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5-2: la gueule de bois du Mondial

Chronique à vélo d’un match à l’eau.

La vieille ville commence mollement sa grande fête de la musique, dans des rues si clairsemées que je me demande si je me suis trompé de jour. Et pas un coup de klaxon pendant le match de l’Italie. Silence mortel à Genève. Le signe n’est pas bon: l’Italie a raté son match. Pas besoin d’écran géant, c’est palpable. Cet échec italien, confirmé plus tard, ne laisse place à aucun rêve.

mondial,suisse,france,match,brésil,shaqiri,frustration,nains,casser tout,soeur anne,corbeaux,klaxon,italie,défaiteSurtout pas bouger

Puis c’est au tour de la Suisse. En vélo on entend tout de loin. Et l’on parle à quelques personnages imaginaires remontés de l’enfance:

- Anne soeur Anne, n’entends-tu rien venir?

- Je sens le vent , le mauvais vent, maman m’appelle.

- Ami, entends-tu le cri noir des corbeaux sur la plaine?

- Je vois la poudre qui pétoie et les corbeaux blancs qui tournoient.

Il n’en faut pas plus. Quelques cris et coups de klaxon résonnent dans une rue plus loin. Oh, pas la fanfare avec les trompes et la Suisse entière à son balcon. J’en croise les auteurs. Deux blacks en pleines contorsions spastiques, à l’avant d’une voiture à plaques suisses. La feinte, ces plaques suisses! Dans ma tête le peu de bruit devrait me faire me méfier. Ils sont les seuls à crier victoire. Mais mon espoir devance mon intuition. Je freine et demande très naïvement, en passant devant leur fenêtre ouverte:

- La Suisse a marqué?

Ils n’ont pas eu la cruauté de rire de moi. 

- 1-0 pour la France!

Plus loin, une deuxième salve de cris, vite éteinte celle-ci aussi. Quelque chose ne tourne pas rond. L’immobilité, le silence regagnent les murs et le bitume. On dirait du phonoabsorbant. Je roule dans des catacombes à ciel ouvert. Pas de policier en pleurs, pas de gamin tête basse, pas de femme errante. Mais, sans les voir, je commence à deviner l’étendue du désastre. Je les imagine, cous pliés devant le petit écran. Aux fenêtres, d’étranges lueurs se succèdent en saccades. Dans le canapé imaginaire, la bière est devenue fade. Ecoeurante. On ne se regarde plus. Les yeux sont figés vers l’écran. Surtout pas bouger, des fois que cela ne déclenche une autre catastrophe. 

 

mondial,suisse,france,match,brésil,shaqiri,frustration,nains,casser tout,soeur anne,corbeaux,klaxon,italie,défaiteProgrammés pour perdre

Les suisses de la Nati ont compris, eux aussi: surtout pas trop bouger. Laisser la place aux grands. Ils sont programmés pour perdre. Depuis quatre jours leur staff rabâche qu’ils ne sont pas les favoris, histoire de les détendre. Ça, pour être détendus, ils le sont. Drôle de coaching.

Arrivé devant une télévision à l’image aussi grise que la voix des commentateurs je vois des séquences de jeu. 

- Anne, soeur Anne, qu’est-ce qui ne va pas?

Anne se tait. Elle ne commente pas les défaites. Elle est défaite. Je grommelle ce que je pense depuis des mois sans oser le dire ouvertement, tellement je crains de choquer le professeur Coué et ses assistants télévisuels. La Suisse est 6e au classement Fifa? Preuve est faite que cette place est indue, non représentative de la valeur réelle de l’équipe. Les matches préparatoires de l’équipe nationale ont souvent été poussifs. Pas de génie, d’audace, de cette liberté créative de jeu qui, au-delà d’une technique tatillonne, signe la marque des grands.

On voulait tellement être grands que tout le monde l’a vue grande, cette équipe. Mais au prix de quel manque de lucidité! Donc cette Suisse a faibli progressivement. La mécanique du coach était de moins en moins lisible. Les deux derniers test-matches auraient dû allumer toutes les alarmes: gagner si difficilement montre que le mur approche à grande vitesse. Là où la France avait pulvérisé la Jamaïque 8 à zéro, la Suisse n’avait rendu qu’un pensum essoufflé sentant le soufflé retombé. La fin de la période faste s’annonçait, et Hitzfeld continuait à cuisiner sans sel. Ça doit être mauvais pour son coeur. Il s’est protégé.

 


mondial,suisse,france,match,brésil,shaqiri,frustration,nains,casser tout,soeur anne,corbeaux,klaxon,italie,défaiteIls patinaient, ils patinaient...

Le premier match du mondial, gagné par coup de chance, n’a pas convaincu. Pour le deuxième, devant des français qui ont retrouvé on ne sait comment une cohésion et de la confiance, la Nati a fait l’effet de nains patinant dans la double crème de Gruyère. A ce point d’insuffisance, alors que de petites équipes sud-américaines se battent comme de vrais lions, alors que la Croatie s’est relevée de la douche injuste administrée par un Brésil mou et un arbitre qui avait choisi son camp, cette défaite est un bel exercice d’atterrissage. Retour à la lucidité cruelle et peu glamour, retour à la réalité du terrain. 

Les joueurs suisses ne sont pas cette grande équipe fabriquée de toutes pièces par une presse en émois. Certains voyaient le 8e de finale comme acquis d’autorité, d’autres le quart en ligne de mire, et pour les plus fous la demi-finale. Soyons fous, le rêve est notre meilleur chance de gagner. Nous irions même battre la Hollande en finale, en rêvant! 

Les commentateurs ont eu beau déclamer à la fin du match, qu’il reste une chance, pissant leur désespoir dégoulinant à pleins micros, on assiste à une magnifique séquence de déni.

La défaite est difficile. C’est leur excuse. C’est la nôtre à tous. Mais le manque de lucidité est de l’aveuglement. Cela fait un moment qu’Ottmar Hitzfeld n’enthousiasme personne. L’équipe est à son image: fermée, peu expressive. Comme lu sur sofoot.com après le match: «La coutume voudrait que l'on dise qu'Ottmar Hitzfeld est venu en conférence de presse le visage fermé, mais Ottmar Hitzfeld a toujours le visage fermé.»

Cependant il y a peut-être un complot. On sait que Shaqiri, bas de fond de caisse, est excellent pour voir les ballons au ras de l’herbe. Or il semble que la production brésilienne du show a laissé le gazon plus haut que d’habitude, coupant la moitié de la vue à notre nain national. Maudit gazon! 

Pire: les bleus, blancs comme neige, auraient semé des graines magiques de plantain, de celles qui poussent en quelques minutes. Non seulement Xherdan en a été freiné mais, chatouillé sous les aisselles comme l’a montré son expression oscillant entre les dents serrées et le rire de travers, il a perdu beaucoup de ses moyens. 

Dur dur le sport, quand autant d’obstacles empêchent la réalisation d’un parcours unique.

 

mondial,suisse,france,match,brésil,shaqiri,frustration,nains,casser tout,soeur anne,corbeaux,klaxon,italie,défaiteLa revanche des nains

On a eu droit au grand moment de solitude, celui que les journalistes sportifs, dans leur abus sémantique habituel, nomment «l’analyse du match». En gros vous avez vu devant votre télé une Nati qui démarre mais qui est vite assommée par les deux premiers buts. Et que disent les joueurs dans leur «analyse» d’après match? Il font du replay: «On a démarré mais on a vite pris deux buts». Ça on le savait... Pas d’autre analyse? Un commentaire fin sur ce qui bloque l’équipe? Les erreurs tactiques éventuelles? Sur pourquoi ils ont pris si rapidement ces buts? Rien. Les journalistes sportifs ne devraient plus dire «analysons» mais «faisons du replay verbal rétrospectif».

Bon, d’accord, on a besoin de repasser plusieurs fois sur la défaite pour la digérer. Là, ça va, le week-end est beau, un tour en campagne en pensant à autre chose serait une excellente thérapie. Mathématiquement la Suisse peut encore se qualifier, peut-être aller loin. Le prochain match montrera si elle a vraiment quelque chose dans le ventre, ou si Hitzfeld a fabriqué une coquille vide, s’ils ont enfin appris quelque chose ou s’ils répètent leurs erreurs flagrantes.

Côté coaching je propose quelque chose de plus cru que la méthode Coué de la presse et la gueule opaque de Hitzfeld. D’abord, retirer Shaqiri. Présenté comme le joueur phare de cette équipe, sa  présence inhibe les autres. Ensuite leur dire quelque chose du genre:

 

- Les suisses, vous êtes des nains. Vous ne présentez aucune menace. Vos buts sont des coups de chance. La frustration, voilà ce que vous inspirez. La frustration crasse des gars bien payés qui n’osent rien. Des petits garçons obéissant à leur papa ou à leur trouille de perdre. On vous aime parce que vous êtes l’équipe de Suisse, mais qu’est-ce qu’on vous déteste pour votre manière pleutre et stupide de jouer!

La coiffure rigolote ne suffit pas pour gagner. Ça se saurait. Alors voilà après la baffe, vous n’avez qu’un match pour vous ressaisir. Une seule voie devant vous: casser tout. Lâchez le coaching de Hitzfeld. Pendez Hitzfeld haut et court. Hitzfeld n’est pas une solution, il est le problème. Il vous retient. Fichez-vous de tout maintenant. Enlevez les miroirs de vos chambres et vos peignes de nacre. Regardez dehors. Déboulez sur le terrain comme les nains du Seigneur des Anneaux. Foncez à l’instinct. Cognez, cassez, tuez, vous n’avez plus rien à perdre. Devenez enfin sauvages, p*** de m***!... Il y en a marre de cette équipe à la ramasse. Sauvez le Royaume d'Erebor Switzerland!

 

mondial,suisse,france,match,brésil,shaqiri,frustration,nains,casser tout,soeur anne,corbeaux,klaxon,italie,défaiteA tout hasard je propose aussi d'installer Miley Cyrus derrière les buts adverses, dans une tenue aussi suggestive qu'improbable. Ça pourrait leur donner envie d'avancer. Tous les moyens sont bons, même les plus déloyaux.

Et j'ajoute une musique de fond un peu tonique (en haut à droite).



Voilà. Que ça fait du bien de se faire mal. Banzaï!

 

Catégories : Humour, sport 6 commentaires

Commentaires

  • Bel humour, félicitations !

    Rien à ajouter, tout est écrit.

  • Bien vu !
    Bravo !

  • ;-))

  • @ hommelibre : A la condition expresse que vous poursuiviez votre blog auquel nous tenons tous, je vous verrais bien dans 2 activités

    1. "Consultant" à la RTS, histoire de nous faire rire au lieu que l'on s'endorme devant le match....

    2. Sélectionneur national : bon pour votre tiroir-caisse (!) et pour nos résultats...

    Merci pour votre humour et lucidité

    Bon dimanche et amicalement

    Alain

  • Merci Alain, c'est vraiment très gentil! Sourire du matin de vous lire.

  • Merci Alain, c'est vraiment très gentil! Sourire du matin de vous lire.
    :-)))!


    Cela ne me déplairait pas de mettre un peu plus d'ambiance à la RTS. Quant à être sélectionneur national, plutôt adjoint, parce qu'il faut aussi un connaisseur plus technique...

    Bon dimanche à vous, amicalement.

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