Dans un documentaire sur cette saga qui cartonne, l’acteur et producteur Vin Diesel affirme qu’un des éléments de sa réussite est le multiculturalisme. Lui-même se proclame première mégastar multiculturelle d’Hollywood.

Le(s) film(s)

Ce multiculturalisme a drainé des millions de spectateurs caucasiens, afro-américains et hispaniques dans les salles de cinéma. L’opus 8 vient de sortir et bat déjà le record mondial de recettes en trois jours: 532 millions de dollars. En comparaison Star Wars 7 n’avait fait « que » 529 millions en cinq jours.

Ce film initialement de série B est devenu une franchise au succès mondial. Pourtant chaque déclinaison porte le même nom. Seul le numéro les différencie. Un même petit groupe d’acteurs fétiches occupe l’écran. Les ficelles sont chaque fois presque les mêmes.

En gros on a une bande de fous des bagnoles super rapides. Ils font des courses illégales en pleine ville et des braquages. Les muscles bodybuldés font la concurrence aux filles très sexy. Il y a des méchants un peu gentils, d’autres méchants très méchants, et un visuel accrocheur avec des cascades à la pelle. Si on aime le genre et qu’on ne cherche pas du Proust, c’est bien fait et très addictif.

Vin Diesel crève l’écran. L’autre acteur fétiche, Paul Walker, un beau gosse de chez beau gosse (image 5), est mort en Porsche Carrera GT quelques jours avant la fin du tournage du numéro 7.

Le modèle

La fin du film montre son image, en réalité celle de son frère Cody qui lui ressemblait beaucoup, au volant de sa voiture et prenant une autre route que Dom Torreto (Vin Diesel). Symbole de son dernier voyage. La mort de Paul Walker avait boosté les audiences de ce numéro 7.

Fast & Furious représente la culture américaine (ou californienne) telle qu’on la représente dans les médias. Pour faire court: une liberté individuelle presque illimitée, l’argent, les jolies filles, la vie facile, les bagnoles de rêve, les nouveaux cow-boys musclés, et la famille.

Dans le film Paul Walker, qui joue Brian O’Conner, est en effet en couple avec Mia, soeur de Vin, interprétée par l’actrice Jordana Brewster. Ils auront un enfant. Leur couples, leurs signes corporels, sont classiques comme dans les histoires amoureuses romantiques filmées par Hollywood. D’autres acteurs donnent leurs tripes et leur beauté à la série: Michelle Rodriguez, craquante au possible; Dwayne Johnson, catcheur et acteur plus grand que l’écran: Jason Statham; et Charlize Théron en méchante blonde fascinante dans le numéro 8.

Des personnages secondaires font partie du clan Torreto. Ils s’aiment comme une grande famille, organisent des barbecues et échangent des sentiments gros comme des montagnes. Ces gentils-méchants gomment la délimitation habituelle entre le bien et le mal et renforcent l’idée de clan, de famille.

Animisme

Il y a donc quelques blancs, des blacks, des hispaniques, des asiatiques, bref un melting pot de l’Amérique. Des gens jeunes et beaux qui fonctionnent ensemble sur le modèle américain. Le film est comme le pays: multi-ethnique.

Mais est-il pour autant multiculturel? Si l’on considère la culture comme un ensemble de marques d’une civilisation particulière, éventuellement associée à une ethnie spécifique, je réponds non. La culture est une construction lente et ancienne. Elle codifie l’organisation politique et morale d’une population. Elle produit souvent une langue particulière, ou des connotations propres à cette population. On la découvre également dans la musique.

Par exemple la musique chinoise est pentatonique, faite de sonorités particulières, d’instruments spécifiques, de rythmes au découpage complexe. On ne trouve pas ces marqueurs musicaux dans la production nord-américaine.

La culture africaine des pays subsahariens est faite d’une organisation politique par chefferies. Selon Wikipedia, « Une chefferie est une entité politique et administrative représentant des communautés territoriales sur un territoire limité à base régionale, soumise à la domination d'un chef dont l'autorité ne repose plus uniquement sur la parenté (à la différence du clan), mais également sur le prestige, le sacré, une certaine coercition limitée ».

Marqueurs occidentaux

Il n’y a rien de tel aux États-Unis. On n’y pratique pas non plus la palabre et l’on n’admet pas la famille polygame. On n’invoque pas plus les esprits, alors que l’animisme reste ancré dans dans la spiritualité africaine.

Les personnages de Fast & Furious partagent les valeurs du rêve américain et les modèles culturels de nombreuses séries typiques d’Hollywood. F&F met donc en avant un modèle multi-ethnique autour d’une culture dominante occidentale.

La confusion entre les deux termes est aujourd’hui habituelle. Une société peut être multi-ethnique et en même temps construite autour d’une culture dominante. C’est le cas des États-Unis. Elle peut aussi être construite autour de plusieurs cultures, ce qui implique l’existence d’institutions judiciaires ou politiques différentes sur le même territoire.

Certaines régions d’Afrique sont multiculturelles: elles ont gardé l’autorité des chefferies pour gérer certains aspects de la vie en commun, et mis en place des élections à l’occidentale pour déterminer la gouvernance d’un pays. Pourtant, la loi de la majorité à 50% plus une voix n’est pas dans la culture et la tradition de cette Afrique puisque les deux unités traditionnelles, la chefferie et la royauté, donnent le pouvoir à un seul individu – qui doit faire consensus pour être respecté.

La série F&F fonctionne sur des marqueurs de la culture que l’on connaît et qui dominent en occident. Elle n’est à mon avis pas multiculturelle.