Cela commence par Safia Nolin, jeune chanteuse du Québec. Elle vient de gagner le prix de Révélation de l’année pour son premier album, intitulé Limoilou. C’était à Montréal lors du gala de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ).
Sofia Nolin est dotée d’une voix plutôt jolie et un style, même si je pense qu’elle devrait travailler davantage ses textes et faire moins dans le dépressif. Cette auteure-compositrice-interprète est une interprète de poids. Au sens propre: elle est grosse.
Elle a du stock. C’est lourd à porter, si j’ose dire. La société voudrait imposer le standard des femmes minces et jolies, selon certaines idées en cours.
Non, pas la société: mince ou presque, c’est la norme. Gros est une extension, un débordement souvent inconfortable de la norme. Moi-même ayant pesé jusqu’à 100 kgs avant de revenir plus raisonnablement à 80 kgs, je connais cet inconfort physique et psychologique. Je parle ici de confort du corps et de la santé, et de look sur scène, pas de valeur personnelle, bien sûr.
Malgré son surpoids elle s’habille de manière soignée et valorisante quand elle le veut (image 1). Mais lors du gala de l’ADISQ elle s’est présentée avec des baskets sales, un gilet sans forme et un jean très serré qui soulignait particulièrement ses bouées (image 2, crédit Jean-François Leblanc).
Elle en a été critiquée, parfois méchamment. Safia a répondu dans une lettre ouverte. Elle s’y déclare victime d’intimidation. Et ajoute:
« Pourquoi ressens-tu le besoin si puissant de m’envoyer chier, de me traiter de grosse, de me dire que j’ai pas de classe, pas de talent, de me parler de manque de RESPECT Parce que je suis une femme. Parce que j’ai un vagin, ÇA. NE. PASSE. PAS. »
Selon elle, les hommes n’ont jamais subi un tel mépris dans de telles circonstances. Et de citer quelques noms d’hommes de là-bas qui auraient été mieux traités malgré leur accoutrement.
De nombreuses critiques sont venues de femmes. D’une part Sophie Durocher, du Journal de Montréal, qui écrit:
« J’adore la musique de Safia Nolin, mais se mettre du linge propre pour se montrer devant des centaines de milliers de gens, est-ce vraiment trop demander? … depuis quand est-ce que le fait de critiquer les vêtements d’un artiste (tout en soulignant qu’on adore sa musique) c’est considéré de l’intimidation ? »
Elle ajoute ne pas comprendre le fait que Safia Nolin puisse dire et faire ce qu’elle veut tout en refusant la critique. La mise en scène publique du corps impose à tous les artistes d’accepter une possible critique, positive ou négative. Veut-elle être protégée spécialement parce qu’elle est une femme? Par une sorte de Principe du Vagin qui l’exonèrerait de passer sur le grill?
Elle est comme elle est, elle le revendique, tant mieux. Cela n’empêche pas de soigner sa présentation. Irait-elle ainsi au mariage de sa meilleure amie? Soigner son look n’est pas se nier soi-même en soumission au regard des autres. Par exemple la très talentueuse chanteuse belge Mauranne, qui n’est pas un modèle de minceur (image 3), a toujours trouvé à se mettre en valeur sans que l’on ne trouve à y redire. C’est la différence entre la classe et la victimisation. Sous prétexte de bisounourserie victimaire, pourquoi devrait-on taire toute critique, toute expression de son goût et toute discrimination artistique? Safia fait ce qu’elle veut, les autres aussi.
La victimisation pour cause de vagin est une inversion de la responsabilité: on reproche à l’autre ou à la société le fait que l’on ne s’assume pas soi-même. Safia Nolin a visiblement assimilé l’idée désastreuse pour les femmes qu’elles seraient victimes par principe.
Le fait d’avoir un vagin devrait lui valoir un traitement différent de celui réservé aux porteurs de pénis. Chroniqueurs et chroniqueuses, taisez-vous!
Eh bien non. Une autre chroniqueuse, Sandra Bishop, va même plus loin. Cette ancienne féministe aujourd’hui distancée des thèses communautaristes et de l’idéologie de genre, pousse un cri: elle en a assez de voir les femmes jouer les victimes. Et s’adresse à Safia:
« La réaction du public, non seulement la voyais-tu venir, mais tu as tout fait pour t’assurer qu’elle se produise. Ton chandail Gerry boulet, minutieusement choisi d’avance pour mettre en évidence un double standard qui n’existe que dans ta tête, était la cerise sur le gâteau. Au niveau militantisme et féministe, c’est une réussite totale, la table étant mise pour aborder la persécution des femmes.
Seulement voilà, je n’en peux plus. J’en ai assez de voir des femmes jouer les victimes, tout en mettant des œillères sur ce que peuvent vivre les autres. Je ne supporte plus de voir des femmes se cacher derrière le mot «vagin» pour ne pas avoir à faire face aux conséquences de leurs actions comme des adultes. »
Elle insiste:
« Lorsque tu refuses la responsabilité de tes choix vestimentaires pour un gala, pour te cacher derrière ton sexe et le prétexte que ces réactions sont dues à ton vagin, tu fais honte aux femmes. Sérieusement, serais-tu à ce point aveugle pour croire que cela n’arrive pas aux hommes? »
Elle cite alors une liste non exhaustive d’hommes critiqués et réprimandés pour leur tenue, dont le célèbre chanteur Plume Latraverse (image 4). Elle conclut par ces mots frappés du bon sens:
« Ils ne se sont pas cachés derrière leur sexe, ils n’ont pas dit qu’on leur devait le respect. Ils se sont dit que dans la vie, si tu veux le respect et être accepté, tu dois retrousser tes manches et faire tes preuves. Il n’y a pas eu de sorties massives de vedettes pour les défendre, il n’y a pas eu non plus de mouvement de masse pour vanter leur authenticité et les supporter. La société ne défend pas les hommes, elle les laisse se débrouiller seuls.
Toi chère Safia, parce que tu as un vagin, la moitié de la population est montée au front pour toi. Des artistes prennent position et te supportent, on te donne une tribune pour parler de tes émotions et de ton passé. On souhaite que les critiques cessent, on veut que tu sois traitée avec délicatesse, presque comme un enfant. Ce support, c’est uniquement car tu es une femme. »
Elle a tout dit. À contre-courant de la désastreuse doxa victimaire.
Autre exemple des dégâts psychologiques d’une époque imprégnée de féminisme victimaire (pléonasme). Tout récemment une chroniqueuse de Touche pas à mon poste (TPMP, animée par Cyrille Hanouna) sur C8, a déclaré avoir été victime de prostitution déguisée. Il s’agit de la mignonne Capucine Anav, ancienne participante à une téléréalité.
Elle a déclaré en direct avoir été contrainte par les producteurs à se mettre en couple, sous menace d’être éliminée du jeu (victime de partir, dit-elle dans son langage pré-scolaire). Elle aurait pu refuser et sortir si cela la dérangeait tellement. Double standard: je me plains d’être victime mais je préserve mes intérêts. Car elle a choisi de rester par intérêt (argent, célébrité), forcément. C’est sa décision. Elle précise cependant qu’elle n’a pas été obligée de coucher. Où est la prostitution? Nulle part. La contrainte? Nulle part. Mais ça fait mousser. En se présentant en victime elle fait parler d’elle tout en gardant une image virginale. Navrant. Les femmes valent mieux que cela.
On sait qu’il existe de vraies victimes et d’injustes discriminations: femmes, hommes, enfants, vieux, gros, petits, etc. Que n’a-t-on par exemple entendu sur la taille de Nicolas Sarkozy. Mais là c’est trop. Être victime est devenu une sorte de gloire et de reconnaissance sociale. Cela rapporte de l’attention et de l’argent (le buzz a stimulé les ventes de son album – tant mieux pour elle).
La victimisation est aujourd’hui une stratégie. Sauf que ça produit une vague de filles sans neurones. Et de futures célibataires à vie. Car, conseil d’ami aux mecs: ne vous mettez pas avec une victime-née, aussi bandante soit-elle. Prenez une vraie partenaire: une femme qui s’assume et qui pense par elle-même. Ou restez seuls.
Une société de victimes n’a plus d’avenir.
Commentaires
C'est vrai que le féminisme est synonyme de victimisation. Les femmes sont victimes parce qu'elles sont moins nombreuses que les hommes au parlement, victimes parce qu'elles gagnent en moyenne moins que les hommes, victimes parce qu'elles sont minoritaires dans les métiers de la science, etc. Pourtant les lois et les droits sont les mêmes pour tout le monde. Rien n'empêche les femmes de militer dans un parti politique, de s'investir dans l'entreprise, de s'engager dans la recherche...
Home libre a raison. Fuyez les victimes ! Et, si j'étais une femme, je ne serais pas fière de mon statut d'éternelle victime, incapable de prendre son destin en main et irresponsable née.
@Henri
Votre commentaire résume fort bien tout ce que je pense du féminisme! Et pourtant ... je suis une femme. Le fait que je suis une femme ne m'a jamais empêché de réaliser tout ce que j'ai estimé nécessaire pour bien réussir ma vie. Selon moi le féminisme n'aide pas les femmes, il les fait "faibles femmes".
Alicja