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Discriminer, en droit

Pour donner suite au débat et sur la notion de discrimination, je propose ici un éclairage juridique. Je rappelle d’abord que cette notion a un sens positif et un sens négatif. De nos jours le sens négatif prévaut dans l’usage médiatique et politique.

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Le sens positif est l’activité mentale qui consiste à traiter une personne ou une situation avec intelligence et d’y apporter les conseils ou réponses les plus appropriés dans le moment, indépendamment de la notion d’égalité. Ce traitement est favorable et bienveillant.

Le sens négatif est non seulement un traitement inégal mais en plus défavorable. Il est malveillant. 

Je rappelle les synonymes du terme discriminer: différencier, discerner, distinguer, reconnaître, séparer,

toutes opérations mentales qui ne suffisent pas, à elles seules, séparément, à rendre compte du mot «discrimination». Celui-ci comporte toutes ces opérations, avec en plus une appréciation positive ou non, en vue de poser un jugement (bien ou mal). Orienter une personne vers un avenir professionnel, c’est tenir compte de ses désirs, ses compétences, sa formation, son expérience, sa disponibilité, ses capacités physiques en relation avec l’objectif, sa faculté d’adaptation selon le job désiré, puis en faire une synthèse, soit un avis sur ce qui serait le meilleur. Cet avis oriente, c’est donc un jugement. Il n’est par exemple par opportun d’orienter sans préparation un grand timide vers une profession qui suppose de savoir s’imposer et se confronter, même si ses résultats scolaires lui en donnaient les compétences.

La non-discrimination a quelques avantages. Plutôt que de laisser la société s’organiser en clans et communautarismes, elle admet une ouverture à la différence. Ainsi dans une même entreprise, les postes sont disponibles non seulement à ceux qui ont un certain profil, mais également à des profils différents (origine, sexe, croyances, etc). C’est un facteur de communication sociale - et, partant, d’intégration. En principe. Car les clans se reforment, une fois passée la porte de l’usine ou de l’école. Ce n’est pas pour rien que la gauche au pouvoir en France veut démanteler la famille, porteuse du mal, soit des préjugés et stéréotypes considérés comme mauvais. Or, si l’Etat «objectif», au service de tous, est une bonne chose, il présente aussi des risques idéologiques comme en France et une dépersonnalisation. La famille et le clan sont alors les seuls garants de la construction d’une spécificité individuelle dans des appartenances différenciées.

 

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Au plan juridique, la définition de la discrimination est celle qui porte préjudice. Le droit suisse contient des textes contraignants sur la non-discrimination de genre, sexuelle ou raciale. Pour le reste il protège la personnalité:

«La doctrine se réfère à l’art. 28 CC comme principal instrument du droit privé pour la protection contre la discrimination. Quiconque est blessé dans sa personnalité de manière illicite peut aller devant les tribunaux pour se protéger. Cependant les inégalités de traitement ne sont pas toutes contraires à la protection de la personnalité. Ce n’est que lorsque l’inégalité résultant d’une différence de traitement a pour but ou pour conséquence un abaissement ou une exclusion qu’il y a violation de la personnalité. Cette violation doit être dirigée contre une personne bien déterminée. On ne peut pas aller en justice pour des insultes dirigées par exemple contre des homosexuels en invoquant la protection offerte par le Code civil, tant qu’il n’est pas possible de prouver qu’une personne bien précise a subi un préjudice de ce fait.» (Instruments contre la discrimination en droit suisse – Un aperçu - Version résumée. Christina Hausammann, humanrights.ch/MERS).

Les inégalités de traitement ne sont pas toutes contraires à la protection de la personnalité. Ces inégalités, admises, permettent d’ajuster chaque traitement à la personnalité, à sa configuration générale (compétences, goûts, formation, expérience, etc), et à la situation.

 

En droit français

La France est connue pour être un pays volontariste et autoritaire en matière d’égalité. Pourtant le gouvernement vient de décider une modulation des allocations familiales. Les familles à fort revenu recevront moins que celles à revenus plus faibles. Ce qui a soulevé de nombreuses réactions. La décision met en cause l’universalité de l’Etat social et de la notion d’égalité. Pourtant cette mesure, bien que discriminante au sens négatif du terme, est en même temps opportune et relève d’une juste adaptation de la redistribution sociale. Donner la même aide à tout le monde, c’était de l’égalitarisme, soit un système idéologique autoritaire (parce que sans nuances) et peu adapté aux situations différentes des citoyens.

Selon le dictionnaire juridique français:

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«... des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. La discrimination se définit comme étant le traitement inégal et défavorable appliqué à certaines personnes en raison notamment, de leur origine, de leur nom, de leur sexe, de leur apparence physique ou de leur appartenance à un mouvement philosophique, syndical ou politique.»

La discrimination en tant que délit pénal se caractérise donc par deux éléments: traitement inégal ET défavorable. Un traitement inégal ne remplit pas à lui seul les conditions d’une infraction. Il me semble très utile de garder une souplesse d’adaptation, et donc de ne pas pratiquer un égalitarisme bulldozer. La sagesse que l’on trouve dans de grands livres fait un thème majeur de la différence entre le riche et le pauvre, entre le petit et le grand, etc. Elle ne propose pas d’abolir les différences, ce qui semble déraisonnable du fait que nous n’avons pas tous les mêmes compétences naturelles et de caractère. Par contre la sagesse enseigne à ne pas donner plus de valeur morale au riche qu’au pauvre. Le christianisme enseignait l’égalité devant Dieu, notion révolutionnaire à son époque car elle plaçait les puissants et les humbles au même niveau spirituellement.

L’extrait suivant est également intéressant. Il précise d’une part que la différence de traitement n’est pas en soi une discrimination «illicite». Mais il donne en exemple le fait qu’un employeur a fait bénéficier d’une faveur certains de ses employés et pas d’autres. Or, je pense que l’on doit rester maître chez soi, libre de sa politique d’entreprise.

«Une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination illicite au sens de l'article L. 122-45 du code du travail. Le principe de l'égalité salariale s'applique aussi lorsque des différences sont constatées dans les avantages accordées par une entreprise à certain de ses salariés. Pour la Cour de cassation, une différence de traitement ne peut reposer que sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. Dès lors, la cour d'appel qui a décidé que l'employeur qui avait réservé l'octroi de tickets-restaurant au seul personnel non-cadre de son entreprise ne justifiait d'aucune raison objective et pertinente pouvant légitimer cette disparité, a fait une exacte application des textes prétendument violés.»

On le voit, la discrimination en tant qu’objet illicite et préjudiciable doit compter au moins deux critères: traitement inégal et défavorable. Le traitement inégal seul n’est pas en soi une discrimination illicite. La loi elle-même admet donc le sens premier du mot: une forme de discrimination intelligente, non délictueuses, a sa place dans l’éventail relationnel entre les êtres humains.

 

 

Catégories : Philosophie, Politique 0 commentaire

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