Oui, bourgeoises qui nous jugez si mal depuis les miradors de vos universités et de vos organisations guerrières, nous avons fait ce monde ensemble. Nierez-vous votre profonde et durable implication dans la culture que nous, hommes et femmes, avons élaborée au cours de l’Histoire? Dans la répartition des rôles qu’ensemble nous avons mise en place? N’était-ce pas pour le bien de notre espèce?
Diriez-vous que vous n’y avez pas participé? Auriez-vous laissé les hommes agir seuls, vous cachant derrière eux pour le leur reprocher à la première occasion? Étiez-vous si passives, si incapables de dire votre fait et de contribuer à une décision historique? Vous ne me convaincrez pas de votre inexistence sociale. Cela, c’est une lecture rétrospective, donc erronée et orientée de l’Histoire.
La spécialisation est apparue comme gage de succès de notre développement à toutes et à tous. Chacun sa part, chacun son rôle et son espace de pouvoir. Nous n’avons pas empiété sur votre royaume: la maison. Lieu où s’élaborait l’individualité, la complexité de l’âme, les interactions affectives.
Rien de ce que nous avons inventé, écrit, composé, n’aurait surgit du néant sans ce socle intime, ce lieu où nous puisions une force d’être et de savoir instinctif. Vous en étiez gardiennes et motrices, créatrices au-delà de la parturience. Nous sommes, sur tous les plans, une partie de vous.
Alors, femelles enragées qui conduisez une révolte désordonnée et vindicative, entendez-moi: je ne vous accorde aucun droit de m’agresser en tant qu’homme. Je refuse toute agression de votre part, toute légitimité à me mettre en accusation ou en tort, ou à me faire porter vos propres insuffisances. Prenez vos responsabilités et voyez si vous êtes capables de négocier, plutôt que de singer le pire de nous. Voulez-vous être de simples clones, militantes fabriquées en série, ou de vraies partenaires?
Voici par exemple le discours que j’aurais souhaité entendre de la part de vos cheffes arrogantes:
«Hommes, nous nous sommes partagé le monde. Nous avons tenu notre rôle, vous le vôtre. Cela n’a pas toujours été facile de vous côtoyer. Ce qu’il y a en vous de beau, de joyeux, de responsable, de tendre, d’aimant, de solide, de créatif, d’aidant, n’a pas toujours été en balance avec ce qu’il y a de brusque, de fanfaron, de lâche, de silencieux, de féroce.
Mais nous savons que nous aussi pouvons être difficiles. Je n’entre pas dans le détail, vous savez ce dont je parle. Nous ne jouerons donc pas ce jeu facile et peu glorieux de prendre appui sur vos faiblesses pour jouer les victimes. Nous ne vous enfoncerons pas pour prétendre à nous élever. Nous ne nous construirons pas contre vous, en tentant de vous humilier, de nier votre nature, d’éradiquer votre différence.
Mais aujourd’hui, nous avons vu que vous n’êtes pas invincibles. Les guerres modernes vous laminent. Nous avons dû prendre votre place dans les usines et les assemblées. Aussi nous vous proposons de nous asseoir et de faire la palabre. Dans la société complexe, aujourd’hui, la répartition n’est peut-être plus la meilleure organisation. Nous proposons de discuter de l’abolition de cette répartition. Nous proposons davantage de mobilité, de superposition des royaumes respectifs.
Qu’en pensez-vous, hommes?»
J’aurais aimé entendre ce discours-là, teinté du simple respect qui aurait ouvert des portes quand aujourd’hui elles se referment sur une tension puissante qui éclatera durant ce siècle.
Car j’entends la volonté de vous construire contre nous, en tentant de nous humilier, de nier notre nature, d’éradiquer notre masculinité, de nier votre responsabilité dans la construction du monde et de nous accuser de tous vos maux et frustrations. Aujourd’hui, depuis bientôt un siècle, j’entends votre volonté de contraindre les hommes, de ridiculiser ceux qui ne vous obéissent pas, de prétendre leur imposer vos vues en les présentant comme universelles et progressistes.
Je ne sais pas si la compétition que vous avez ainsi introduite par vos manières arrogantes et agressives, remplaçant la complémentarité ancienne, produira une bonne organisation.
Mais sachez que si j’ai au début soutenu votre brutalité morale contre les hommes, aujourd’hui la rupture d’avec vous est totale et consommée. La guerre ne finira pas par la soumission des hommes, car je ne me soumettrai jamais. Et je n’aurai de cesse d’éveiller d’autres hommes à refuser dorénavant votre discours de haine. Je vous laisse à vos miradors, bourgeoises féministes arrogantes et vindicatives, marâtres suffisantes et bornées. Les marâtres d’antan ne se prévalaient que d’elles-mêmes. Elles avaient une autre fierté que vous qui cherchez à vous appuyer sur une idéologie pour tenter de légitimer vos caractères de dominantes prédatrices.
Quand vous serez seules dans vos miradors, quand les hommes et les femmes de bonne volonté vous auront délaissées, peut-être prendrez-vous la mesure de ce que vous avez proposé comme une théorie sociale, et qui n’est en fait que votre caractère déguisé.
Commentaires
"Nous avons dû prendre votre place dans les usines"
par rapport à la photo, des munitionne-tes, une belle jeune fille était épuisée en trois mois avec des boulots comme ça.
http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/bac/1GM/dossiers/femmes.htm
4/ La pénibilité du travail dans les usines d'armement
La journaliste Marcelle CAPY, féministe et libertaire, travaille quelques semaines incognito dans une usine de guerre.
Son témoignage paraît dans La Voix des femmes entre novembre 1917 et janvier 1918 :
« L'ouvrière, toujours debout, saisit l'obus, le porte sur l'appareil dont elle soulève la partie supérieure. L'engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions ( c'est le but de l'opération), relève la cloche, prend l'obus et le dépose à gauche.
Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg.
Au bout de 3/4 d'heure, je me suis avouée vaincue.
J'ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos.
Arrivée fraîche et forte à l'usine, elle a perdu ses belles couleurs et n'est plus qu'une mince fillette épuisée.
Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête :
35 000 kg ».
pareil à la campagne les outils pour les travaux des champs pas adaptés à leur force les épuisaient.
"Étiez-vous si passives, si incapables de dire votre fait et de contribuer à une décision historique?"
plutôt l'inverse en réalité
http://www.huffingtonpost.fr/nicolas-bersihand/lettre-de-george-sand-au-comite-central_b_5542939.html
" et les hommes ne sont pas généralement aussi féroces envers les femmes qu'il plaît à quelques-unes d'entre elles de le répéter à tout propos. Cela se dit une ou deux fois dans la vie, à l'occasion, mais elles seraient bien plus dans le vrai et dans la justice si elles reconnaissaient que la plupart des hommes sont très disposés en fait, au temps où nous vivons, à faire de l'égalité conjugale la base de leur bonheur. Tous ne sont pas assez logiques pour admettre en théorie cette égalité qu'ils seraient bien malheureux de pouvoir détruire dans leur intérieur, mais elle est passée dans les mœurs et l'homme qui maltraite et humilie sa compagne n'est point estimé des autres hommes."
"Oui, la femme est esclave en principe et c'est parce qu'elle commence à ne plus l'être en fait, c'est parce qu'il n'y a plus guère de milieu pour elle entre un esclavage qui l'exaspère et une tyrannie qui avilit son époux, que le moment est venu de reconnaître en principe ses droits à l'égalité civile et de les consacrer dans les développements que l'avenir donnera, prochainement peut-être, à la constitution sociale. Puisque les mœurs en sont arrivées à ce point que la femme règne dans le plus grand nombre des familles, et qu'il y a abus dans cette autorité conquise par l'adresse, la ténacité et la ruse, il n'y a pas à craindre que la loi se trouve en avant sur les mœurs. Au contraire, selon moi, elle est en arrière."