Sacrée fille, la Garonne. Un tempérament de garçonne quand elle dévale les pentes des Pyrénées. Elle est connue pour ses excès. Et cela ne date pas d’hier. Son nom signifie soit La rivière caillouteuse, soit pour les Celtes La rivière de l’Eau (en tant que divinité). La mère des rivières est aussi l’une des plus dangereuse.
Par la topographie de la région pyrénéenne et par l’aérologie spécifique qu’on y rencontre (conflits de masses d’air, convections, mousson provençale, etc) la Garonne est le fleuve le plus arrosé de France. Selon Wikipedia:
« ... la Garonne est un fleuve abondant, puissamment alimenté par les fortes précipitations des hauts sommets des Pyrénées centrales, et d’une bonne partie du Massif central. La lame d'eau écoulée dans son bassin versant se monte à 384 millimètres annuellement, ce qui est nettement supérieur à la moyenne d’ensemble de la France tous bassins confondus (320 millimètres par an). »
C’est en débit d’eau moyen le troisième fleuve français. Ses fluctuations sont la conséquence directe de son haut cours, arrosé par les monts les plus élevés des Pyrénées. Il déboule directement sur Toulouse. Ô Toulouse! Selon le site de la communauté régionale de communes, la pluviosité moyenne sur les hauts de la Garonne est une des plus élevées du pays:
« La répartition des précipitations est conditionnée par l’altitude. Les précipitations moyennes annuelles à 1650 m (altitude médiane du bassin versant de la Pique) sont de 1600 mm.
La survenance d’évènements naturels est en étroite relation avec des évènements météorologiques excessifs par leur intensité, leur durée et leur répartition spatiale. Or le bassin de la Pique est soumis à la double influence océanique et méditerranéenne dont les excès se caractérisent par des précipitations. »
Ses colères ont laissé de tristes souvenirs. D’ailleurs, aujourd’hui encore on fête l’anniversaire de la grande crue de 1875. C’est dire à quel point cela fait partie de la conscience et du vécu des habitants.
Les crues dévastatrices marquent l’histoire de la région, plus qu’ailleurs en Europe. Aujourd’hui leurs effets sont aggravées par l’augmentation de la population, l’urbanisme inadapté et la réduction des zones inondables.
Et puis les crues, là-bas, c’est un rythme. Il y a les crues, et entre deux il y a la vie.
Selon le journaliste Guillaume Laurens:
« Entre Toulouse et la Garonne, c’est plutôt une longue histoire tumultueuse, jalonnée de crues dévastatrices. Du XIIIe au XIXe siècle, le fleuve est sorti de son lit à près de 50 reprises. Il y a 143 ans jour pour jour, le 23 juin 1875, une crue historique de la Garonne ravageait même toute sa vallée. Et Toulouse faisait l’objet d’une inondation d’une ampleur sans précédent, comme le rapportait Actu Toulouse en 2015, pour les 140 ans de la crue. »
Ces jours une grande crue gonfle la Garonne. Un courant d’ouest continu et très actif n’est arrêté par aucun anticyclone. Il déverse son eau précipitable en premier lieu sur la France. Le redoux fait également fondre les neiges tombées en abondance.
C’est la plus forte crue depuis 40 ans avec une hauteur de 4,05 mètres à Tartas dans les Landes. L’ancien record de 4,80 mètres n’a pas été battu. Il date de… janvier 1843.
Il semble que la répétition à quelques jours ou semaines de plusieurs crues fortes soit exceptionnelle, historique même. C’est possible, bien que j’aie vu ce genre de répétitions mentionné pour d’autres époques également. Mais c’est peut-être la première fois à Tartas, donc c’est localement historique. Et cela n’a rien d’extraordinaire. Il y aura toujours des épisodes historiques.
Comment croit-on que la Garonne a pu creuser autant sa vallée, dans cette haute montagne à la roche dure? Par des épisodes bien plus extrêmes qu’aujourd’hui, répétés dans le temps selon des cycles météorologiques.
Je lis aussi que la Garonne a atteint une hauteur de 10,20 mètres à Marmande. Mais la crue de référence, celle dont l’anniversaire est célébré, est la crue de 1875. À Marmande le fleuve avait atteint la cote de 11,31 mètres. Du jamais vu depuis.
Cette crue commence après plusieurs jours de pluies continues. Gonflée et rugissante, la Garonne traverse Toulouse à un train d’enfer, détruisant trois de quatre ponts de l’époque. Un quartier entier de la ville est rayé de la carte, avec plus de mille maisons détruites et des centaines de morts. Imagine-t-on à Genève le quartier de la Jonction rasé par une déferlante? Les images de Toulouse de l’époque témoignent du désastre sur ce site dont j’ai extrait l’image 3.
ll faut aussi mentionner la grande crue de 1930. Le Tarn, l’Aveyron et la Garonne se sont mises à déborder en mars. « Les inondations survenues du 1er au 4 mars 1930 dans le bassin du Tarn sont la pire catastrophe naturelle que la région a connue. Rien qu’en Tarn-et-Garonne, on dénombre 204 morts. »
À Rabastens le Tarn atteint la cote de 18 mètres. En quelques minutes la ville de Montauban est en partie détruite, celle de Moissac est comme mise à sac, rasée aussi sec.
« 120 morts, 644 blessés, 1 400 maisons rasées et 5 896 sans-abri en une nuit - soit 80 % de la population moissagaise de l’époque… (…).
C’est un véritable «tsunami», une vague de plus d’un mètre de haut déferle, peu après 23 heures, lorsque le pont Cacor cède devant l’incroyable amas d’arbres, de boues et de gravats charriés depuis Montauban.
Le débit du Tarn qui est de 200 m3/seconde en temps normal passe de 8 000 à 8 500 m3/s. L’énorme masse d’eau libérée détruit tout sur son passage… »
Voici également l’avis du géographe Maurice Pardé:
« L’averse de mars 1930 sur le Tarn avant Montauban, si l’on excepte de la comparaison les inimaginables déluges cévenoles, n’a donc d’égal en France que celle de juin 1875 avant Toulouse. Elle dépasse les précipitations pourtant impressionnantes qui assaillent le Rhône supérieur et la Durance. »
À Millau, où le plus beau viaduc d’Europe a été construit, on connaît bien les colères du Tarn et ses crues dramatiques depuis le XVe siècle. Le Tarn-et-Garonne est depuis toujours un département fortement sujet aux inondations (image 5).
Oui, 2021 est l’année d’une grande crue de la Garonne et de ses affluents. Mais il y eu pire par le passé.
Commentaires
Un grand cru c'est beaucoup mieux qu'une grande crue, tout comme un gars c'est mieux qu'une garce. Comme quoi le masculin l'emporte encore et ça va faire enrager les féminazis.
Merci homme libre de nous plonger dans cet univers avec autant de générosité,
Gérard, je vous trouve un peu cru !
Merci Marianne.
@ Marianne:
Il faut être indulgente avec Gérard. J'ai tendu la perche avec "une grande crue" pour "une grande année". Il y avait un clin d'oeil, pas forcément pour tacler les genres mais parce que j'aime les jeux de mots.,
Gérard l'a relevé et poussé plus loin!
:-)