Première manifestation de l’après Weinstein, les Golden Globes ont été hier une sorte de grande manifestation féministe et victimaire. Nombre de femmes présentes arboraient une robe noire, selon la consigne. Comme des veuves. Et leur parole s’est élevée haut dans la salle.
Aussi compréhensible que soit cette phase de prise de parole entre millionnaires ultra-privilégiées, entre grandes bourgeoises dominantes modernes, elle ne peut masquer des zones d’ombres et un malaise persistant très profond.
La dénonciation publique d’abord. Elle n’est preuve de rien en l’absence d’enquête et de procès. On doit la craindre non pour ce qu’elle dénonce, mais parce qu’elle dénonce sans moyens de vérifier la réalité, la nature, la gravité des choses dénoncées. Ceci vaut également, bien sûr, pour les hommes victimes (réelles, ressenties ou inventées).
On doit aussi la craindre pour le mouvement d’épuration morale qu’elle engendre. Dans le Matin Dimanche d’hier Michel Audétat propose une intéressante réflexion sur cette épuration à partir du cas de Kevin Spacey, laissé pour mort socialement. Effacer en un jour les héros d’hier, remplacer un accusé en incrustant de nouvelles scènes dans un film pour préserver l’image de façade du système, montre malheureusement que les pires heures du passé sont de retour. Car cette épuration ne peut que rappeler les épurations staliniennes, comme le souligne le journaliste.
Malaise aussi car les accusations ont fini par s’adresser à l’ensemble du peuple masculin. C’est bien le comportement masculin en lui-même, à la séduction plus explicite et insistante que le comportement féminin, qui est visé, et non seulement les débordements de quelques mâles – ici très riches, de surcroît. Le tout sans évaluation ni distinction de gravité, de contexte ou de spontanéité des comportements reprochés. Oprah Winfrey, qui mélangeait les noirs, les femmes et les jeunes filles, le confirmait en déclarant avec emphase: « Depuis trop longtemps, les femmes n'ont pas été entendues ou crues si elles osaient dire la vérité face au pouvoir de ces hommes. Mais c'est fini pour eux! C'est fini pour eux. »
Elle ajoutait: « Donc je veux que toutes les jeunes filles qui regardent maintenant sachent qu'une aube nouvelle se profile à l’horizon. » C’est un troisième aspect du malaise: le pouvoir masculin. Les actrices hollywoodiennes, communauté ultra-privilégiée par rapport à l’ensemble des femmes et des hommes de la planète, n’auraient-elles disposé d’aucun pouvoir face à Harvey Weinstein? Bien sûr que si. Rappelons-nous la forte prise de position de Lupita Nyong’o, qui n’a cédé en rien aux avances de Weinstein.
Aube nouvelle? Paroles, paroles. Il ne saurait y avoir de changement profond et durable sans que chacun ne prenne sa part dans une réflexion commune et une co-responsabilité assumée. Car certaines actrices ont reçu de l’argent de Harvey Weinstein, ou un rôle. Elles ont accepté cet état de fait pendant longtemps. Asia Argento avait même eu d’autres rapports sexuels avec le producteur après celui qu’elle a qualifié de viol.
Ces actrices n’ont semble-t-il pas fait leur auto-critique. Elles donnent donc un double message: elles sont victimes et intéressées. Alors, victimes jusqu’à quel point? Pour moi, seule la violence physique signale le crime par contrainte. Parce que c’est le seul signal sûr et objectif. Et puis, s’être livrées à cette campagne des années après des faits pour lesquels elles n’ont pas cru bon de déposer plainte à l’origine, donne une image trouble des femmes, mêlant victimisation, intérêt et vénalité.
Il y a eu co-responsabilité, dès le moment où elles n’ont pas mis de barrière claire et intangible comme l’a fait madame Nyong’o. Si l’on y superpose des comportements féminins ouvertement provocateurs (Nicole Kidman, Madonna, et bien d’autres), on se dit que la cohérence n’est pas la caractéristique la mieux partagée par ces femmes et que le double langage ne les rebute pas.
Malaise également dans le biais de genre asséné lors de cette affaire. Il en ressortirait que seules les femmes peuvent être harcelées, victimes, maltraitées, abusées. C’est encore une fois faire l’impasse et le déni sur les violences faites aux hommes, violences physiques et psychologiques, économiques, ou bébés faits dans le dos, fausses accusations, entre autres.
Malaise également par le haut degré d’hypocrisie du club privilégié hollywoodien. Car tout le monde savait depuis 25 ans et personne n’avait rien dit. Cela signifie pour le moins que tout le monde est complice de Weinstein. Et donc que personne n’a le monopole de la morale.
D’ailleurs, la morale devrait d’abord être enseignée dans les familles et non en place publique. On le sait: la rue ne cherche ni à comprendre ni à enseigner: elle juge, condamne, jette dans le fossé avant tout preuve, enquête ou procès, et ne pardonne quasiment jamais. On se croit ainsi dédouané de toute autre responsabilité. Au passage l’État de droit est foulé aux pieds par le ressentiment et une vindicte parfois très trouble.
Les millionnaires privilégiées d’Hollywood se sentent investies d’un ministère de la morale. Soit. Mais n’oublions pas qu’elles n’ont rien de plus que nous, sauf l’argent et la célébrité. Le système les utilise pour populariser des modes de vie dits progressistes. Elles en tirent des avantages inouïs par rapport à la grande majorité des populations masculines et féminines. Ce ministère de la morale est surtout un paravent pour rendre invisible leur part de responsabilité alors qu’elles, plus encore que d’autres (grâce à leur statut et leur compte en banque), étaient en mesure de s’opposer à des avances non désirées.
Tant qu’on en restera à des accusations de groupe, sans réflexion d’ensemble ni prise de responsabilité commune pour établir des codes clairs et partagés, rien n’aura changé. Et je me demande s’il ne vaut pas mieux vivre avec des injustices que sous l’épuration morale. Le stalinisme, fût-il glamour comme à Hollywood, reste le stalinisme.
P.S.: le film vedette de la soirée raconte l’histoire d’une mère qui veut venger sa fille violée et assassinée. Symbole d’un combat de femme, ai-je lu quelque part. Vraiment? Un père ferait sans nul doute pareil, si sa fille ou son fils avaient subi le même sort.
P.S. 2: ne pas oubliez de signer la pétition en ligne du Groupe d'étude sur les sexismes:
Commentaires
Pas grand chose à ajouter. La démonstration est faite ici que c'est à la justice et non à la plaignante de désigner le coupable. Car, comment croire, sur simple parole, une délatrice ? Le Président de la République française, influencé par la campagne "Balance ton porc", devrait se relire. Dans un récent discours, il parle des fausses nouvelles "qui, en un instant, répandent partout dans le monde, dans toutes les langues, des bobards inventés pour salir un responsable politique, une personnalité, une figure publique, un journaliste". Or, les "fake news" ne sont pas les seuls mensonges véhiculés par le numérique.
@ Henri
1/3 des prisons françaises sont remplies de supposés coupables d'agressions sexuelles, c'est parole contre parole.
https://www.causeur.fr/viols-justice-droit-epoux-couple-148135
https://www.causeur.fr/proces-georges-tron-justice-renvoi-148488
http://www.leprogres.fr/france-monde/2018/01/08/schiappa-annonce-un-futur-plan-dur-et-concret-sur-l-egalite-salariale?utm_source=direct&utm_medium=newsletter&utm_campaign=le-progres-l-actu-du-jour-en-un-clin-d-oeil
et le mensonge institutionnel continue !!!
pourtant des femmes ont prouvé dans une enquête INSEE que le problème n'était pas dans la discrimination hommes femmes à quoi servent les enquêtes de L'INSEE
http://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_2006_num_398_1_7119
L’écart des salaires entre les femmes et les hommes
peut-il encore baisser ? Le problème de fond
n’est manifestement pas dans la discrimination
salariale au sens strict, qui pèse relativement
peu face aux facteurs structurels de l’écart
page 118.
alors qu'on arrête de nous raconter que les femmes sont discriminer, ça commence à bien faire.
https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/statistiques-de-la-police-et-de-la-55516
calach
calach 4 mai 2009 16:20
Vous écrivez : « D’où l’on peut en déduire que sur l’ensemble des viols élucidés, 22% sont condamnés aux assises (soit 18% des viols déclarés) et 25% des mis en cause sont déclarés coupables de viol. »
Voilà une déduction statistique qui demande quelques explications.
1 - Qu’entendez-vous par « viol élucidé » ?
2 - 22 % sont condamnés aux assises. Plutôt bizarre comme pourcentage des viols élucidés (si élucidé = avoir trouvé le coupable) quand on sait qu’un viol est un crime et que le coupable passe obligatoirement aux assises ?
3 -25 % des mis en cause sont déclarés coupables de viols. Cela signifie apparemment que 75 % des mis en cause pour des viols élucidés ne sont pas coupables donc innocents. On doit en déduire que beaucoup de ces mis en cause ont été victimes de la garde à vue et de la détention provisoire arbitraire sans respect de la présomption d’innocence. Vous citez une moyenne de 6886 mis en cause par an pour viols. Cela fait tout de même 0,75 * 6886 = 5160 mis en cause qui ne sont pas coupables !!!!!!!!!!
Nous sommes bien dans la dictature de l’émotion.
"Naja
Naja 4 mai 2009 14:59
Si j’ai bien compris, par « affaire élucidée » on entend « affaire dans laquelle quelqu’un est accusé ou suspecté ». Par opposition aux cas, nettement plus rares, où une personne vient porter plainte contre un agresseur inconnu qu’il faut retrouver.
En matière de violence sexuelle, les faits ne laissent en général aucune trace physique.
Il y a le témoignage de la ou des victimes, les séquelles des sévices subis, le discours de déni ou les aveux de l’accusé et/ou de ses éventuels complices, leur perversité décelable par expertise, et quelque fois les témoignages d’autres victimes. Réalité que certains réduisent à la formule « c’est la parole de l’un contre celle de l’autre », évacuant ainsi tous les éléments de preuves contenus dans les conséquences du traumatisme et le comportement d’un agresseur sexuel.
Sauf à penser que 60% des plaintes pour viols ou agressions seraient des dénonciations calomnieuses, ce chiffre indique comment ces aspects phychologiques sont considérés par la justice française et quelle crédibilité elle accorde à la parole des victimes.
On est assez loin d’une prétendue sacralisation des victimes qui mettrait en péril le respect de la présomption d’innocence..." !!!
eux vont en prisons mais pour les voyous casseurs il n'y a pas de place pour eux en prison bizarre