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Ces métros remplis de noyés

On n’est pas obligé d’aimer tout d’une personne. Heureusement. Par exemple j’aime beaucoup le chanteur Jacques Brel, qui a écrit la très belle chanson Le plat pays. Mais je ne suis pas inconditionnel.

 

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La poésie permet des libertés parfois abusives. Ainsi dans sa chanson Voir un ami pleurer, il fait une sorte d’inventaire du monde comparé à une amitié. Pour lui rien n’est plus important que de voir un ami pleurer. 

Dans l’avant-dernier couplet il écrit:

« Bien sûr le temps qui va trop vite

Ces métros remplis de noyés

La vérité qui nous évite

Mais voir un ami pleurer »

Pourquoi les métros seraient-ils remplis de noyés? Parce que les voyageurs sont calmes, immobiles, silencieux, le regard un peu dans le vague? Ils rentrent du travail, fatigués, n’ont pas forcément envie de parler avec tout le monde, mais ne sont pas noyés. Ils rêvent, ou se reposent, ou attendent simplement leur station. 

Cette phrase, ce cliché des noyés, me dérange depuis mon enfance. L’image des noyés est facile et attristante de la part du grand Jacques. La poésie ne devrait pas produire de telles formules un peu vides.

Jaime toujours Jacques Brel mais je trie. Il faut savoir faire la part des choses.

 

 

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Autre chanson, d’Enrico Macias: Vous les femmes.

Il y a cette phrase dans le refrain:

« Vous les femmes vous les femmes

Vous pensez avec le coeur »

Oh là encore, le cliché… Bien sûr c’est gentil de dire cela, c’est bienveillant, mais c’est aussi bête et sexiste. Les femmes seraient de petits bouchons sentimentaux.

Eh bien non. Les femmes ne pensent pas qu’avec le coeur. On espère qu’elles savent aussi penser avec le corps si elles sont sportives, et avec la tête si elles doivent mettre en place un plan d’avenir sentimental ou professionnel.

 

Enfin une citation a retenu mon attention. Elle m’a motivé à terminer et publier ce billet qui attendait depuis longtemps. Elle figure sur le blog du photographe Nicolas Chauvet. Il commence toujours par une citation plus ou moins connue et l’illustre d’une de ses photos. Récemment il publiait sous le titre:

« La vraie Toi… »

Les questions d’identité font partie de mes thèmes. Mais peut-il exister une vraie et une fausse personne? On peut être faux si on dissimule, mais on ne peut pas être essentiellement faux. Nous sommes ce que nous sommes. Pas plus qu’il n’y a de mauvais corps chez les trans, il n’y a de faux soi. Ou alors il faut le démontrer. Cela fait partie de mythes dont nous devrions nous débarrasser. 

 

 

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La citation en question, que je juge sexiste, est celle d’un homme qui décrit une femme:

« La vraie Toi est aimante, joyeuse et libre. La vraie Toi est comme une fleur, tout comme le vent, tout comme l'océan, tout comme le soleil" - Don Miguel Ruiz »

L’auteur est un gourou style new age, fondateur d’une dynastie familiale de gourous. Il a écrit Les quatre accords toltèques. La photo de  Nicola Chauvet sur son blog, pas très jolie, n’a apparemment rien à voir avec cette citation, elle n’en illustre aucun aspect. J’ai posté un commentaire sur le blog de M. Chauvet, qui ne l’a pas publié – j’ignore pourquoi. Je le mets ici car il est en plein dans le thème.

Le voici:

« Parce qu'il peut exister une fausse Toi? C'est quoi une fausse Toi? Idée bizarre.

Dans cette phrase on constate que la vraie ELLE, c'est LUI qui la définit. 

Ah la la, pfff... Une femme n'est pas que cet ange qu'il décrit. Elle est multiple, comme un homme. Fort de cette certitude je pastiche monsieur Ruiz:

« La vraie Toi (je garde la majuscule iconique à Toi, ça ne mange pas de pain) est aimante, joyeuse et libre, et aussi méchante, sourde, égoïste, enfermée, le tout à la fois et successivement, tout comme Moi. La vraie Toi est comme une fleur, comme une épine, comme une pierre, comme une rivière de boue, tout comme le vent, l'ouragan, les pluies acides,, tout comme l'océan, les marécages, tout comme le soleil (d'hiver ou d'été? C'est pas pareil). »

Pourquoi un homme limiterait-il une femme à être seulement aimante, joyeuse et libre?

Vouloir écrire des gentillesses enfermantes, cela reste enfermant. Monsieur Ruiz, vous me referez votre copie. Votre adoration est étouffante et bassement dragueuse. C'est de la poésie vulgaire, ou de la vulgarité poétique. »

La poésie n’est pas forcément logique, mais on peut en débusquer les errements et incohérences qui véhiculent subrepticement des messages incongrus.

 

 

 

 

 

Catégories : Art et culture 16 commentaires

Commentaires

  • Combien d'hommes ont écrit de belles choses sur les femmes ? Des femmes aimées, des femmes rencontrées ou entrevues, comme dans la magnifique chanson de Brassens, "Les Passantes". Ils en ont fait des êtres idéalisés, voire sublimés. Mais ces fantasmes sont aussi une façon de transformer la réalité, de la tordre un peu pour la faire entrer dans son idéal de femme. En somme, une copie arrangée pour satisfaire son égo. Est-ce pour autant un acte sexiste inconscient ? Je dirais plutôt qu'il est romantique.
    Par contre, il est rare qu'une "autrice" s'épanche autant sur un homme en dévoilant ses sentiments et son admiration. Les femmes seraient-elles plus réservées ou moins naïves que nous ?

  • Bonsoir Henri,

    Romantique, oui, a priori, mais un romantisme porteur de biais. Enfin selon ma lecture. Votre question de fin m'intéresse. La différence des comportements est patente. Plus réservées, il me semble, par nécessité historique. Avant la contraception une femme pouvait être enceinte sans que l'homme ne veuille rester et assumer une paternité. Les femmes devaient savoir à qui elles avaient é faire pour éventuellement prendre le risque d'une grossesse.

    Je ne vois pas sinon de raison de cette réserve. je vais redévelopper cela dans un futur billet, j'y pense depuis un moment.

  • Quand j'ai lu "vous les femmes" j'ai pensé que c'était la chanson de Julio Iglesias, elle beaucoup plus ambigue. Derrière le compliment, il place des pics sur l'orgueil (ça vous flatte) , l'indifférence, l'incompréhension (des hommes) et la source des tourments. "...Avec des milliers de roses on vous entoure
    On vous aime et sans le dire on vous le prouve
    On se croit très forts on pense vous connaître
    On vous dit toujours, vous répondez peut-être
    Vous les femmes, vous mon drame
    Vous si douces, vous la source de nos larmes
    Pauvres diables, que nous sommes
    Vulnérables, misérables, nous les hommes
    Pauvres diables, pauvres diables ....
    Dès qu'un autre vous sourit on a tendance
    A jouer plus ou moins bien l'indifférence
    On fait tout pour se calmer puis on éclate
    On est fous de jalousie et ça vous flatte..."

  • Et pour Brel, oui, le plat pays est une oeuvre majeure. Pour être originaire du Nord (proche Belgique), je pense que Brel a mis beaucoup dans ce texte.

  • Iglesias est un stéréotype de crooner séducteur. Et super ambigu, oui. Il joue sur plusieurs tableaux. Ce qui m'étonne est qu'il plaise aux femmes...

    Oui, Le plat pays est un monument de la chanson. Une écriture précise et somptueuse, des images fortes, un environnement musical parfaitement adapté.

  • Le "Plat pays" in het Vlaams fait plus couleur locale: https://m.youtube.com/watch?v=F6vSjSUbSS0

  • Le flamand me fait penser à sa chanson Marieke:

    https://www.youtube.com/watch?v=cDXGb5VzSyQ

  • Le plat pays en flamand ça me va droit au coeur ! une partie de mes anciens étaient néerlandophone... Mon père lâche parfois une phrase en flamand mais pour la génération d'avant c'était la langue de tous les jours.

  • Bien que né à Genève je suis d'origine belge par ma famille. J'y suis allé en vacances chaque année dans mon enfance. J'aime ses paysages. Et la mer du Nord à Duinnpark.

  • Pour Iglésias, je n'aimais pas trop ce qu'il faisait jusqu'à son album "La carretera" dont plusieurs titres (agua dulce, agua sala et Derroche notamment) on été repris par des artistes d'Amérique latine. Un très bel album de variété.

  • et un lien vers une des chansons de Iglesias "agua dulce agua sala" https://www.youtube.com/watch?v=w0iSZ-xu9_s

  • "Pour lui rien n’est plus important que de voir un ami pleurer" ?

    Brel a vécu dans sa vie une aventure passionnelle avec la femme d'un de ses amis. Cet ami est venu le voir en pleurant, il voulait récupérer sa femme... (et alors ? et alors rien) (la cause a effet ? allez donc savoir)

    "Pourquoi les métros seraient-ils remplis de noyés? Parce que les voyageurs sont calmes, immobiles, silencieux, le regard un peu dans le vague?"

    remplis de noyés - se noyer dans la foule -les métros remplis de foule... (et alors ? et alors rien)

    "Eh bien non. Les femmes ne pensent pas qu’avec le coeur."

    les émotives, les cérébrales... (dans qu'elle proportion ? peu importe)

    Notre cher HL, cherche une explication carrée, mathématique et logique à l'art, la création, la fantaisie.. (pourquoi ? pourquoi pas)

  • :-)

    Bien vu bien dit. Mais j'ajoute.

    "... une explication carrée, mathématique et logique à l'art, la création, la fantaisie": parfois, parfois pas.

    Ici la question est que la forme poétique véhicule des croyances, et que cette forme poétique elle-même ne permet pas d'en faire la critique.

    Je souligne cela: les croyances mises en forme poétique.

    "... émotives, cérébrales": le problème est qu'il généralise. Il est plus séduisant de dire "vous les femmes vous pensez avec le coeur" que de dire: "vous les femmes, enfin celles d'entre vous plus émotives que cérébrales, etc...".
    :-D

    Pour les noyés, m'ouais, je ne suis pas convaincu par votre suggestion.
    :-D

    En fin pour son ami, si l'histoire est vraie (je n'ose pas aller vérifier sur le net) alors c'est franchement trop. Tromper son ami avec sa femme et faire une chanson pour lui, c'est énorme. Il n'a pas eu l'audace de se mettre en scène lui-même dans un couplet acide. En fait, vu sans artifice, et si c'est vrai, il trompe son ami et ensuite fait du fric sur son dos!!!

    Je trouve d'une indécence crasse.

    Mais comme je dis au début, il faut faire la part des choses. Il reste un créateur génial. Pour le reste, il est comme tout le monde.

  • Il eut une époque, dans certains milieux, l'idée que la passion s'imposait avant tous autres principes moraux. Donc pas de culpabilité à priori. Peut être que la désolation de l'ami était perçue comme un dommage collatéral
    Ca me rappelle un peu la passion d'Eric Clapton pour Pattie Boyd la femme de son pote Georges Harrison. Pourtant jamais de vraies brouille entre les deux amis ... Peut être que Clapton n'a pas vu son ami pleurer ? Là aussi , *slowhand" a fait un super tube de son histoire.
    Mais peut-on juger des personnes qui vivaient sur le fil du rasoir constamment. Les sentiment à fleurs de peau exprimés dans leurs pleines authenticités restaient peut être à autant leurs fond de commerces que leurs dernières boussoles ?
    D'autres ne sont pas sorti indemne, de cette période de remise en question des mœurs (voir le film les Tricheurs de Marcel Carné)

  • Aoki, vous touchez un nerf!

    Pendant longtemps je me suis abstenu de porter des jugements sur les gens et les comportements. Je me suis à nouveau autorisé à le faire il y a quelques temps. Pourquoi?

    D'une part cela ne me permettait plus d'évaluer comparativement les choses. Tout était égal. Cela ne me convenait plus. Tout n'est pas égal. Je peux trouver la Danse des canards rigolotte, mais incomparables sur le fond avec des textes et musiques de Ferré, Ferrat et autres.

    D'autre part c'est une manière de poser mes propres limites telles qu'elles sont devenues avec l'expérience. Je ne suis mieux que personne et ne veux pas donner de leçons, je veux seulement dire avec quoi je ne suis pas ou plus d'accord, et même que je considère comme une fausse route.

    Mais chacun fait ce qu'il veut, dans une époque où la limitation personnelle est mal vécue.

  • j'avais bien compris ...
    J' ai simplement perçu une pointe, un zeste de cette mode actuelle de juger des faits passés avec les critères d'aujourd'hui.
    Sur le fond rien à redire

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