«L'image de la femme, franchement elle en prend un sale coup!»
Cette remarque reçue sous mon billet d’hier propose un autre angle de vue. Le travestissement d’hommes en femmes n’est pas nouveau. Il correspond à un besoin de découvrir l’autre et à s’exiler de soi-même. Pourquoi pas? Aujourd’hui on en a presque l’habitude. De «La Cage aux Folles» aux Drag Queen, la liste est longue.
A sa manière David Bowie a approché l’androgynie avec un talent que peu ont su montrer (image 1). En sens inverse des femmes se travestissent aussi en hommes, comme dans Victor, Victoria (Julie Andrews, image 2). Ou Jeanne d’Arc! Quel talent!
Le vainqueur de l’Eurosong, Conchita Wurst - alias Tom Neuwirth - donne, lui, dans le stéréotype minimaliste. La silhouette, le maquillage, la gestuelle, feraient une femme. Une image minimaliste à laquelle on ajoute une barbe pour faire le buzz. La femme n’est pas vraiment à la fête et le sexisme parade ici sans complexe. Je me demande pourquoi les travestis ou les homos, quand ils singent les femmes, les montrent en général comme des idiotes maniérées?
On pourrait bien sûr en sourire compte tenu du gag du nom du vainqueur. Conchita Wurst, cela peut être traduit, en extrapolant légèrement, par «petite moule saucisse» (concha signifiant conque en espagnol, image 3). Mais ce n’est pas un gag. Tom Neuwirth a des prétentions politiques. Il prétend avoir insufflé une dimension nouvelle. Un «nouveau projet» de tolérance. Ceux qui ont voté pour lui voudraient aller vers le futur, les autres vers le passé (vidéo ci-dessous). Tom Neuwirth parle comme si la tolérance apparaissait grâce à lui, comme s’il n’y avait jamais eu de travestis avant lui sur le devant de la scène. On pourrait presque dire: «Et Dieu créa Conchita». La société avance sans mémoire.
Parce qu’il n’y a en réalité rien de nouveau. Rien, puisqu’en 1998 un autre transsexuel avait déjà gagné l’Eurosong: Dana International, alias Yaron Cohen (image 4). En 14 ans la société à perdu la mémoire. On oublie aussi la grande tolérance qui régnait à l’époque de La Cage aux Folles. On blaguait alors de tout avec les homos, ils n’insultaient pas les pères ni les hommes hétéros comme aujourd'hui, et l’image de la femme incarnée par Michel Serrault était combien plus complexe que la caricature de Tom Neuwirth.
Le grand travestissement
A lire certaines réactions cette victoire est très politiquement correcte. Ainsi la ministre suédoise aux affaires européennes, Birgitta Ohlsson, a écrit: « Félicitations Conchita ! Formidable vote. Citoyens de l'UE, utilisez maintenant votre droit de vote pour une Europe ouverte ». Quel est le débat? Une politicienne devrait renseigner le public quand elle lance ainsi un slogan clivant en pleine campagne électorale. Mais non. Rien. Alors elle récupère. Récupération, piège à cons. Elle récupère un symbole des minorités sexuelles pour se profiler progressiste, un mot qui est devenu suspect. Pauvreté du débat politique. L’époque est particulièrement peu exigeante intellectuellement et culturellement.
Chacun fait ce qu’il veut de ses fesses et la société de divertissement fait feu de tout bois. Cela ne me dérange pas. Sauf qu’on a perdu la mémoire au passage. Et avancer sans mémoire, cela craint. Epoque suicidaire qui avance sur un fil sans savoir à quelle bitte d'amarrage il est attaché.
Il est dérisoire de lier le vote sur l’Europe à la victoire d’un travesti. La ministre encense un simple produit de pub, issu des spectacles de foire du XIXe siècle, pour trouver quelques miettes d’électeurs. Où est le programme politique? Eh bien, le programme, c’est le travestissement.
Travestissement par exemple de la situation en Ukraine. Travestissement du projet de traité de libre échange transatlantique, qui pourrait mettre l’UE à genoux devant les USA. Travestissement. Aujourd’hui tout ce qui est présenté comme progressiste doit être considéré comme suspect par principe, car le travestissement touche tout.
De ce point de vue Conchita-Tom symbolise quelque chose d’unique, et je lui en sais gré. On pourrait qualifier l’époque de «Grand Travestissement». Travestissement où une chose est présentée comme son contraire, où le discours politique dit souvent autre chose que ce que l’on voit, où la gauche est à droite et la droite on ne sait où, où la guerre est devenue synonyme de «libération», où l’on accuse le Peuple des mâles de tous les maux historiques et où l’on présente les femmes comme une cohorte de victime, où le Gangnam Style sur internet fait plus de clics que la Joconde ou qu’une pièce de Musset.
Le rêve d’Icare
Les modifications de sexe et de genre existent et sont anciennes. Elle constituent une marge d’exploration dont une minorité s’empare à chaque génération. Mais puisqu’aujourd’hui c’est devenu une question politique et non plus de simple orientation individuelle, il est permis de poser quelques questions.
On remarque au passage une intéressante controverse sémantique à venir entre les termes «spécifique», «spécifié» et «indéterminé», qui ne signifient pas la même chose.
Je ne donne pas à la décision individuelle un pouvoir plus grand que le fond biologique. Ici il y a une ligne de démarcation: je ne reconnais pas au culturel une suprématie sur le biologique. Mais dans les faits «ils»-«elles» existent et la valeur d'un individu n'est pas réductible à son ADN. J'ai alors une question pratique: s'il n'y a pas de sexe spécifique ou spécifié, ou déterminé, il n'y a ni «il» ni «elle». Doit-on dire «il» au neutre? Gênant, trop ressemblant au masculin. Utiliser le «das» allemand? Ou alors «ça»? Question freudienne...
L’humain s’affranchissant de sa condition est un mythe et une quête ancienne. Icare se voulait plus léger que l’air et a volé jusqu’au soleil. Enfin presque: ses ailes, équivalent de la construction culturelle qu’il a fait de sa liberté, se sont décollées.
Volerons-nous, ou retomberons-nous?
En attendant de le savoir, c’est le Grand Travestissement. Il ne faut plus croire à rien, tout est faux. N’est-ce pas le message subliminal de Conchita?
Commentaires
On peut tout pardonner à une femme à barbe, sauf qu'elle chante faux. Dommage.
@ NIN.À.MAH:
:-)))
Hééééé....
Jusqu'où ira-t-on dans l'absurdité et la décadence?...
Cela rappelle absolument le numéro de travesti interprété par Géo lors de la fête de nouvel an de l'antenne de la Coopération Suisse à Libreville en 1982. La chanson est différente car Géo avait choisi de nous chanter une version disco de "Lili Marlene", accompagné par le Père Charles-de-Gaulle Mwalabounga sur l'harmonium de la paroisse et par la soeur Capucine des Anges Foulou-Foula au xylophone. Mais à part ça la ressemblance est saisissante !
Hein, que vous aimeriez tous vous faire sucer par une femme à poil ! Pfffhhh !!!