La terreur instituée, les massacres, le choix large des cibles, font de l’organisation Etat Islamique un objet à part. Un objet dont on se demande quel peut être l’avenir, et si même il a un avenir.
Car le califat devient l’ennemi de tous. Après l’assassinat sadique du pilote jordanien il s’en prend à des égyptiens. Des égyptiens chrétiens. Un peu plus de sang sur le sable. La réponse de l’Egypte est de bombarder des positions de l’EI en Libye, dont la ville de Derna (50’000 habitants) est tenue par les tueurs du califat depuis des mois au vu et su de tous.
On n’est pas encore devant un nouvel empire dont les frontières iraient de l’Afghanistan au Nigeria. Mais l’EI en rêve. Au prix de défaire tôt ou tard ces Etats et leur personnel politique pour les absorber et instaurer un islam de sang et de larmes. L’EI est un ennemi pour les régimes des pays de la région, pour les chiites, pour les modérés, pour les chrétiens, pour les démocraties, bref quasiment pour tout le monde. Se faire autant d’ennemis avec si peu de moyens pour les vaincre, n’est-ce pas suicidaire?
La résistance au califat ne se manifeste pas que dans des actions militaires. Le versant culturel du combat est aussi important, sinon davantage. On voit comment un otage décapité choque toute la planète. Mieux qu’une légion de chars.
Dans ce combat culturel les mots complètent les images. Ainsi le califat est-il qualifié d’incarnation d’un fascisme arabo-musulman. L’expression a été évoquée par Manuel Valls. Le premier ministre français est-il crédible? Si aujourd’hui il condamne sans ambiguïté cet islam des massacres, il faut se rappeler qu’il a d’abord soutenu les palestiniens bec et ongles. Peu importe: en politique, ce n’est pas la vérité qui compte mais ce que les gens croient.
On peut se demander pourquoi le califat privilégie des actions qui moralement le desservent au point où de nombreux représentants du monde musulman dénoncent ses pratiques. On peut aussi se demander quels sont les réels intérêts de ceux qui soutiennent le califat, et comment celui-ci a-t-il pu se déployer à ce point que nous connaissons aujourd’hui.
Un effet de l’émergence du califat est que la Syrie n’est plus l’ennemi numéro un. Enfin, pas de manière directe. Mais l’EI ne sert-il pas les intérêts saoudiens et occidentaux? Ne contribue-t-il pas justement à l’affaiblissement de la Syrie d'une autre manière? La guerre du gaz ne se profile-t-elle pas encore une fois derrière cette vaste mise en scène?
Dans ce cas les décapitations pourraient n’être qu’un interlude du spectacle, peut-être même un simple détournement d’attention. Le vrai but ne serait, dans cette hypothèse, pas le califat mais le gazoduc qatari-saoudien. C’est-à-dire la maîtrise de l’énergie du siècle, le gaz, au détriment de la Russie. L’Arabie saoudite, soutien du califat, participe actuellement à la séquence de pétrole abondant et bon marché en maintenant la production. Certains pensent que le but est de contrer le recours au pétrole de schiste.
Mais ce n'est pas le seul but possible. Il peut également être la réduction des revenus de la rente du pétrole et du gaz russe et l’affaiblissement économique de ce pays. Auquel cas le califat ne serait qu’un pion utile. Un pion pour alimenter le désordre.
Plus le désordre règne au Proche-Orient, plus la Syrie est affaiblie ou démantelée, plus la Russie est isolée, et plus le gaz saoudien et qatari se rapproche du consommateur occidental.
Commentaires
Bien vu Mr. Homme Libre! On semble attendre que l'EI touche et retouche et reretouche le fond de la barbarie avant de lancer une offensive. Tout le monde profite bien de ce pétrole clandestin à 30$ le baril, via la Turquie! Sans compter qu'Obama doit bien rigoler en voyant les longues files de vénézuéliens attendant un colis d'approvisionnement. Car le Vénézuéla de Chavez n'est plus... avec un budget calulé sur un baril à 100$, les bolivariens se retrouvent à jouer les castristes sans embargo.