Étonnant Frédéric Mitterrand: il a la voix d’un cadavre, il parle comme un cadavre, et pourtant il vit encore. La preuve, ce film documentaire diffusé hier soir sur France 3: « Trump, le parrain de Manhattan ».
Je n’apprécie pas son style ni sa voix de potache mal-aimé qui se veut crépusculaire. Il fallait donc un personnage intéressant pour me coller devant l’écran. Je n’ai pas pu voir le début de son film mais j’en connaissais des éléments par d’autres reportages sur le Donald.
Et Donald Trump m’intéresse. C’est un personnage politique haut en couleurs, souvent drôle, et loin d’être l’idiot qu’il joue parfois. Comme le disaient les invités au débat qui a suivi, Donald Trump est un américain assez typique. Il y a chez lui peu d’embarras et de doute, il fonce et rétablit en quelque sorte l’ADN états-unien. Il fait montre d’une confiance en lui presque indécente pour nous européens.
En deux ans il a déroulé sans complexe et avec un certain succès le programme des Républicains. Il agit plus vite et plus qu’aucun président depuis longtemps. Il s’attaque selon sa méthode personnelle aux relations commerciales avec la Chine, et ce n’est pas qu’un simple effet de manche. Il a rejeté l’hypocrisie diplomatique qui consistait à ne pas implanter d’ambassade à Jérusalem.
Les invités, dont les deux femmes étaient les plus intéressants, le trouvent même passionnant. Quel changement de ton avec les débuts du président il y a deux ans!
Il reste imprévisible, atypique, hors normes. Et c’est une partie de sa force. Il fait fi du langage diplomatique, déroute et prend la main. Il finit de mettre en pièces l’ordre international brinquebalant. On lui reproche même de provoquer l’effondrement de cet ordre mondial. Ses adversaires aiment bien associer le nom du Donald avec de sombres et sinistres perspectives.
Mais il n’est pas la cause de cet effondrement. La guerre du gaz en Syrie, la crise de Crimée, la crise migratoire et l’attitude d’Obama envers Poutine avaient déjà ruiné la belle entente des années 2000.
À l’hypocrisie, à la gouroutisation et au narcissisme très bienveillant d’Obama, Trump répond par son parler cru, son apparent manque de recul, son refus d’entrer dans des considérations sentimentales (ce n’est pas le rôle de la politique) et son propre narcissisme.
Obama, intellectuel brillant, était propre sur lui, avait tout pour plaire à une belle-famille et était solidement encadré par son épouse. Trump est lui un peu sauvage, animal, instinctif, goujat, dur, et représente presque l’archétype du cow-boy solitaire.
Cette différence, entre d’autres, fait que Trump casse les barrières là où Obama restait enfermé, en particulier dans le langage et la volonté permanente de l’ex-président d’être « quelqu’un de bien » aux yeux de l’opinion. C’était une faiblesse. Trump se fout de l’opinion et cela semble lui réussir.
Dans ce film intéressant, bien que parfois tendancieux et moralisateur, j’ai appris que Trump avait pris l’habitude de parler comme les ouvriers sur ses chantiers. Je comprends mieux cette manie de manier le vulgaire: c’est le langage des travailleurs à la peine. Bien que milliardaire il s’identifie à eux, à cette base qui le lui rend bien. Il parle vulgaire, du mot « vulgus », le peuple en latin.
Le vieil establishment new-yorkais n’acceptait pas ce parvenu, pourtant pure incarnation de l’Amérique. Maintenant il est au pouvoir, contre eux. Chacun son tour.
Avec Trump, l’éléphant – symbole des Républicains – s’ébroue et secoue sa poussière. Trump barrit. C’est un bâtisseur. Un bâtisseur d’empire, disait même Laure Mandeville. Il joue sa personne parce c’est son principal outil de communication et qu’il porte une vision au-delà de lui. Qu’on le veuille ou non.
Ses échecs lui sont parfois renvoyés, une manière de dire qu’il n’est pas si performant. Mais en homme d’affaire il sait que l’on gagne ou perd. Et celui qui n’a jamais perdu ne connaît que la moitié de la vie.
Une action politique ne peut être évaluée sur deux ans. À suivre donc. Mais en tous cas, je suggère d’en finir avec la haine basique de Trump, épouvantail facile, et de le considérer avec davantage de respect. Oui, de respect, même si c’est beaucoup demander. Même si c’est un bonhomme qui parle comme un corps de garde et qui passe pour misogyne (à tort à mon avis), son langage qui heurte les codes bourgeois feutrés est un marqueur de camp. Il a choisi le sien.
Frédéric Mitterrand disait que Trump est un homme sans principes. J’en doute. Il en a d’autres. Par exemple la priorité donnée à l’individu et au privé sur l’administration d’État. Trump est bien plus cohérent, à mon avis, que ce que l’on dit depuis bientôt deux ans.
Enfin le film a le mérite de montrer un homme beaucoup plus complexe que la caricature qui est souvent faite de lui. Trump mérite un examen plus attentif que réactif.
(P.S.: le replay de France 3 ne fonctionne pas en Suisse)
Trump, courte interview de jeunesse:
Commentaires
Trump ne peut pas être totalement incapable ou n'avoir que des défauts.
Il faut lui laisser une grande force de persuasion, la capacité de ne pas s'embarrasser de convenances, un instinct politique sûr, une capacité à parler à son électorat et de grandes réussites dans l'économie ( réussite pour le moment, je ne sais pas si ça tiendra sur le long terme).
Pourtant, sa cote de popularité dans son pays est le plus bas de tous les présidents en début de mandat, depuis qu'on fait des sondages ( actuellement 41%, Bill Clinton avait cette cote au moment de l'affaire Lewinsky).
Il y a donc quelque chose qui ne passe pas.
Serait-ce sa propension au mensonge et aux demi-vérités ?
Un exemple : Il est capable de déclarer sur Twitter qu'il n'y a pas eu presque 3000 morts à Puerto Rico après le passage de l'ouragan de l'année dernière, alors que les services de l’État ont sorti les chiffres. C'est vraiment troublant. Il veut y voir une manipulation des Démocrates, alors qu'il s'agit de son gouvernement à lui.
“3000 people did not die in the two hurricanes that hit Puerto Rico. When I left the Island, AFTER the storm had hit, they had anywhere from 6 to 18 deaths,” the president tweeted. ”As time went by it did not go up by much. Then, a long time later, they started to report really large numbers, like 3000...”
“.....This was done by the Democrats in order to make me look as bad as possible when I was successfully raising Billions of Dollars to help rebuild Puerto Rico,” the president continued. “If a person died for any reason, like old age, just add them onto the list. Bad politics.”
https://www.independent.co.uk/news/world/americas/trump-tweet-puerto-rico-hurricane-maria-death-toll-irma-twitter-a8536086.html
J'ai souvent pensé que c'est plus inquiétant s'il ne fait pas exprès de ne pas accepter des réalités attestées.
Lundi soir, il y a eu un documentaire sur arte intitulé " Comment Trump a manipulé l'Amérique".
Le titre est un peu trompeur parce qu'il s'agit surtout d'une explication approfondie du fonctionnement de "Cambridge Analytica" et du rôle décisif qu'ont joué un certain Monsieur Mercer, Breitbart et Steve Bannon dans la campagne de Donald Trump.
A mon avis, il faut regarder cette émission pour se faire une idée de la façon dont Facebook ( mais certainement d'autres instances d'internet également) a utilisé et continue à utiliser les données de ses utilisateurs. La campagne de Trump est juste un exemple.
Bannon se veut une sorte d'anarchiste anti-État et un défenseur de la liberté d'expression, mais en réalité, il est un Big Brother décomplexé. C'est clair que si l’État n'encadre rien, et surtout pas internet, des gens comme lui auront les coudées franches pour manipuler des gens ignorants.
J'envisage bien sûr la possibilité que le documentaire en question puisse également être une manipulation. Mais il faut s'attacher aux déclarations directes des personnes mises en cause, examiner ce que les Américains appellent leur "agenda". Quel est le but avoué de ces personnes et quelles peuvent être leurs actions dans l'ombre ?
http://playtv.fr/replay/1067128/comment-trump-a-manipule-l%27amerique/
On ne pourra pas dire, après coup, qu'on ne savait pas. Cette émission a le mérite de rassembler les éléments disparates qui ont été révélés petit à petit, depuis l'élection de novembre 2016.
Vraiment un excellent commentaire, Calendula. Mais avant "Cambridge Analytica", qu'est-ce que la presse mainstream (id est "pro-démocrate, = pro socialiste) faisait d'autre (en moins bien mais plus en profondeur) et continue de faire, d'ailleurs ?
Il faut moins de 2´ après l’apparition du titre de ce documentaire, pour évaluer son angle d’objectivite. Pompeusement introduit par Frédéric Mitterand... avec un titre livrant son dessein, on tend le micro à Mme Gwenda Blair, qui psalmodie ses ouvrages et interventions à charge : Trump lui a assuré une retraite inespérée, et son fond de commerce de contrefaçons fait florès.
Quel intérêt ensuite de feuilleter l’album dénaturé d’un personnage, hors de portée de toutes ces petits faux témoins ?
On retiendra que les images, que l’on peut imaginer soigneusement sélectionnées, livrent cependant le message subliminal de ne pas croire un mot de la plupart des intervenants.
On voit ainsi se former une silhouette d’Un homme singulier, qui semble avoir conservé toute sa tête, malgré son immersion dans le monde de l’argent !
On comprend que son bureau et ses chantiers sont ses maîtres.
On comprend que ce sont ses réalisations qui comptent, et non pas l’accumulation compulsive de l’argent, qui n’est qu’un levier pour construire toujours plus grand.
On comprend que l’establishment ne lui a pas fait de cadeaux, et que la légende du père qui a offert un empire à son fils est une ineptie.
On comprend qu’il n’a que faire de ses opposants, et qu’il parle leur langue couramment. On comprend que Frédéric Mitterand vieillit mal, car il nous avait habitué à des portraits issus de ses recherches.
Il nous resta à le pardonner... de vouloir payer ses impôts.
Appendice : le « journaliste » Gilles Biassette co-auteur de ce documentaire aurai pu citer ses sources sur le choix de son titre neutre...
https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Lex-patron-FBI-tire-boulets-rouges-Donald-Trump-2018-04-16-1200932096
@ Géo,
Vous voulez dire que la presse mainstream nous manipule depuis toujours ?
Il n'y a pas que la presse mainstream pour manipuler ...
Je trouve compliqué de croire tout ce qui circule sur internet, juste parce que ce n'est pas mainstream.
En ce qui me concerne, je ne suis pas sur Facebook, mais je ne pense pas échapper à la manipulation pour autant.
J'essaye de varier les sources et ne pas croire les infos d'emblée et d'attendre de voir l'évolution du dossier.
Comment faites- vous pour y voir clair ?
La preuve de ce que j'avance : écoutez le C dans l'air maintenant, sur Bolsonaro. En particulier les commentaires de Snégaroff...
Qui va t on trouver, après le départ de trump, comme nouvelle tête de turc/trump?????? Je me souviens de bush qui n'était pas plus brillent et intelligent que trump, mais tout le monde l'a oublié! Quand à l'élégance d'obama, elle n'a pas donné à mangé aux pauvres de l'Amérique profonde! Parce qu'obama est aussi un serviteur de goldman sachs!!!!