les cobayes et qu’un acteur mime des décharges électriques fictives. 81% de ces cobayes ont envoyé des décharges potentiellement mortelles. Le but de l’expérience était de montrer jusqu’où peut aller la soumission à l’autorité.

Toutefois dans la vraie vie nous ne sommes pas dans de telles situations. Pour qu’une telle soumission s’instaure il y faut des compléments et des bénéfices. Obéir à Hitler et accepter de mettre en place la Shoah était possible parce que ceux qui l’ont décidé avaient des avantages évident dans le système, et que le peuple a pendant un temps pu croire à un idéal et à une revalorisation de son pays, et aussi parce qu’il ne voyait pas ce qui se passait. Egalement parce que le système policier fonctionnait par une contrainte non seulement morale mais également policière.

Les études servent donc souvent à démontrer ce que l’on veut démontrer, et non à découvrir des hypothèses que l’on ignore. Les sciences humaines ne sont pas comme la recherche fondamentale: ouvertes à toutes hypothèses. Elles sont biaisées. Cette réflexion m’incite à relativiser dorénavant davantage l’usage d’études sur l’humain.


 

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Doa, l'album:

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Catégories : Philosophie, Psychologie, société 3 commentaires

Commentaires

  • Certaines études intègrent des groupes témoins censés valider l'objectivité des résultats. Quelques précisions à ce suhet:


    1. Il n’y a pas de groupe témoin dans toutes les études sociales et les résultats sont souvent interprétatifs (dans une étude médicale sur une molécule ils sont plus objectifs).

    2. Nombre d’études sont des méta-analyses d’autres études compilées dans lesquelles il n’y a pas toujours de groupe témoins.

    3. Les groupes témoins, quand il y en a et que les conditions d’expérimentation sont optimales, sont soumis au même biais que celui des expérimentateurs que je décris. Le cadre de l’expérience, le fait que l’on attende quelque chose, les prémices qui colorent l’expérience et la grille de lecture des chercheurs, ajoutés à des facteurs d’environnement psychologique, idéologique ou culturel, font que les résultats sont au mieux une tendance, et même par toujours.

    L’exemple de Bourdieu que j’indique est révélateur d’un biais initial aux conséquences en cascade. Sur son concept une théorie a été construite, avec des études successives référencées au concept qui donnent les résultats voulus. Imaginons une étude avec des étudiantes dans la section gender studies d’une université américaine avec une prof de gauche: le résultat pourrait être mis dans une enveloppe avant que l’expérience ait lieu... D’ailleurs les études gender ont été abandonnées en Norvège à cause de la mise en évidence des biais et positions partiales des chercheurs.

    On peut redouter le même biais de résultats sur des expérimentations cherchant à démontrer des réponses biologiques à des stimuli sociaux. Selon la composition du groupe témoin et des groupes expérimentateurs les stimuli pourraient engendrer des réponses biologiques liées à la composition et à la perception de la vie par le groupe. Le groupe témoin, quand il y en a un, a plus de chance de se trouver dans des conditions psycho-sociales analogues à celle des expérimentateurs.

  • L'article de l'Express est très intéressant.
    Il y a un problème avec ce bouquin de Bourdieu, c'est certain !
    Quelle étrange méthode que celle qui consiste à articuler sa réflexion autour de deux pôles aussi dissemblables qu'une oeuvre littéraire de Virginia Woolf et l'étude de bergers berbères, évoluant dans la vraie vie.

    En lisant la première partie de votre billet, il m'a semblé que la seule façon d'éviter le biais induit par le mise en oeuvre d'un dispositif d'observation serait de ne pas en mettre et de n'étudier que la vie quotidienne, telle qu'elle se déroule.
    On perçoit immédiatement le problème que cela poserait : la quantité d'informations serait impossible à gérer, les interactions multiples brouilleraient l'observation.
    La question fondamentale étant : est-ce que les études sur le comportement des humains ont un sens ? Faut-il tout arrêter ?
    De plus, il faut effectivement se demander : est-ce qu'on cherche à prouver un truc qui arrange les bailleurs de fonds ou des idéologues ou bien y a-t-il une réelle curiosité scientifique et le courage d'être confronté à de vraies surprises ?
    Est-ce qu'une hypothèse de base est forcément un biais ? Cela me semble excessif.
    La description des dispositifs des tests est toujours très intéressante. En principe, les scientifiques ont à coeur d'essayer de flouter les pistes, afin que les "cobayes" ne trichent pas. Ce n'est pas toujours très réussi, mais il ne faut pas tout disqualifier pour autant.
    Il me semble que, pour qu'une expérience puisse être validée, elle doit pouvoir être reproduite.
    A mes yeux, les meta-études ont l'avantage de justement jeter un nouveau regard sur des résultats et d'inciter à creuser de nouvelles pistes, à améliorer des dispositifs ou à prendre en compte des avancées qui ont eu lieu entretemps.
    De plus, il est intéressant de tomber sur les ratés, des expériences qui n'ont rien démontré, pour essayer de comprendre pourquoi cela n'a pas marché. La question de départ était peut-être mal posée ou sans intérêt ou alors, le dispositif était inadéquat.
    Il me semble que les études faites sur les petits enfants ont un sens, puisque les petits ne comprennent pas véritablement ce qu'on attend d'eux, ils ont un certain naturel, qui échappe même à leurs parents. ;-))

  • Calendula:

    "Est-ce qu'une hypothèse de base est forcément un biais ? Cela me semble excessif." Il y a, disons, des biais acceptables si l'on sait que c'en sont. Et si l'on subordonne le résultat. Le cas de Bourdieu est problématique en cela qu'il pose un biais, qui plus est un jugement de valeur, et s'en sert comme du socle indiscutable de sa vérité.

    Pour les enfants, oui, ils ne savent pas ce que l'on attend d'eux, surtout dans les premiers mois. Ils sont encore "innocents"... :-)

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