Il existait déjà le «Bonheur national brut». Un indice du degré de satisfaction d’une population, initié par le Bhoutan en 1972. Cet indice est évalué selon un ensemble de critères, mais il reste très subjectif tant il dépend de la collecte des informations. Et ces informations proviennent essentiellement des déclarations des personnes. On imagine combien cette évaluation peut dépendre de facteurs ponctuels et personnels.
Les critères retenus sont:
- l’économique,
- l’environnement,
- la santé physique,
- la santé mentale,
- le bien-être au travail,
- le bien-être social,
- la santé politique.
Chacun de ces critères est évalué individuellement par des enquêtes auprès de la population et des analyses statistiques (le nombre de plaintes au travail, d’agressions, de divorces, de maladies graves, l’usage des antidépresseurs, etc.) donnant une mesure quantitative du bonheur. (Selon Wikipedia).
Le quotidien «Le Temps» annonçais hier une nouvelle manière de mesure le bonheur. Il s’agit d’une formule mathématique basée sur le scanner et une application pour smartphones. Je passe sur la méthode utilisée, faisant appel au scanner et à un test cognitif.
Les conclusions de l’étude proposent des constats intéressants, dont le fait que le bonheur est une variable non cumulative, et celle-ci en particulier: votre bonheur instantané dépend davantage de l’écart entre les attentes et le résultat, que du résultat lui-même.
La clé du bonheur serait davantage lié à l’attente qu’à l’obtention du produit qui crée cette attente. Ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’avoir des petites attentes - ou aucune attente - pour ne pas être déçu du résultat, mais que plus l’attente est élevée plus on est heureux en attendant le résultat. Cela a été mesuré par des chercheurs en neurosciences grâce en particulier au scanner. Car le cerveau montre plus d’activités dans certaines zones en cas de satisfaction, en particulier en lien avec les neurones producteurs de dopamine, qui joue un rôle majeur dans le système de récompense.
Plusieurs réflexions peuvent être menées suite à cette étude. D’abord, le bonheur n’est-il qu’une affaire de «récompense»? Ne s’approche-t-il pas davantage d’une félicité impersonnelle que de la satisfaction personnelle? Il y aurait sans doute beaucoup à dire à ce sujet. Il est difficile de vivre sans système de récompense. Si l’on accepte cette idée, on peut imaginer comment atténuer le stress de l’attente non satisfaire. Par exemple si un avion est annoncé en retard. on devrait annoncer une retard important, puis annoncer son atterrissage plus tôt que prévu sur le retard. Ainsi le désagrément du retard est en partie compensé par la satisfaction.
En ce qui concerne l’éducation, la tendance à satisfaire les désirs des enfants sans attendre, sans frustration comme diraient certains idéologues, aboutit au contraire du résultat espéré. S’il n’y a pas d’attente il n’y a pas de réel bonheur et le risque d’insatisfaction augmente.
Serait-ce que pour vivre heureux, il faudrait attendre un peu et ne pas se figer sur le fait d’obtenir le résultat attendu? Les neurologues semblent sur ce point rejoindre une forme de sagesse ancienne. Une sagesse peu compatible avec le consumérisme actuel, supposé nous rendre heureux en obtenant tout ce que nous désirons matériellement, mais obligé de nous frustrer émotionnellement pour que nous continuions à désirer autre chose.