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« Les amours inclusives », ou le bordel dans la langue

Il y a tant de grâce dans la féminisation du mot amour au pluriel! Cependant le singulier est du genre masculin: doit-on comprendre que les hommes sont exclusifs dans leurs amours – un amour à la fois? Et les femmes libertines, pratiquant plusieurs relations simultanées?

 

inclu-07-1-flu.jpgFluidité

Cela n’a de sens que si l’on confond les genres grammaticaux et les sexes. Mais personne ne les confond. Si? Ah oui: les féministes radicales. Les Gorgones. Dès lors elles poussent à la manipulation linguistique et sèment la confusion là où il n’y en avait pas. Une manière comme une autre de ressasser à l’infini une supposée oppression systémique. C’est un fond de commerce.

Il paraît donc que la règle est ainsi libellée: le masculin l’emporte sur le féminin. Ce qu’elles traduisent par: l’homme l’emporte sur la femme. Bienvenue en Absurdistan. En fait le français n’a pas développé de manière habituelle le genre neutre; c’est la forme masculinisée qui en fait office. Personne n’est exclu dans cet exemple: des hommes et des femmes beaux. Le mot homme lui-même représente soit l’individu mâle, comme dans l’exemple, soit l’espèce humaine toute entière. Personne ne confond les deux termes quand le contexte de la phrase est explicite, même si cet exemple particulier souffre d’une esthétique approximative.

On a beaucoup écrit sur la laideur des formes inclusives avec signe graphique médian. Par exemple: tou-te-s les participant-e-s. Tout y a passé: parenthèses, tirets, majuscules, et point médian. Ces formes compliquent la lecture et la langue.

Or, d’une part on doit pouvoir lire un texte de manière fluide, sauf si l’on veut dégoûter les derniers amateurs de littérature. D’autre part la langue orale ne peut exprimer ces signes. Elle doit donc formuler vocalement quelque chose qui n’est pas écrit afin d’être compréhensible. Quel bordel!

 

 

inclu-02CodesGeometriques16.jpgRecommandation

Enfin, aucune de ces formes n’est réellement inclusive. Dans tous les cas, le féminin suit le masculin ou en est un appendice, quand il n’est pas mis entre parenthèses. Un comble! Et une manière implicite d’exclure par séparation des sexes, sous prétexte d’inclusivité.

Cette langue dite épicène, chère à son altesse Madame la Maire (heu, pas la mère…) de Genève, n’est qu’une manière de politiser la langue et donc de détourner à des fins partisanes par exemple les textes officiels. Ce qui est contraire à l’esprit de la démocratie.

Autre aspect de cette volonté inclusive: l’accord des adjectifs au pluriel quand ils concernent les deux genres. Le masculin l’emporte? J’ai cherché cette formulation dans des sites de grammaire, sans succès (j’aimerais être éclairé sur ce point). À part la mention d’un grammairien du passé affirmant que le masculin l’emporte parce qu’il est plus noble, déclaration idiote ou humoristique qui n’engage que lui-même), les formules sont:

les groupes “mixtes” ont un accord masculin;

l’adjectif se met au masculin pluriel, si l’un des noms qu’il qualifie est au masculin;

Ici on recommande cependant une formulation harmonieuse, que j’approuve: « Le portail et la porte sont fermés - Mon père et ma mère sont grands. (Il est souhaitable dans ce cas de placer le nom masculin au plus près de l’adjectif : la porte et le portail sont neufs sera plus harmonieux que le portail et la porte sont neufs). » 

 

 

Racine_5737.jpgRacine

J’écris ainsi depuis longtemps. De même j’écris volontiers: « les participants et participantes », plutôt qu’appliquer un neutre à forme masculine. Cela rallonge légèrement le propos mais évite l’écueil du genre unique. Selon le cas je choisis des termes ou formulations qui contournent l’écueil. Je varie donc mes formulations pour autant que le sens, la précision et la fluidité de l’écrit et de la pensée demeurent.

l’adjectif qui se rapporte à plusieurs noms coordonnés par une conjonction telle que et, ou se met au pluriel. Il est au masculin si l’un au moins des termes est au masculin.

Aujourd’hui il est proposé de reprendre l’accord avec le terme le plus proche. Il a été en usage il y a quelques siècles. Le célèbre auteur Jean Racine est souvent cité à ce propos. Cet article le rappelle:

« On lui doit le fameux vers, tiré de son œuvre Athalie, Consacrer trois jours et trois nuits entières. C’est oublier bien vite que le poète a avant tout cherché à faire rimer le mot entières avec prières situé au précédent vers. En effet, l’art autorise, encourage même, ce genre de libertés. »

C’est bien par l’art, sur un temps long et par la répétition, que l’usage peut évoluer, et non par une décision politique partisane.

Cependant, dans le même article, un exemple illustre le risque de confusion induit par l’accord avec le plus proche: « Comment distinguer les cas où l’adjectif ne concerne qu’un seul des noms ? L’énoncé il a mis ses gants et ses chaussettes vertes, signifie-t-il que, tout comme ses chaussettes, ses gants sont verts ? Ou bien que ses chaussettes sont vertes mais que la couleur de ses gants n’est pas précisée ? »

 

 

inclu-04-aveugle.jpgAveuglement

On peut aussi gloser sur la féminisation et la sonorité malheureuse du mot écrivaine. Écrit-vaine: voilà bien une consonance de mauvais aloi. Ensuite, parler des plus grandes écrivaines françaises n’impliquerait que les écrivains femmes en excluant les hommes, alors que dire: les plus grands écrivains inclut tout le monde. C’est pourquoi on trouve en général la formule: les écrivains femmes, plus souple et précise.

Cela laisse toutefois entendre que c’est la fonction d’écrivain qui prime, et non la féminisation du métier. Pourquoi dès lors féminiser certaines fonctions et pas d’autres? Uniquement pour éviter des consonances malheureuses? On gagne en complication et on perd en cohérence.

On peut encore s’amuser, heureusement. Une grenouille est-elle mâle ou femelle? C’est un nom générique donc non marqué sexuellement, « neutre » socialement en quelque sorte, bien que de genre grammatical féminin. On dira donc une grenouille mâle, ou une grenouille femelle, ou un papa grenouille, si l’on veut en préciser le sexe. Pour rappel le crapaud n’est définitivement pas le mâle de la grenouille. Sa femelle est la crapaude.

L’accord avec le plus proche crée d’autres exceptions. Par exemple: vingt-et-un chevaux s’accorde non pas avec un, pourtant le plus proche, sans quoi on écrirait: vingt-et-un cheval. Le mot chevaux est au pluriel non pour une raison de règle de grammaire mais à cause d’une locution exprimant un nombre.

La langue devient donc le lieu d’une bataille politique et idéologique. Pourtant personne ne peut démontrer que l’usage courant prédispose à une subordination des femmes aux hommes. Le penser est faire preuve d’aveuglement.

 

 

colère01.jpgAltesse

Malheureusement l’endoctrinement des jeunes filles bat son plein, comme le montre cette remarque pêchée sur un forum:

« Le jour où la maîtresse nous a expliqué que le masculin l’emporte, toutes les filles de ma classe se sont insurgées. On ne comprenait pas pourquoi cette règle existait. » Que cherche cette enseignante? Cette formulation est inexacte et ne correspond pas à l’esprit de la grammaire. L’enseignante fait subrepticement de la politique partisane et de l’endoctrinement idéologique en cours de français. Quant aux élèves filles, elles sont prêtes à se ressentir victimes universelles de la société.

La confusion délibérée – et corruptrice – entre le genre grammatical et le sexe n’est pas innocente, comme le souligne un autre commentaire lu sur le forum Agoravox:

« Laissez les grammairiens tranquilles, ils n’ont rien à voir là-dedans. Cette agitation hystérique est la manifestation et la traduction du manque de formation des instituteurs qui confondent grammaire normative et linguistique d’une part, et d’autre part de la montée en puissance du lobby LGBT-MLF qui semble avoir reçu des fonds pour financer des campagnes dont le résultat (mais peut-être le but) est de tenir un maximum de place sur la scènes médiatique, ce qui en laisse d’autant moins à d’autres questions autrement importantes. »

Dans Le Devoir, média canadien, le chroniqueur Christian Rioux écrit également sur le sujet:

« En français, il n’y a pas d’équivalence entre le genre grammatical et le sexe. Pour le dire autrement, une femme peut être un prophète, un homme une personne, le roi une altesse et la reine un assassin. Au lieu de s’en désoler, on devrait se réjouir de ce jeu délicat et éminemment contemporain entre les genres.

 

 

inclu-06-gorgone.jpgPerlimpinpin

Ceux qui croient qu’une langue « non sexiste » peut réduire les inégalités devraient savoir que le farsi et le turc n’ont ni masculin ni féminin. Pas sûr que dans les pays qui les parlent la condition des femmes soit si enviable. »

Je termine avec cet extrait qui rétablit la dignité des femmes du passé, si victimisées, donc dénigrées, par les Gorgones du présent. Une dignité que les féministes radicales foulent aux pieds, toutes affairées à fabriquer des victimes pour gagner des subventions sur leur dos:

« Petit rappel sur le XVIIe siècle au passage : à lire tous ceux qui s’expriment sur la question (et qui en sont donc des spécialistes, certainement), on visualise un carcan enserrant les femmes et la pensée. Alors non. Les femmes tenaient les salons littéraires. Etaient considérées comme de beaux esprits à égalité avec les hommes. »

Il y a 35 ans Julien Clerc chantait Femmes je vous aime. Aujourd’hui il serait peut-être hué par les adeptes d’Oser le féminisme et stigmatisé pour sexisme, harcèlement et paternalisme. N’est-il pas sexiste de généraliser, potentiellement harceleur de les aimer toutes, et grave paternaliste d’aimer même celles d’entre elles qui ne ressemblent qu’aux connes, comme le chantait Jacques Brel?

L’inclusivité, nouvelle marotte progressiste, n’est autre chose que de la poudre de perlimpinpin. Et si la langue au service d’une idéologie est l’arme des Gorgones, l’intelligence sera la nôtre.

 

 

 

Catégories : Art et culture, Féminisme, Philosophie, Politique 22 commentaires

Commentaires

  • Que dire de plus? Tout est bon pour victimiser la femme, même la grammaire. Observons quand même que la féminisation du discours est souvent à géométrie variable. On n'entend jamais les féministes dire "les hommes et les femmes polluent la planète", par exemple, mais "l'homme pollue la planète". Ou bien "l'homme et la femme est un-e lou-ve-p pour l'homme et pour la femme", mais "l'homme est un loup pour l'homme".
    L'écriture inclusive (ou répétitive) n'est utilisée que pour mettre la femme en valeur. Par contre, on l'oublie très vite quand l'espèce humaine se retrouve au banc des accusés (là encore le féminin "accusées" ne fait pas partie du vocabulaire féministe !). La femme est victime mais jamais responsable.

  • @Henri,
    Oui ça va toujours dans le même sens. Notez d'ailleurs qu'on ne parle plus dans les médias d'égalité "homme femme" mais d'égalité "femme homme", sinon c'est de la discrimination...
    Et puis dans leur délire les militantes féministes n’imaginent même pas masculiniser les mots féminins. Par exemple il faudrait dire un vedet en parlant de vedette homme du cinéma (ce qui est une horreur j’en conviens). Il n'y a aucune logique dans leur délire sinon il faudrait inventer une novlangue complètement nouvelle et neutre. Rien ne tient on est hors de toute logique, on frôle la pathologie mentale. Et malheureusement il est très difficile de lutter contre quelque chose qui ne repose sur aucune logique. Comme toujours c'est le plus fort en gueule qui s'impose, le plus militant et c’est souvent de petits groupes militants (non représentatifs) qui imposent à la masse silencieuse. Aujourd'hui tout le monde écrit auteurE par mimétisme.

  • "Cette langue dite épicène, chère à son altesse Madame la Maire (heu, pas la mère…) de Genève, n’est qu’une manière de politiser la langue"
    Si on ne peut changer la société à sa guise, il reste la manipulation de la pensée et du langage. De plus, l'avant-garde a décrété depuis longtemps déjà qu'il y avait de la beauté dans la laideur.
    On peut donc faire usage de ce principe même si on n'est pas ministre(esse) de la culture.

  • Parfaitement d'accord avec Step. Je viens de me relire et je m'aperçois que j'ai fait une faute de Français. Il faut lire : "la femme ou l'homme est un-e...". Sans doute étais-je troublé par cette nouvelle langue qui risque de déstabiliser les écoli-e-è-r-es... Pardonnez-moi, je crois que je me suis encore planté ! Comment inclure "écolière" dans "écolier" ? Quelqu'un peut me venir en aide ? Merci.

  • En tant que non-francophone, j'ose une hypothèse :
    Au moment, où on se met à apprendre des langues étrangères, on comprend mieux les spécificités de sa propre langue. Et elle n'est plus perçue comme la seule façon d'aborder ou de décrire le monde.
    Ainsi, des francophones peuvent découvrir que la distinction masculin /féminin n'est pas partout aussi importante. Ou que le neutre peut exister. Ou qu'il n'y a carrément pas de féminin / masculin, parmi d'autres excentricités, comme pas de verbe "avoir"- et pourtant les gens se comprennent !
    Cette découverte d'un nouveau monde linguistique peut avoir un effet déstabilisant et semer le doute : et si une évolution était possible ?

    Ceci me semble primordial : est-ce que la langue rend compte de la réalité ? Est-ce qu'elle permet de se faire une image correcte de la situation ?

    Je crois savoir que la règle qui veut que "lorsqu'il y a un élément masculin dans un groupe de mots féminins, tout sera mis au masculin" n'a pas été appliquée de toute éternité. Ça a été un choix, à un moment donné. Ce moment s'est gravé dans le marbre et on ne pourra plus changer, à moins de passer pour un iconoclaste.
    La langue est ainsi faite, que si on dit "elles", l'homme est effacé. Si on dit "ils", on laisse la possibilité qu'il y puisse y avoir des femmes.

    J'ai déjà donné cet exemple ici, parce que je le trouve très parlant quant au reflet fidèle de la réalité :
    A mon cours d'aquagym, il y a environ 30-35 femmes, une monitrice et parfois un ou deux hommes. Les jours, où il y a un homme, on doit parler des participants au masculin pluriel, alors que le ratio est de 35 pour un.
    A mes oreilles, cela ne rend pas compte de la réalité.
    Quelqu'un qui voudra parler de ce groupe va donc devoir chercher des combines pour éviter de devoir dire "ils", afin de ne pas faire croire que c'était un groupe très mixte, dire p.ex. :
    les femmes et l'homme présents - les personnes présentes.
    On dirait peut-être aussi : L'âge moyen du groupe est de 60 ans. Et non : les participants ont entre 50 et 70 ans. Ensuite, pour ne pas dire "ils" ou "elles", on trouvera une périphrase.
    Ça peut vite devenir lourd, si on veut éviter de donner une fausse image. C'est réellement une activité de femmes avant tout et les rares hommes sont d'autant plus courageux et admirables !
    De là à ce qu'on devienne, du point de vue de la langue, un groupe non-féminin, il y a un pas que la non-francophone a encore de la peine à franchir.

  • @ Calendula
    Vous montrez -et vous avez raison- que la langue permet d'adapter le discours à la réalité sans avoir besoin de la torturer. Comme les autres langues, le Français évolue, doucement mais sûrement. Il n'est pas nécessaire d'en changer les règles grammaticales aussi brutalement. La féminisation des noms de métier, par exemple, se fait et se fera en s'adaptant au fait social de l'engagement professionnel des femmes.
    Deux remarques, cependant:
    1- L'écriture inclusive est un bégaiement inutile et contre-productif, à l'oral comme à l'écrit.
    2- Le choix du masculin pour représenter la globalité (le neutre) ne peut s'apparenter à une discrimination. Nombre de fonctions masculines sont au féminin et pourtant les hommes ne s'en plaignent pas. Malheureusement, la victimisation de la femme est devenue une religion.

  • Un des points soulevés par les "inclusifs" est que la langue représenterait, formerait et perpétuerait les psychologies des peuples. C'est donner à la langue un rôle excessif.

    L'exemple du cours d'aquagym est bienvenu. Dans ce cas j'exposerais en préalable sa composition, puis j'utiliserais le "il" pour parler du groupe, ou le "ils" pour parler des participants et participantes, étant entendu que la description initiale de sa composition est suffisante pour admettre ensuite un masculin générique. Je ne refuse pas non plus de dire parfois: "ils et elles".

    Mais s'il n'y a qu'un homme pour trente femmes, le "ils" est "il" et c'est un peu plus compliqué. Dans ce cas je précise de qui je parle selon le besoin du moment dans la conversation. Où bien je parle de la majorité et précise quand il s'agit de la minorité. La formulation de Calendula "les femmes et l'homme présents - les personnes présentes." est également adéquate. En conversation c'est assez simple et souple. À l'écrit il faut davantage réfléchir à la formulation pour éviter d'alourdir le style et de brouiller la clarté du message.

    Sur un forum français où j'ai également publié ce billet, un commentaire intéressant s'une personne roumaine:

    "En roumain la plupart des objets ne sont ni masculins, ni féminins, mais neutres. Or il n’existe pas de forme propre au neutre dans cette langue : Le neutre au singulier est semblable au masculin singulier, et le neutre au pluriel est semblable au féminin pluriel. Exactement comme ce qui se passe en français pour les trois mots Amour, Délice et Orgue, lesquels ont une forme masculine au singulier et féminine au pluriel.


    Ceci démontre que dans une langue latine, les formes masculines et féminines ne sont pas nécessairement liées avec le sexe (pardon le genre). Une forme masculine peut l’emporter sur une forme féminine (ou l’inverse) sans qu’il y ait là la moindre implication de supériorité sexiste. Simplement il n’est pas indispensable de disposer d’une troisième forme entièrement différente pour le neutre, et dans le cas d’un accord avec des objets masculins et féminins, la forme masculine, généralement plus courte et donc plus proche du radical, est préférée.

    A noter également que pour de nombreuses espèces animales ou végétales, les formes masculines et féminines sont attribuées différemment en français et en roumain. Un chat devient o pisică (littéralement une chatte) et un renard o vulpe (une renarde) tandis qu’une colombe devient un porumbel, etc. Ces attributions semblent, comme en français, relever de causes très variées mais certainement pas d’une volonté sexiste systématique.

    Ceux qui cherchent à modifier la langue pour éradiquer ce qu’ils interprètent comme un suprémacisme masculin font surtout preuve d’une totale inculture.
Il est vrai qu’une langue est une victime facile qui ne risque pas de rendre les coups qu’on lui porte à tort ou à raison.

    En roumain, le mot qui désigne un prêtre orthodoxe (qui en principe est un homme de sexe masculin, et marié !) est « popa », un mot de forme féminine. Allez comprendre..."

  • @hommelibre,

    L'intervention de la personne parlant le roumain (je crois que le mot "roumainophone" n'existe pas)est drôlement intéressante.
    C'est justement à ce genre de chose à laquelle je pensais en écrivant que la connaissance d'autres langues peut amener des idées d'évolution possible. La proximité du roumain et du français est rassurante, on n'est pas en train de suggérer une possible anglicisation ou pire : une sorte de germanisation (p.ex. avec la féminisation des noms de métiers ;-(((

    Il ne faut pas oublier que les francophones de France n'aiment pas du tout le changement, que la modification ou le néologisme sont perçus comme de petites menaces, comme des tentatives d'abâtardissement.
    Le problème du masculin-féminin n'est pas le seul problème que les amoureux de la langue française ont à affronter ! Il y a le problèmes de l'arrivée de mots nouveaux, p.ex. de l'anglais. Ou l'appauvrissement du vocabulaire chez les jeunes, qui se débrouillent avec un vocabulaire minimal.
    Les cours d'Histoire de la Langue m'ont appris que les règles du français ont été fixées à un moment donné ( il y a environ trois siècles) et que par rapport à d'autres pays qui n'ont pas forcément d'académies responsables de la pureté de la langue, l'Académie française exerce une autorité très forte, une autorité normative qui est acceptée de bon gré par les Français en tout cas. Les standards fluctuent davantage dans des régions comme le Québec ou - je l'imagine - la Nouvelle-Calédonie ou le Sénégal !

    Est-ce que la distanciation permet de dédramatiser le débat ? Ou de savoir que :
    "À la veille de la Révolution française, on estime qu'un quart seulement de la population française parle français, le reste de la population parle des langues régionales.
    (...)
    Dans son rapport de juin 1794 l'abbé Grégoire révéla qu'on ne parlait «exclusivement» le français uniquement dans « environ quinze départements » (sur 83). Il lui paraissait paradoxal, et pour le moins insupportable, de constater que moins de trois millions de Français sur 28 parlaient la langue nationale, alors que celle-ci était utilisée et unifiée « même dans le Canada et sur les bords du Mississippi. »
    En revanche, le français est couramment pratiqué dans toutes les cours européennes."

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_langue_française

    Je ne me permets aucune opinion disruptive, parce que je ne suis qu'un hôte ( au sens : invitée) dans le domaine de la langue française et lui dois donc tous les égards. Elle est une hôtesse généreuse, opulente et stricte à la fois, il faut respecter sa maison et ne rien casser, salir ou déplacer. Sa maisonnée veille, car cette langue n'est pas seulement véhiculaire, elle est un monument vivant.

  • Joli commentaire Calendula!

    Le français est extraordinaire pour la précision et les nombreuses nuances qu'il permet. Pour décrire une réalité, comme vous le disiez avant, on peut trouver des solutions pas trop lourdes. Car c'est bien l'important.

    C'est toujours un délice d'y exprimer une pensée. Bon, je suis francophone de naissance et je ne connais pas assez bien l'anglais, encore moins l'allemand, pour comparer.

    Cela dit, en Finlandais je crois me souvenir que vous disiez qu'il n'y a pas de il ou elle. Cela n'empêche pas de penser et de s'exprimer avec précision j'imagine!

    Le centralisme a la française, sa culture assez autoritaire, a peut-être du bon pour la langue et son unification. Gérer une si grande nation avec deux langues principales plus plusieurs régionales petites ou grandes, aurait encore compliqué une administration qui n'en a pas besoin!
    :-)

    Pour revenir à l'écriture dite inclusive, il semble qu'elle ne correspond pas à un besoin, à part un besoin politique pour certaines-zé-certains.

  • Je ne suis pas d'accord sur ces compliments sur le français. C'est une langue pauvre qui manque souvent de mots. Calendula a cité "hôte", par exemple, au double sens...
    La langue de la philosophie est l'allemand ou le grec ancien, dont les mots se construisent de la même manière à l'infini.

  • Je ne connais pas assez les autres langues Géo. Le cas du mot hôte me fait souvent problème. Je préfère si possible utiliser le mot "invité" pour l'un, hôte pour l'autre.
    C'est aussi le contexte de la phrase qui donne le sens, et en cela je ne trouve pas la langue pauvre. Au contraire.

  • Les points médians sont comme un champ de mines. C'est intranscriptible oralement. J'essaie sur un mot:

    "Tou-te-s" En lisant, pour bien comprendre que c'est la forme inclusive, il faut séparer les trois parties, pour la compréhension que ce sont les deux genres (si on lit sans s'arrêter c'est le féminin pluriel qui est entendu). D'autre part le point signifie un arrêt, même court. On peut même lui attribuer délibérément un temps court en comparaison du point de fin de phrase. Donc on va lire comme c'est écrit, en trois temps. Mais c'est rapidement inaudible.

    Et ce mot:

    "Docteur-toresse".

    Il y a autre chose. Dans "Tous", selon le contexte, l'intensité, il prend beaucoup de nuances. On ne sait pas toujours de quoi il s'agit mais c'est grand, nombreux. L'inclusion d'un point est limitative.

  • Dans une société et une période raisonnables, tout (sic) cet enfantillage ne mériterait que mépris.

  • Et puis ça ne change rien...le masculin reste devant :-)

  • C'est exactement ça, Absolom.
    Le symbole est terrible. Comment ne l'ont-elles pas vu? Mystère.
    Pas futées...

  • @Géo et hommelibre,

    Je dirais qu'on va apprécier une langue, la trouver belle, riche ou précise si on la connaît bien.
    Je ne crois pas qu'il y ait, dans l'absolu, une langue meilleure qu'une autre. C'est une affaire de subjectivité.
    J'ai plusieurs langues actives et me rends compte que selon les situations, j'aurai l'impression que l'une serait supérieure à l'autre pour exprimer tel ou tel contenu, mais ce n'est pas toujours la même.

    Beaucoup apprécient l'espagnol, parce que ce serait simple à apprendre, d'autres admirent l'allemand pour sa plasticité et sa façon très concrète de traiter l'espace et de décrire des processus. D'autres adorent la mélodie du russe ou de l'italien et n'aiment pas la sonorité du danois ou du néerlandais.
    L'anglais se sera imposé parce que c'était la langue de la nation ayant réussi la colonisation la plus vaste et parce que c'est une langue relativement simple, à prime abord. Du point de vue du vocabulaire, il y a tant de concordances avec d'autres langues européennes ( p.ex. le français ou l'allemand et les autres langues germaniques), la conjugaison n'est pas très exigeante au présent, pas de déclinaison, pas de différence masculin-féminin-pluriel pour les déterminants ( le-la-les).

    Le finnois n'aurait aucune chance de fonctionner comme langue internationale! Une douzaine de déclinaisons, un vocabulaire non-indo-européen, faible pouvoir économique, situation géographique excentrée. L'absence de déterminants et de genres n'est qu'une faible consolation.
    Le bon côté serait que sa grammaire ne connaît quasiment pas d'exceptions, l'orthographe agréablement phonétique et accessible ( parce que la langue n'est pas riche en sons ) et elle donne une bonne base pour apprendre d'autres langues.
    La structure très logique de cette langue va favoriser une pensée concrète et probablement rendre plus difficile l'acceptation d'un certain flou ou l'existence de petits arrangements et d'écarts.
    Ainsi, les Finlandais ont souvent de la peine avec le fonctionnement de l'U.E. parce que les autres font trop de blabla et compliquent tout inutilement !
    De plus, un Finlandais ( un Islandais, un Lithuanien ou un Hongrois ) sait d'entrée que peu de gens feront l'effort d'apprendre sa langue et sans s'en formaliser, il fera ce qu'il faut pour apprendre l'anglais ou une autre "grande" langue. Une Hongroise, une Estonienne et une Islandaise d'ailleurs aussi ;-)))
    Rien que pour cette raison, je dirais que la langue va formater en partie la vision du monde.
    On va vite comprendre si on est du côté de ceux, qui n'auront pas forcément à faire d'effort de s'adapter à de nouvelles façons de voir et donc d'exprimer les choses, ou si on va devoir passer par un apprentissage plus ou moins ardu.
    Pour un francophone, d'accepter qu'il y ait un neutre, qu'il faut placer le verbe ici ou là, qu'il est essentiel de savoir si un objet, une idée ou une personne se déplacent ou pas, équivaut à un bouleversement total et peut-être même inacceptable. L'allemand sera considéré comme une langue moche, illogique et inutile et le français comme la langue-étalon universelle. Point barre.

  • "Pour un francophone, d'accepter qu'il y ait un neutre" Les francophones connaissent le neutre, une troisième forme sous-jacente au masculin. Les"hommes" incluent les deux sexes, à moins que le contexte indique le contraire.
    Pour HL, "Le français est extraordinaire pour la précision et les nombreuses nuances qu'il permet" alors que c'est une langue précisément réputée pour son imprécision, qui pose souvent problème dès que la langue doit définir des concepts précis. Le français est une langue idéale pour la poésie, où la sonorité, l'harmonie, la sensualité sont des éléments essentiels, d'une totale subjectivité dépendant fortement de l'origine sociale.
    En matière pédagogique, c'est particulièrement spectaculaire. Le flou de la langue ne fait que traduire le flou dans la tête de ceux qui devraient faire passer un message. Les Français communiquant sont les maîtres absolus de la langue de bois, capables de parler des heures pour ne rien dire sans que personne ne puisse comprendre quoi que ce soit de l'essence du message.
    Prenez les Américains : ils ont de grands défauts, mais par exemple dans leurs manuels PADI, ils seraient capables de faire comprendre les lois fondamentales de la physique des gaz à absolument n'importe qui. Langage simple, clair et précis. On ne cherche pas le mot le plus compliqué possible et susceptible de contenir de nombreux sens parallèles pour faire l'intelligent. Au point que le français a oublié ces mots simples. Ils ne sont plus dans son vocabulaire. Les francophones fonctionnent un certain temps avec un mot savant qu'ils rabâchent, puis passent au suivant...
    Un exemple : les occurrences de "disruption" dans le discours de Pierre Jenni...

  • Elles ou ils (on ne sait plus trop avec ces gens là) l'ont peut-être vu hommelibre. Mais que faire ?

    Réécrire l'histoire ?

    Eve et Adam ?

  • @ Géo,

    Vous avez raison, les Américains (qui sont souvent des émigrés de fraîche date) ont une capacité de communication très particulière et ils savent forger des mots-concepts très forts, comme le "big bang", qui fait une carrière internationale.
    Il doit y avoir une sorte d'émulation qui est soutenue par l'anglais véhiculaire. La possibilité de ramasser en un ou deux mots tout un contenu complexe, de synthétiser les chose, ça donne du punch.
    De plus, on aurait de la peine à imaginer des scientifiques français dire "le gros boum", lorsqu'ils communiquent une telle découverte au monde. Ils ont besoin de davantage de décorum et de sérieux !
    J'avance une hypothèse : le discours très élitiste et sérieux met le grand public non seulement à distance, mais lui fait sentir son ignorance d'une façon un peu désagréable. Le discours imagé et volontairement simple donne l'impression qu'on peut accéder à ce nouveau savoir et on se sent moins bête.
    Et pourtant, un des adages les plus cités en français est : "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent aisément. "

    ...........

    A propos du neutre en allemand : j'ai été trop floue !
    Parce que je cherche à ne pas barber avec des termes grammaticaux, je n'ai pas écrit:
    le déterminant neutre ( das). A présent, on ne dit plus "article", on doit dire " déterminant".
    C'est déjà compliqué d'apprendre le masculin /féminin p.ex. en français, alors d'y ajouter un troisième groupe à mémoriser ... Et 9 différentes sortes de pluriel.
    J'admets que ce n'est pas facile.

  • Je pense que si j'avais été plus loin dans l'apprentissage de l'allemand, j'aurais beaucoup aimé, votre description me titille Calendula: "sa façon très concrète de traiter l'espace et de décrire des processus". Vu comme ça c'est attractif pour moi, alors qu'à l'école le prof était ennuyeux et la langue perçue comme difficile.

    Déterminant, un nouveau groupe. Il a sa logique mais est-il vraiment indispensable?

  • Une petite curiosité à propos du genre. A mon arrivée en Suisse mon français était vraiment rudimentaire et je faisais toujours des fautes avec les articles. Ma langue de travail était le russe. Une collègue parfaitement bilingue m'a donné un excellent conseil: "utilise en français le masculin pour le féminin et neutre en russe et le féminin pour le masculin en russe". Par la suite j'ai fait beaucoup moins des fautes ! J'ai essayé avec le polonais, ma langue maternelle, avec même résultat.
    Bon dimanche,
    amb

  • Merci amb.
    La construction des langues semble être le fruit de processus culturels spécifiques et multiples bien plus que d'une supposée subordination des personnes selon leur sexe.

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