Plusieurs déclarations du philosophe français ont créé la polémique. Dans la revue Éléments d’octobre-décembre 2015 il s’en explique et confirme son point de vue. On n’est pas obligé d’être d’accord avec lui sur tout. C’est mon cas.
Il affirme que la France – comme l’occident en général – pratique une politique islamophobe à l’extérieur des frontières.
« …la France a du sang musulman sur les mains, et pas qu’un peu. (…) Sous prétexte de lutter contre un terrorisme qui ne nous menaçait pas (Saddam Hussein n’a jamais projeté de mettre Paris à feu et à sang), nous avons agressé un peuple, puis d’autres peuples qui sont leurs frères, et les musulmans n’ont pas la mémoire courte. En plus d’avoir tué en pagaille les leurs, on a bafoué leur dignité, leur humanité, leur être même. C’était une faute, c’est toujours une faute, une faute grave. »
Dans un autre entretien accordé au Point il précise que selon lui, les attentats de Paris, s’ils sont un acte de guerre, sont une réponse « à d’autres actes de guerre dont le moment initial est la décision de détruire l’Irak de Saddam Hussein par le clan Bush et ses alliés il y a un quart de siècle. »
C’est un peu court. Il ne mentionne pas le fait que la première guerre du Golfe a été décidée à la suite de l’invasion du Koweit par l’armée irakienne. Laisser faire eût été comme donner un chèque en blanc à Saddam Hussein et s’aliéner tous les pays amis de l’occident, dont les producteurs de pétrole. D’ailleurs, n’aurait-il pas continué à envahir d’autres pays? Qui donc a commencé? Des arabes. Qui étaient les victimes? Des arabes.
De plus le régime était allié à la Russie et la chute de l’URSS n’avait pas éliminé la compétition internationale. La politique mondiale se décide probablement moins autour de la défense des Droits de l’Homme que dans la perspective bien comprise de l’intérêt à long terme des nations ou des blocs. Le jour où tout le monde respectera tout le monde il en sera autrement. Mais ce jour n’est pas encore arrivé.
Les tensions entre le monde musulman du Proche-Orient et nombre de pays occidentaux ne date pas de 1991. La création de l’État d’Israël fut un moment fondateur plus significatif. Dès sa naissance cet État fut attaqué par ses voisins, à plusieurs reprises. Les arabes de Cisjordanie, qui n’avaient jamais été un peuple palestinien ni citoyen d’une tel État puisqu’il n’avait jamais existé, ont été instrumentalisés. Ils ne s’étaient jamais soulevés contre la domination ottomane. La vieille rivalité entre musulmans et juifs fut donc un élément déclenchant, alimentée par un groupe panarabe et panislamique radical et fascisant: les Frères Musulmans.
La défense des petits palestiniens opprimés n’est qu’une galéjade. D’ailleurs il est préférable pour les intégristes religieux ou politiques qu’ils restent opprimés afin de continuer à alimenter la haine de l’occident.
Je partage le point de vue selon lequel les américains ont commis de grosses erreurs, surtout lors de la deuxième guerre du Golfe. Le motif des ADM inexistantes n’est pas la pire. Une très grave erreur a été d’écarter la communauté sunnite, pourtant majoritaire, du pouvoir en Irak. Fonctionnaires et militaires jetés sans solde ni poste à la rue se sont repliés sur leurs bases territoriales et communautaires.
Le gouvernement chiite a ensuite multiplié les brimades et jusqu’au bain de sang contre les sunnites. Daech, groupe qui vivait dans l’ombre d’Al Qaeda à ses début, a été soudain soutenu et investi par les sunnites pour se défendre. Les anciens militaires baasistes formés ont retrouvé un rôle. L’argent est venu. Et l’armée irakienne était en lambeaux à cause d’une gestion chiite calamiteuse du pays.
Par la suite la résistance à Daech fut assez molle. A croire que la destruction des anciennes structures politiques du Proche-Orient était sinon souhaitées, du moins acceptées d’un oeil complaisant. On sait que la Syrie est depuis des années au coeur de l’enjeu du gaz. Assad, allié de Moscou, a refusé le gazoduc Qatari. A défaut de faire une guerre directe en 2013, on ne peut s’interdire de penser que certains en occident ont choisi de laisser faire Daech et les autres opposants armés. Opposants qui ont probablement créé de toutes pièces la « révolution syrienne » à ses débuts.
Religion prétexte
Alors non, je ne pense pas que l’occident soit la cause de la situation du Proche-Orient ni de l’existence de Daech. Laissons-leur leurs propres responsabilités car les en exonérer est encore les considérer comme des enfants et bafouer leur orgueil.
Pour mieux comprendre l’irrésistible ascension de Daech, Le Doc de la RTS mérite le détour: Daech, les racines du mal.
La montée du radicalisme musulman date d’il y a un siècle. Cette montée en force donne aujourd’hui une guerre mondiale débutante. La haine de l’occident fait des ravages. Nous y avons une part, par la politique occidentale dans la région depuis la guerre 1914-18, le démantèlement de l’Empire Ottoman et le partage des terres à l’est de la Méditerranée. Mais la volonté de détruire Israël appartient en propre à ceux qui l’ont agressé.
Mais cela ne doit pas occulter les rivalités au sein même du monde arabo-musulman. La question est: fallait-il s’en mêler? Ou laisser cette région s’organiser selon ses propres forces en conflits? Mais dans ce cas, qui allait rafler la mise et dominer la région: amis ou ennemis?
Il semble actuellement que la religion n’est finalement qu’un prétexte. Les anciens de Saddam Hussein, cadres du parti Baas, n’étaient pas fan de l’islam. La laïcité était de mise. Alors qu’aujourd’hui Daech, dirigée par ces mêmes gens, invoque Allah à chaque décapitation. On se fout de qui?
Il faudrait rappeler cela à la jeunesse qui part faire le djihad en croyant en un idéal. Pas plus que l’état-major de Hitler, les dirigeants de Daech n’ont de souci des populations et d’une foi. Le pouvoir, la domination et la vengeance sont le but.
Non, l’occident n'est pas responsable de tout.
Commentaires
La culture tribale n'est qu'une succession de guerres et de soumissions. Quand les membres d'une tribu passent du stade de gardiens de chèvres à celui de potentats détenant un pouvoir incommensurables sur les événements le résultats c'est une guerre mondiale. Ajouter à ce tableau la jubilation éternelle d'hommes jeunes qui prennent du plaisir à faire et à voir souffrir "l'adversaire" et il ne manque plus que le prétexte victimaire pour justifier l'horreur. La religion n'est qu'un prétexte.
L'invasion américaine de l'Irak a été une véritable catastrophe géopolitique qui a déstabilisé la région.
Comme vous le soulignez, John, ce n'est pas tant la chute de Saddam qui a été nuisible mais l'éviction de l'appareil de l'Etat de la quasi totalité des Sunnites qui a marginalisé beaucoup de soutiens de Saddam et a débouché sur une situation sans issue.
La France, de son côté, avait assez bien tiré son épingle du jeu dans cette affaire en refusant de se laisser entraîner dans ce conflit stupide.
Mais elle a mal géré le Printemps arabe. D'abord les dirigeants français ont été traumatisés par la chute, à la suite d'une authentique révolution populaire, de Ben Ali, qui était soutenu par la France depuis longtemps. Suite à cela, Sarkozy, Fillon, leurs ministres mais aussi l'opposition de gauche ont battu leur coulpe et ont juré leurs grands dieux qu'ils cesseraient de soutenir des Etats dictatoriaux. D'où le soutien spontané à l'opposition lybienne lors de la révolte contre Kadhafi. D'où la ligne dure contre Assad dès le début du conflit syrien. D'où même les réticences à l'accord sur le nucléaire iranien. Evidemment tout cela reste hypocrite puisque dans le même temps, la France reste une solide alliée de l'Arabie Saoudite et du Qatar (la cohérence, ma bonne dame, il y a des maisons pour ça).
Alors après, la politique inversée aurait-elle été mieux inspirée ? Fallait-il laisser Kadhafi massacrer son peuple (cet abruti avait cru bon de l'annoncer) ? Adouber Assad alors que son ultraviolence traduit surtout son affolement face à une situation qu'il n'arrive pas à maîtriser ? La position de la France vis-à-vis de l'Egypte illustre bien cette difficulté à trancher pour des occidentaux pleins de bonne volonté démocratique. La France a d'abord soutenu Morsi, président islamiste mais légitimement élu, puis Sissi, aux conceptions plus laïques mais arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat....
Disons qu'un peu de pragmatisme n'aurait pas été de trop dans ces histoire, notamment en Syrie. Une ligne un peu plus compréhensive vis-à-vis de la Russie (franchement, tout le monde se fiche de la Crimée...) . Une volonté mieux affirmée de mettre tout le monde autour de la table (alaouites compris) pour trouver une solution de transition. Peut-être cela aurait il donné de meilleurs résultats...
Mais les "faucons" droit-de-l'hommistes pourront toujours dire qu'une intervention virile en 2013 contre Assad aurait permis à l'opposition syrienne "modérée" (faut le dire vite) de s'affirmer davantage, au détriment de Daech. C'est bien compliqué ces affaires...
F-Cat, votre phrase de conclusion résume assez bien les choses...
@ F-Cat
merci, magnifique analyse sans parti pris.
Saddam était un tortionnaire, devenu un monstre de l'islam. Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont musulmans et se réclame du coran et de la Sunna. C'est un constat, Attaturk, Nasser et Sissi dénoncent ou dénoncé cet islam au femmes enchiffonnées ou au foulard islamique.
Depuis, rien.
"La religion n'est pas un prétexte" il me semble que cette pite est fausse, elle dédouane l'islam et les bouquins qui, pour les musulmans sont révélés par dieu de ce fait, ne peuvent être réformés. Tous ceux qui ont essayé ont été tués.
Dans le christianisme, aucune révélation contrairement à ce que comprennent certains croyants et religieux, mais un message du mythe jésus. Ensuite, la chrétienté a tricoté le pull du bouclier royal pour asservir les ouailles.
Onfray fait une grossière erreur, a-t-il reçu des menaces, des propositions d'argent, autre chose?
Je donne ce lien facile à lire et à comprendre sur les fatrasies coraniques.
Si quelqu'un peu lui passer ainsi qu'à Hollande, Obama, Merkel ou autres *L*
http://www.blog.sami-aldeeb.com/2014/01/17/fatrasies-coraniques/
«On n’est pas obligé d’être d’accord avec lui sur tout»
C’est vrai.
J’ajouterais: Nous n’avons pas tous la même lecture d’Onfray…
Pour ma part, de ses écrits, de ses propos, j’ai observé, découvert, retenu, ceci:
- Onfray est athée mais se montre tolérant vis-vis de la liberté de croyance:
- l’homme se défint de la vraie gauche qui défend d’abord la classe ouvrière et exprime son rejet de l’élite gauche caviar dominante qui, selon lui, entend confisquer le pouvoir au peuple. Enfin, en pacifiste, il rejette la violence «robespierrenne» des Mélenchon, Besancenot, et cie.
- Sur l’islam en particulier il dresse un portrait implacable: Non, ce n’est pas une religion de paix de tolérance et d’amour. Des centaines de versets du coran en attestent.
Il est donc erroné de croire qu’Onfray pourrait défendre l’action de terroristes.
Mais ce qui gêne une part de l’opinion, c’est qu’en effet, Onfray fait un rapprochement clair et net entre les musulmans et la violence djihadiste.
Quant aux Occidentaux vis-à-vis du monde islamo-arabophone en crise (Irak, Syrie, Libye, Mali, etc), il fait le constat que les interventions in-situ de ces derniers, ont généré davantage de problèmes que de solutions.
Au fait, il me semble qu’Onfray fait la démonstration que le multiculturalisme et la mondialisation sont un échec.
C’est ça qui ne plait pas !
« La montée du radicalisme musulman date d’il y a un siècle. »
Et la montée des suprémacistes et fondamentalistes chrétiens blancs ?
Aux États-Unis, les extrémistes blancs tuent plus que les djihadistes
http://www.lefigaro.fr/international/2015/06/27/01003-20150627ARTFIG00063-aux-etats-unis-les-extremistes-blancs-tuent-plus-que-les-djihadistes.php
Etats-Unis. Le terrorisme islamiste n’est pas celui qui tue le plus.
En quatorze ans, deux fois moins de personnes aux Etats-Unis ont été tuées par des musulmans radicalisés que par des extrémistes motivés par d’autres idéologies, comme les suprémacistes blancs ou les fanatiques anti-Etat.
http://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-le-terrorisme-islamiste-nest-pas-celui-qui-tue-le-plus
Quand un homme blanc mitraille une église, c'est un forcené
Quand ce sont des musulmans, c'est du terrorisme.
http://www.liberation.fr/direct/element/quand-un-homme-blanc-mitraille-une-eglise-cest-un-forcene_10481/
Et aux USA, le racisme caché des forces de l'ordre et de la justice à l'encontre des non-blancs, et celui ouvertement déclaré par les politiques, ca remonte à quand ?
Oublié le petit lien pour illustrer mon dernier propos...
http://www.courrierinternational.com/article/2011/07/21/les-suprematistes-blancs-en-ordre-de-bataille