Les impressions de voyage sont souvent subjectives. On décrit ce que l’on a vu et notre regard n’est pas neutre. Il établit des comparaisons, explicites ou non. Mais si les cultures différencient les populations humaines, il y a parfois il y a très peu de distance entre elles.
Nous sommes à Idofé, un petit village dans le bush (la brousse) du sud-ouest du Nigeria. Un village qui ressemble à beaucoup d’autres villages: murs de terre, toit de tôle, piste en terre. Nous l’avons trouvé un peu par hasard. Nous explorions le monde des guérisseurs traditionnels, dont les pratiques éveillaient déjà ma curiosité professionnelle.
Les habitants de ce village m’ayant accepté – non sans palabre – je me suis installé dans la case d’accueil. Là je partage les jours et les nuits de cette population rurale.
C’est la fin de l’après-midi. Les lampes à pétrole vont bientôt parfumer l’air de la nuit. Il n’y a pas d’électricité au village. Les femmes préparent le repas et les hommes reviennent de la ville ou des champs. Les singes se répondent dans les arbres.
Soudain, alors que je suis assis devant la case et que je grignote mes rations de voyage, une petite fille d’environ deux ans passe devant moi. Un ruban rose orne ses cheveux. Elle me regarde intensément et arbore un grand sourire.
Elle marche difficilement: elle a mis ses pieds dans les sandales de sa mère!
Je revois exactement la scène: la place du village devant la case d’accueil; l’assombrissement rapide du ciel au crépuscule équatorial. Et cette petite fille, si fière d’entrer à sa manière dans le monde des grands!
Exactement comme les petites filles en Europe. Mettre les chaussures de ses parents, c’est entrer dans leur monde, marcher comme eux, être un grand ou une grande. J’ai réalisé ce jour-là que la culture de base est identique dans ce village et dans nos villes européennes.
En écrivant Les Contes de Crocodile River, dont certains sont présentés en spectacle théâtral cette semaine, j’ai souhaité partager mes impressions sur cette Afrique: sur le rapport au temps, au rythme de la nature. Sur l’esprit joueur que j’ai découvert chez nombre d’habitants en Afrique de l’Ouest: une dispute peut passer sans transition de la colère au rire, quand chez nous la même dispute peut mettre des jours et des semaines à se régler.
Le spectacle que nous en proposons de vendredi à dimanche est fait d’images et de personnages inattendus. Il ne s’agit pas d’instantanés fidèles de l’Afrique: ce sont des touches imaginaires, construites sur des bribes de vie perçues de l’extérieur.
Une manière de dire, dans mes mots, que j’ai aimé découvrir ces gens, leurs paysages et leur manière d’être en relation.
Commentaires
Cher hommelibre,
- « Et cette petite fille, si fière d’entrer à sa manière dans le monde des grands! Elle marche difficilement: elle a mis ses pieds dans les sandales de sa mère! »
- « Exactement comme les petites filles en Europe. Mettre les chaussures de ses parents, c’est entrer dans leur monde, marcher comme eux, être un grand ou une grande. J’ai réalisé ce jour-là que la culture de base est identique dans ce village et dans nos villes européennes. »
Faut espérer que cette petite fille prendra le temps de grandir. Parce que sinon, la réalité "culturelle" de l'Afrique sera beaucoup plus cruelle pour sa ... fierté.
A moins que Nike n'arrive à lui faire croire que les européens portent les mêmes chaussures qu'elle. Ou lui.
http://i1.trekearth.com/photos/102902/nike_patike.jpg