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Réfugiés : l’ultime identité

« L’identité vient de l’Histoire du peuple et de sa civilisation. »

 

Repris au vol cette phrase sur un forum internet. Quelle identité? Il y a tant de couches superposées. De l’individu à l’humanité, avec les étapes personnelles, familiales, locales, nationales, culturelles, religieuses. N’en jetez plus! Sujet trop vaste pour être abordé sur un blog. Cette phrase suffit pour le moment et pour parler des réfugiés.

 

réfugiés,histoire,migration,guerre,syrie,Dix millions de réfugiés sur les routes

 

Parler de l’Histoire d’un peuple c’est l’associer à une géographie durable, à une terre devenue territoire, à des frontières, à des valeurs partagées accompagnées de rites laïcs (fête nationale) ou d’origine religieuse (Noël). Cela se décline en mode de vie, en manière de parler de soi, en musiques, en nourriture, en littérature, en bien d’autres choses encore. S’ajoutent aussi les faits historiques marquants: guerre, unification de territoires, exils, exodes, famines, etc.

 

Les guerres, politiques, de territoire ou d’inspiration religieuse, ont déplacé des populations, anéanti parfois des régions. On pense aux protestants de France réfugiés entre autres à Genève. Les exemples d’exodes et d’exils au sein de l’Europe ou vers d’autres terres ne manquent pas. De grandes vagues migratoires ont eu lieu de l’Europe vers le Nouveau monde (les Etats-Unis) et l’Australie au XIXe siècle.

 

Au printemps 1940, au début de la deuxième guerre mondiale, environ dix millions de personnes ont fui les combats depuis les Pays-Bas, la Belgique et le nord de la France. Leurs maisons étaient détruites, leurs villages réduits à l’état de gravats, comme on voit aujourd’hui les villes de Syrie. 

 

réfugiés,histoire,migration,guerre,syrie,Dix millions en errance sur les routes en flux continu. A pied, en charrette, parfois avec des voitures, portant leurs maigre bagage sur eux: leurs seuls habits, un baluchon, rien de plus. Pas de change, pas d’eau, pas nourriture, pas de toilettes, pas d’avenir autre que d’aller là où la guerre n’avait pas frappé. Les éleveurs abandonnaient les troupeaux. Ils ne savaient pas où ils allaient. Sur les routes des milliers sont morts de faim, d’épuisement, de maladie aggravée par les circonstances, ou sous les balles des avions allemands. Des familles ont été dispersées. La Croix-Rouge française a estimé le nombre d’orphelin à 90’000, qui n’ont jamais retrouvé leurs parents.

 

 

L’ultime identité

 

Avant cet exode et encore pendant quelques années après la guerre, l’immigration italienne en France a suscité de fortes résistances et de nombreuses violences et lynchages.

 

Aujourd’hui, alors que l’Europe semble apaisée, l’exode vient du sud et du sud-est. Pour cause de guerre, de dictature mortelle, ou par pauvreté. Quand ils arrivent les réfugiés n’ont plus d’Histoire. Ils n’ont plus qu’une seule identité – s’ils ne sont pas déjà morts: êtres humains. On ne peut regarder des êtres humains se noyer sans rien faire. C’est comme ça.

 

réfugiés,histoire,migration,guerre,syrie,L’exode de 1940 n’a duré que quelques mois. Le rapatriement a commencé après l’armistice, mais pas pour tous: les juifs étaient interdits sur le territoire occupé. De nombreux réfugiés sont restés dans les villes et les campagnes de la zone libre. Il a fallu les loger, puis leur donner du travail dans une époque où l’économie était affaiblie. La culture était proche: religion, langue, mode de vie.

 

Avec les colonnes de réfugiés du sud la langue diffère de tous les pays européens, ainsi que la religion et la culture. Il faut loger ces personnes, leur trouver un travail alors que le chômage est élevé dans certains pays comme la France. La perte de leur pays les incite à se retrouver dans les autres valeurs: religion, mode de vie en partie. Cela doit être pensé, anticipé par les dirigeants. Le multiculturalisme fonctionne parfois, à petite échelle, par exemple sur l’île de la Réunion. Ou dans une ville comme Genève où les communautés vivent librement sans heurts, ce que j’apprécie. Mais il y a malgré tout une culture dominante, par exemple dans l’habillement des femmes européennes.

 

 

Aide conditionnelle

 

Tous les pays ont ou devraient avoir une culture dominante. C’est ainsi, c’est l’Histoire de leurs habitants. Les personnes venant d’une autre culture peuvent la garder en partie mais ils doivent s’adapter et accepter la culture dominante. C’est ce que font les communautés d’expatriés dans des pays étrangers. Ils pratiquent leur rites laïcs ou religieux mais se soumettent à la loi et aux moeurs du pays. Je crois que c’est ainsi que les choses doivent se faire. C’est la voie de l’apprivoisement. 

 

réfugiés,histoire,migration,guerre,syrie,Rendre les cultures équivalentes c’est nier tout le processus historique. Par exemple, la liberté d’expression est le fruit de siècles d’évolution. Elle n’est pas partagée partout à l’identique. La relativisation de la culture dominante n’est pas souhaitable. Elle est du même ordre que l’indifférenciation des sexes: une sorte de suicide culturel. Dans cette idée l’acceptation de réfugiés devrait être large mais inclure explicitement une condition: l’exigence de retour dans leur pays d’origine dès que la situation le permet. Un réfugié n’est pas un migrant économique choisi par le pays d’accueil. Cela doit leur être dit. C’est une manière de respecter ces personnes, de les rendre à leur culture et de la préserver, tout en préservant la nôtre.

 

Dans l’urgence les humains doivent s’entraider, du moins pour ceux dont la vie est directement menacée. Ceux qui partent de chez eux pour des raisons économiques ne sont pas en danger de mort imminente. En partant de chez eux ils vident leurs pays des forces vives dont ces pays ont besoin. Ce n’est ni juste ni bon pour les pays, et il n’est pas certain que le métissage à grande échelle ne soit pas une perte pour toutes les cultures concernées. Nous sommes tous frères, certes, mais pas tous de la même manière. Nous sommes aussi différents. Je trouve étrange que l’on jette au panier des différences culturelles établies alors que l’époque voit justement s’exprimer de nombreuses revendications identitaires de tous genres sur tous les continents. 

 

Un minimum de discrimination est nécessaire. Les bons sentiments seuls ne permettent pas cette discrimination. 

 

Mais, dans l’urgence, devant ces colonnes continues de réfugiés, il est difficile de pratiquer cette discrimination.

 

N'oublions pas. L'exode, c'est cela:

 

 

 

Catégories : Europe, Histoire 5 commentaires

Commentaires

  • Vous posez le problème du choc des cultures sans vous aventurer à proposer de solutions concrètes. Je ne vous le reproche pas, car non seulement ce serait vous aventurer sur un terrain miné, mais il serait miné par presque tous les partis concernés.
    Le sujet est d'autant plus délicat, que le mot choc que j'ai utilisé est dans la plupart des cas exagéré: le choc rendrait probablement une réponse plus facile. C'est d'une sorte d'infiltration qu'il s'agit, en particulier lorsqu'il s'agit de cultures presque exclusivement définies par leur religion. Les effets, comme lors d'une infiltration médicale ne se font ou se feront sentir que lorsqu'il sera trop tard de prendre des mesures.

  • « De nombreux réfugiés sont restés dans les villes et les campagnes de la zone libre. Il a fallu les loger, puis leur donner du travail dans une époque où l’économie était affaiblie. La culture était proche: religion, langue, mode de vie. »

    Vous semblez avoir oublié les 1'500'000 militaires français ayant laissé leur emploi vacant, prisonniers des allemands, et expédiés en Allemagne d'où plus de 1 million ne rentreront qu'en 1945.

  • Après 1945, les pays dits de l'Ouest, les Occidentaux ont reconstruits leurs pays grâce à l'aide apportée par les travailleurs extra-européens.

    La Turquie en a fourni des millions, comme bien d'autres pays de l'Afrique, tant noire, que du Maghreb.

    Dans les pays dits de l'Est, les Communistes, il y avait interdiction non seulement de sortie du territoire, mais aussi d'entrée.

    Le patronat allemand demande à ce que les migrants soient accueillis, que l'on regarde bien leurs qualifications ... car, il parait qu'ils manquent de main d'œuvre ...

    C'est pourquoi, je me pose cette question.
    si le patronat allemand a besoin de main d'œuvre, au sein de l'Union Européenne, leur voisin immédiat, la France, compte 3,5 millions de chômeurs.

    Pourquoi ne pas faire appel aux forces ouvrières européennes ?
    C'est bien vrai que la discrimination entre membres de l'Union existe bel et bien.

    Passez tous, une bonne fin de semaine.

  • Nous sommes "autres" dans le même temps où je suis "je". Nous sommes "autres" dès que "je" se cultive au contact des autres. Nous pouvons être d'un pays et ne jamais voyager, d'un village même, et ne rien connaître, ou presque, de la ville voisine. Cela existe encore des gens qui ne voyagent jamais plus loin que leur petit canton d'élection. "Je" reste alors un "je" très provincial et très peu "autre". On appelle cela le "je" radicalement conservateur et refermé sur soi-même. Il y a aussi le "je" radicalement progressiste et universel. Pour ce "Je" là, il faut avoir beaucoup passer par les autres, s'ouvrir à l'"autre" sans jamais oublié son "je" d'origine, ses racines, son enfance.

    Il n'est pas impossible que des migrants deviennent des résidents permanents dans un autre pays comme il n'est pas impossible que les migrants préfèrent le retour chez eux un jour ou l'autre. Exemple concret: les Italiens de Neuchâtel ont étés plus nombreux que les Portugais à quitter le canton et la Suisse définitivement et à retourner chez eux une fois la situation économique meilleure chez eux. Pourquoi? C'est difficile à répondre. Il faudrait des dizaines de milliers de témoignages de ces travailleurs et travailleuses exilés pour comprendre ce phénomène. Ce qui importe, finalement, c'est le degré d'intégration des migrants, leur volonté de s'adapter dans notre pays, de participer à la vie et à l'économie. Après, ce n'est que de la politique, des gens qui bien trop souvent pensent à leur élection et n'ont jamais été confrontés à des situations concrètes de familles migrantes.

  • Mère-Grand,

    Je n'ai pas de solution concrète, du moins à l'échelle d'un pays, à part celles souvent évoquées. Je ne suis pas dans la politique, c'est peut-être plus confortable. J'agis à mon niveau individuel. Il y a des gens que j'aime, de toutes origines et croyances, et avec eux je peux partager des choses sans me sentir obligé de mettre une limite. La limite vient d'elle-même. Et inversement quand je suis chez eux.

    J'apprends progressivement à ne pas tendre la main si on ne me la demande pas (sauf exception). Je ne me sens pas obligé d'aimer mon prochain parce qu'il est d'une autre origine, surtout pas à l'aimer en groupe pour éviter la discrimination. Pour moi beaucoup se passe individuellement. Les groupes, quels qu'ils soient, ont tous leurs lots de salauds et de criminels, et je n'ai pas l'abnégation d'aimer inconditionnellement les humains.

    Individuellement je peux être comme je pense juste; en groupe je me méfie même de moi. Alors je garde ma singularité envers et contre tout. Du coup j'ai plus de difficulté à voir les autres comme une masse.

    Oui, en effet, on n'est pas dans un choc brutal des cultures. Dans la progressivité il y a sans aucun doute des gens qui ne veulent pas du bien à notre liberté. D'autres se font influencer par eux. Combien cela fait-il en tout? Je peine à imaginer que cela soit si nombreux, mais je ne suis ni statisticien ni devin, et je n'en sais rien. Cependant, l'Histoire montre que quand la perte d'identité va trop loin un réveil est possible.

    Je crois à l'affirmation personnelle, et mon principal adversaire de ce point de vue est le fait de ne pas oser parler, ne pas oser dérouler une pensée libre, quelle que soit sa direction et son évolution, à escamoter langage et communication, à se soumettre à on ne sait plus très bien quoi. Les Droits de l'Homme ou la morale chrétiennesont quelque chose d'important mais ils ne doivent pas servir d'inhibiteurs intellectuels et sociaux. Du moments où ils sont posés et admis la parole doit rester libre, y compris de les contester sur tel ou tel point.

    S'il y a une réelle volonté d'infiltration – sur ce point je n'arrive pas à avoir d'avis définitif ou à y voir un mouvement large – il faut la combattre par l'affirmation, la critique, l'usage immodéré de notre propre culture qui ne peut être affaiblie que par nos affaiblissements individuels. La bataille culturelle interne dans notre société – dans laquelle je m'investis – est aussi importante que la délimitation à poser entre les cultures. (Délimitations non pour en faire des ennemies mais parce que certaines choses doivent encore s'apprivoiser, ou simplement trouver un espace commun de respect réciproque, et cela prendra beaucoup de temps).

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