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Trop masculines: quatre athlètes femmes lourdement opérées

Ces dernières années, quatre jeunes athlètes féminines ont été opérées très lourdement pour trouver une conformité biologique avec les normes de leurs fédérations. On leur a enlevé les glandes sexuelles et une partie du clitoris. La raison: leur permettre de continuer à faire de la compétition.

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En effet ces jeunes femmes présentaient un taux trop élevé de testostérone, une hormone masculinisante qui se trouve en principe en plus grande quantité chez les hommes, et aussi la présence de petites testicules pas entièrement descendues.

Ces athlètes ont été contrôlées positives aux tests antidopages à cause du taux trop élevé de cette hormone, hormone qui sert entre autres à renforcer la musculature. Elles possédaient même un chromosome Y. Donc des signes de masculinité  assez évidents pour les fédérations sportives. Sans pour autant que ce soient des femmes à barbe... C’est ce que l’on nomme l’hyperandrogénie. En regard des standards morphologiques et biologiques, c’est une forme de pathologie, de développement hors des normes sexuelles naturelles moyennes.

«Ces quatre femmes ont donc été envoyées en France pour des examens. Pour pouvoir continuer à faire du sport, elles ont accepté, sur proposition des médecins français, de subir une ablation totale des testicules, «suivie d'une vaginoplastie avec oestrogènes de remplacement». Plus étonnant, on leur propose également de se faire enlever partiellement le clitoris alors même que l'organe ne secrète pas de testostérone. Interrogée par Libération, la bioéthicienne Katrina Karkazis, qui s'insurge de ce procédé dans une tribune au New York Times, explique que le but de l'ablation partielle du clitoris est seulement «de féminiser» les organes génitaux.»

testostérone,hommes.femmes,athlètes.masculinisationTaux pas fixes

Le problème posé par ces athlètes est que les résultats sportifs peuvent être influencés par un haut niveau de testostérone. Il y a cependant une part d'aléatoire car la testostérone se trouve dans le corps des femmes comme dans celui des hommes, en quantité nettement moindre que chez ces derniers. Toutefois les taux ne sont pas fixes:

«... sur un échantillon de 693 athlètes de haut niveau, 16,5% des hommes possédaient un taux de testostérone inférieur à la moyenne masculine quand 14% des femmes possédaient un taux supérieur à la moyenne féminine.»

La distribution de l’hormone masculine est donc comme un éventail: s’il y a une prédominance nette chez les hommes, tous les hommes n’en n’ont pas au même taux et certaines femmes peuvent être davantage «testostéronées» que certains hommes. Les caractères masculins chez les femmes sont connus: peu ou pas de poitrine, pas de règles, une masse musculaire plus développée que pour la moyenne des femmes. Les humains ne sont pas égaux en hormones - ni en performances.

Certains athlètes, femmes et hommes, prennent délibérément des hormones masculines pour renforcer leur musculature et donc leurs performances. C’est interdit. Le suivi des athlètes peut faire apparaître ce dopage. Mais pour ces personnes opérées, à l'appartenance sexuelle pas clairement définie en regard des normes, l'application de ces normes fixées par les fédérations sportives pose un problème de bioéthique. L’opération est une contrainte sur des organismes au développement troublé non induit, développement qui pourrait donc être considéré comme naturel. En effet il ne s’agit pas de dopage: ces femmes présentent naturellement des caractères masculins. Où doivent-elles êtres classées? Dans le camp des femmes ou dans celui des hommes? Les fédérations ont tranché et imposé la chirurgie pour celles veulent rester dans les rangs des filles.

testostérone,hommes.femmes,athlètes.masculinisationDébat éthique

Le quotidien Libération pose ainsi le débat: «Est-il conforme à l’éthique du sport et à celle de la médecine d’inciter des athlètes à subir de telles interventions, uniquement pour leur mise en conformité avec des normes biologiques fixées par des fédérations sportives?» En même temps, on peut se demander si ces personnes sont des femmes ou des hommes biologiques, puisqu’on a décelé chez elles un ADN doté du chromosome Y, soit masculin. Logiquement l’ADN définit l’appartenance au sexe (pas seulement mais de manière normative dans le développement de l'identité sexuelle).

Mais, et bien que ces anomalies soient très rares, le problème n’est pas résolu.

«Le CIO assure qu’il ne veut pas «déterminer le sexe d’une athlète», mais uniquement édicter «les circonstances dans lesquelles une athlète ne sera pas admise» chez les femmes. En cas de refus de test, il a une solution désarmante : «Elle pourra être admise en tant qu’athlète masculin, pour autant qu’elle se qualifie pour l’épreuve masculine.»

En tous cas l'étude réalisée sur ces athlètes n'indique pas de dopage mais une anomalie génétique. Dans cette affaire c'est pourtant plus la notion de norme discriminante, de distinction biologique et morphologique entre le féminin et de masculin qui est en cause, plus que l'anomalie de ces femmes-hommes. La distinction/discrimination sportive des sexes est nécessaire si l'on veut que des femmes participent aussi aux moissons sportives pour elles-mêmes, dans leur groupe. Mais elle n'est pas habituellement un problème: on ne trouve par exemple pas d'équipe de foot mixte, et rares sont les domaines où existent des compétitions mixtes.

Ce qui est en cause est l'obligation d'une intervention chirurgicale pour rentrer dans une norme, à une époque où cette norme est mise en question. On sait combien la notion de norme est aujourd'hui questionnée par des groupes minoritaires qui souhaitent échapper au fait d'assumer une différenciation dont la mémoire sociale est douloureuse et marquée d'exclusion. La loi sert parfois de thérapie (à tort à mon avis: ce n'est pas son rôle). Or cette mise en cause engendre un paradoxe: d'un côté on maintient les discriminations sexuées dans le sport par la distinction entre équipes féminines et équipes masculines, et en même temps on refuse certains critères de cette discrimination dans des cas individuels.


testostérone,hommes.femmes,athlètes.masculinisationDéconstruire les catégories

Peut-être faut-il créer un nouveau groupe sportif: les inclassables. Mais ouvrir la porte à cette sorte de cour des miracles de la biologie l'ouvrirait également à toutes les distinctions possibles, au nom même de la non-discrimination. En simple: pour ne discriminer personne (la discrimination étant faite au nom d'un groupe normatif), il faut distinguer tout le monde. Il n'y a dès lors plus de catégories, et plus de sélection catégorielle, donc plus de discrimination. Mais c'est là que le bât blesse: si le refus des catégorisations est un aboutissement logique de ce processus de déconstruction et décomposition des discriminations, la suppression de l'outil catégorie induira une situation de confusion générale de la société forcément préjudiciable. La catégorisation est l'un des fondement de toute connaissance et adaptation au monde. S'en priver c'est abandonner le socle des connaissances acquises.

Un point étrange est qu'alors que l'on quitte progressivement des catégories ethniques au nom de l'égalité, on crée en même temps de nouvelles catégories, on les multiplie au nom de l'individu. Reste à savoir si le processus induit par le dogme de la non-discrimination (ou de l'égalitarisme) permet à une société de fonctionner sans balises collectives claires et reconnues, normatives même. Les normes limitent et délimitent, elles enferment donc. Mais aussi elles assurent une place reconnue dans le monde, reconnue d'emblée par nos pairs.


Jusqu'où la bioéthique et la médecine peuvent-elle proposer une renormation des inclassables? Peut-on imposer une opération chirurgicale dure à une personne aux caractères sexués mal définis par la nature? Et a-t-on le droit de les priver d'une suprématie sportive due à une biologie hors normes, alors que chez les hommes les taux de testostérone ne sont pas égaux et que certains sont avantagés par leur nature? Certains, dont des athlètes, affirment que non. Mais alors, en cas de doute, dans quelles fédérations placer ces personnes?

Voici en tous cas un domaine où la notion d'égalité est prise en défaut, de manière assez radicale me semble-t-il. L'égalité peut en effet s'appliquer au type et à la fréquence des entraînements, ou à l'alignement au départ de la piste, mais ce sont ensuite les singularités individuelles qui prévalent. Il y a par exemple chez Bolt quelque chose que les autres n'ont pas. Le sport, égalitaire en tant qu'ascenseur social, ne l'est plus dès que l'on entre dans la notion de mérite personnel.


Une autre question: existe-t-il une étude pointue et complète sur le rapport entre niveau de testostérone et caractère? Un taux plus élevé, chez les femmes comme chez les hommes, favorise-t-il des personnalités plus dominantes dans leur sport ou dans n’importe quelle activité, y compris dans leurs relations? Mais ceci est une autre histoire.





Catégories : sport 3 commentaires

Commentaires

  • Je ne veux pas entrer dans le débat très pointu sur la nécessités générale de catégories pures et dures, qui présupposerait des heures et des pages de prémices et de clarifications et de définitions. Pensons simplement à la bio-éthique : elle est forcément un domaine pluridisciplinaire.
    A l'école, il est difficile de faire de la Physique sans Maths ou de l'Histoire sans Géographie.

    La nature ne réussit pas toujours à créer des êtres parfaitement masculins ou féminins et ça ne doit pas forcément poser problème. Les variations du XY étaient probablement moins lourds à gérer lorsqu'on les ignorait ...
    Parfois, les progrès de la science et la transparence envahissante créent des problèmes, certes tout à fait respectables, mais qui font penser à l'activité qui consiste à couper les cheveux en quatre.

    Je m'en tiendrai donc à la catégorie "sport".
    Le sport est probablement l'un des domaines les plus normatifs et celui dans lequel le classement des personnes, des équipes, des performances est poussé au paroxysme. On n'arrête pas d'inventer des classements et des records de plus en plus pointus. Le plus récent qui m'est parvenu : Miroslaw Klose vient d'égaler le score de Ronaldo quant au nombre de buts inscrits dans le Mondial.
    Il est évident que dans un tel contexte, les catégories féminin /masculin deviennent décisifs. Les autres catégories (âge, ligue, performances) sont plus simples à gérer.
    Les femmes ayant un fort taux de testostérone ont un net avantage naturel dans le domaine de la performance musculaire et c'est cela même qui les aura motivées pour entamer la carrière sportive et on ne peut pas leur en vouloir pour ça.
    Dans le cas du dopage artificiel, il est facile de fixer la norme, même s'il est difficile de l'appliquer à 100 %
    La problématique de la définition claire du sexe s'approche probablement de la discussion qui a eu lieu autour de l'admission de Pistorius chez les non-handisport.
    A l'inverse, on n'admettrait pas non plus un athlète presque valide dans le handisport. Il doit exister des seuils, des critères pour avoir accès à cette catégorie.
    Les athlètes qui décident de passer par l'opération décrite ici payent vraiment de leur personne. On peut penser qu'elles font passer le sport et ses exigences avant tout. C'est un choix que les non-sportifs ont de la peine à comprendre, mais il se peut qu'il corresponde également à un désir très simple d'en finir avec un flou, qui ne doit pas être facile à vivre au quotidien.
    Elles ont également une vie après le sport et à leur âge, elles ont certainement choisi leur orientation.

  • Oui Calendula, j'entends bien votre réflexion sur le flou et le besoin de clarifier. Je n'ai pas vu de sportive la confirmer mais elle découle non seulement du besoin de poser des seuils et des normes bien légitimes de la part des organisateurs et de la société, mais aussi de ne pas être contestée dans ses performances.

  • Bonsoir à vous,

    Chut il paraît que c'est la société qui a rendu l'homme plus fort que la femme. Ne riez pas, je l'ai réellement lu dans des commentaires sur l'ABCD égalité.
    A ce propos une certaine Danielle Bousquet aurait écrit au Président de la République, au Premier ministre, au Ministre de l’Éducation Nationale, et à la Ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports:
    "Monsieur le Président,

    Nous, membres du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, nommé-e-s par le Premier ministre en janvier 2013 à raison de nos expertises, travaux et actions dans les domaines des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, vous saisissons au sujet de la politique d’éducation à l’égalité entre les filles et les garçons à l’école, à la veille d’une décision relative au devenir du dispositif des ABCD de l’égalité.

    Depuis deux ans, des avancées significatives ont été enregistrées dans ces domaines.

    L’égalité dépend d’un changement dans les mentalités et les représentations. Il s’agit donc de développer une éducation à l’égalité, et dès le plus jeune âge. L’école de la République est au cœur de cette mission. A ce titre, le Comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012 s’engageait à mettre en œuvre ce dispositif. En pratique, ce dernier consiste en un ensemble d’outils pédagogiques destinés aux enseignants, utilisables dans le cadre de séquences en classe, soit au sein de modules dédiés, soit au fil du programme.

    Ce dispositif s’inscrit pleinement dans les recommandations formulées par le HCEfh dans ses travaux, et dans la continuité des conclusions des experts et praticiens depuis plusieurs décennies. En effet, le développement d’une culture de l’égalité suppose des enseignants formés, des programmes et manuels scolaires garants de l’égalité filles-garçons et des séquences pédagogiques dédiées. La mise en œuvre simultanée de ces trois piliers est nécessaire pour agir à court, moyen et long terme.

    Les ABCD de l’égalité ont fait la preuve de leur pertinence. Des organisations représentatives des parents d’élèves, des organisations représentatives des enseignant-e-s, et l’ensemble des actrices et acteurs de l’égalité, qui se sont félicité-e-s du lancement de ce dispositif, attendent désormais une confirmation de cette orientation.

    C’est pourquoi le HCEfh, réuni en Assemblée plénière ce jour, demande à l’unanimité le renforcement et le déploiement de ce dispositif, et ce, dès la rentrée 2014. C’est la garantie de la réussite de l’éducation à l’égalité tout au long de la scolarité.

    Veuillez croire, Monsieur le Président, en ma plus haute considération."

    Sources : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/hcefh/actualites-128/article/le-hcefh-appelle-au-renforcement

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