Enneigement, températures : quelques chiffres intéressants.
Nous sommes si oublieux. Il suffit d’un hiver peu enneigé pour que se déclenche une série de constatations qui vont de: c’était mieux avant, à: c’est le réchauffement, ou mieux: le climat est déréglé.
Il est déréglé depuis longtemps, si l’on peut dire. Bien que le mot déréglé ne conviennent pas vraiment. Quelle est la règle (la norme)? Depuis quand? Est-elle immuable? Quelle est la marge de fluctuation par rapport à la règle?
La liste de questions peut être augmentée. Je préfère parler de variations climatiques. L’espèce humaine les a traversées même si elles étaient extrêmes.
Mais je reviens à l’hiver, peu neigeux jusqu’à présent, et il ne le sera guère davantage bien qu’avril puisse reblanchir les montagnes. Peu neigeux, oui et non. Il semble que la distribution de la neige ait varié mais que la surface enneigée globale reste constante ou augmente, comme le montre le graphique 1 du Snow Laboratory de l’Université d’État de Rutgers (clic pour agrandir).
Sur la même page on trouve d’autres graphiques: la couverture neigeuse de l’hémisphère nord est en baisse au printemps et en hausse à l’automne.
On parle depuis des années d’une situation de sécheresse longue en Californie, y compris en hiver. Or cet hiver 2023 a déjà battu tous les records d’enneigement (et de froid): plus de 15 mètres accumulés dans la Sierra Nevada (image 2, Carter Murphy), par exemple dans la station de Sierra-at-Tahoe à 300 km à l’est de San Francisco. Une neige riche en eau, idéale pour passer l’été prochain.
À noter qu’en hiver 2019/20 l’enneigement total était de 16 m 50. En 2016/17 il atteignait 15 m 80. Contrairement à l’image que renvoie la presse la Californie ne subit pas une sécheresse en permanence.
Côté neige encore, donc côté froid, les États-Unis connaissent des records. Lors de la vague de froid extrême de février, il a été constaté que la base de la stratosphère s’est abaissée à moins de 2 km alors qu’elle est normalement à 10 km. Je n’avais pas connaissance de ce phénomène, qui ramène du froid intense dans les basses couches.
Chine, Japon et Sibérie ont également connu des froids extrêmes. L’été australien est le plus froid depuis des années sur presque une moitié est du continent.
« Alors que nous sommes au beau milieu de l’été sur ce secteur, le temps se montre particulièrement frais (proche des records de froid de la période) et la neige est même tombée ces derniers jours sur les sommets des états de Victoria et de la Nouvelle-Galles-du-Sud. »
En Antarctique le record de froid de la station de Vostok a été battu en janvier. En même temps le Chili a connu une vague de chaleur record.
Ainsi va la météo: 2021 fut une année très humide par ici, plus que la moyenne, mais on ne se souvient que de la sécheresse de 2022.
Derniers chiffres: les relevés satellites de la basse troposphère – partie basse de l’atmosphère. Les variations y sont la norme. Il faut des décennies, voire des siècles, pour déceler une tendance robuste. Ces relevés par satellites sont gérés par l’Université d’Alabama (UAH). La tendance à la hausse me fait penser à un escalier. Les poussées chaudes visibles depuis 1980 sont concomitantes à de puissants El Niño.
Intéressant. Y a-t-il un lien entre El Niño et le réchauffement?
Commentaires
Bonjour
Quelle place faites vous aux conclusions du GIEC dans votre raisonnement, et notamment aux méta-analyses sur le forçage anthropique ?
Je vous joins la conclusion de la dernière méta-analyse de méta-analyses dans les revues à comité de lecture (COOK et al, 2016)
Cordialement
« Une compréhension précise du consensus scientifique et la capacité de reconnaître les tentatives visant à le saper sont importantes pour la connaissance du climat par le public. La perception publique du consensus scientifique s’est avérée être une croyance passerelle, affectant d’autres croyances et attitudes climatiques, y compris le soutien politique (Ding et al 2011 , McCright et al 2013 , van der Linden et al 2015 ). Cependant, de nombreux membres du public, en particulier aux États-Unis, croient toujours que les scientifiques ne sont pas d’accord sur l’AGW (Leiserowitz et al 2015 ), et de nombreux dirigeants politiques, encore une fois en particulier aux États-Unis, insistent sur le fait qu’il en est ainsi. Leiserowitz et al ( 2015 ) ont constaté que seulement 12 % du public américain estiment avec précision le consensus à 91 %-100 %. En outre, Plutzer et al 2016 ont constaté que seulement 30 % des enseignants de sciences au collège et 45 % des enseignants de sciences au lycée savaient que le consensus scientifique était supérieur à 80 %, 31 % des enseignants qui enseignent le changement climatique présentant des messages contradictoires qui mettent l’accent sur les deux. le consensus et la position minoritaire.
Il a été observé que la désinformation sur le changement climatique réduit les niveaux de connaissance du climat (McCright et al 2016 , Ranney et Clark 2016 ), et la fabrication du doute sur le consensus scientifique sur le changement climatique est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire l’acceptation du changement climatique et le soutien aux politiques d’atténuation (Oreskes 2010 , van der Linden et al 2016 ). Par conséquent, il ne faut pas s’étonner que l’argument le plus couramment utilisé dans les articles d’opinion à contre-courant sur le changement climatique est qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le réchauffement climatique d’origine humaine (Elsasser et Dunlap 2012 , Oreskes et Conway 2011 ) . La génération d’informations erronées sur le climat persiste, les arguments contre la science du climat augmentant en proportion des convictions politiques dans les publications d’organisations conservatrices (Boussalis et Coan 2016 ).
Par conséquent, il est important que les scientifiques communiquent au public le consensus écrasant des experts sur l’AGW (Maibach et al 2014 , Cook et Jacobs 2014 ). Il a été observé que l’explication du consensus de 97 % augmentait l’acceptation du changement climatique (Lewandowsky et al 2013 , Cook et Lewandowsky 2016 ) avec le plus grand changement parmi les conservateurs (Kotcher et al 2014 ). »
Il y a certainement un consensus important chez les scientifiques à propos d'un réchauffement dû à l'homme. D'autres facteurs peuvent intervenir, comme le montre Homme libre. Mais dans quelle proportion ?
Bonjour Henri,
La synthèse décennale du GIEC montre que ces autres facteurs sont insignifiants à l'échelle qui nous occupe. Nous sommes en train d'inverser 50 millions d'années de climat plus froid en l'espace de deux siècles seulement.
Nous entrons dans la période critique durant laquelle plusieurs éléments de basculement interagissent de telle sorte que le basculement d'un seuil augmente la probabilité de basculement d'un autre. C'est ce qui est en train de se passer avec la sécheresse hivernale actuelle en France, qui va intensifier cet été les feux de forêt et réduire la capacité de résilience des biotopes.
Le changement climatique va ainsi exacerber les vulnérabilités et provoquer de multiples stress indirects (dommages économiques, perte de terres arables, insécurité hydrique et alimentaire) qui se confondront en défaillances synchrones à l'échelle du système. C'est la voie du risque systémique.
Ne pas comprendre que cela est dû à l'activité humaine est aujourd'hui totalement incompréhensible au vu du niveau de consensus scientifique à ce sujet, et je m'étonne que le rédacteur de ce blog n'en sois pas mieux informé.
Bien à vous. Et courage pour les temps difficiles qui sont devant nous
Laurent:
Les conclusions que vous citez portent une charge sévère. Trop peut-être. Dès les premiers mots, "saper" fait tache. C'est une charge politique et non scientifique.
Dans la suite le texte ne fait que s'employer à dévaloriser quiconque doute. Je comprends que le consensus appelle une adhésion sans vérification. Le consensus est un argument très discutable. Il y a de nombreux scientifiques, et pas des idiots, qui doutent et argumentent.
J'y viendrai, à suivre donc.
Par ailleurs je trouve très malsaine l'attitude de dénigrement des scientifiques en désaccord. L'enjeu est trop grand pour abandonnera le politique à une poignée de scientifiques qui ont banni tout débat.
Donc ce texte est à mes yeux un pamphlet politique clivant convenu et non une incitation à la libre pensée et aux tentatives de comprendre par soi-même ce qui se passe. L'enjeu est tel que je ne peux laisser la décision de l'avenir au Giec.
Le mot est peut-être fort mais j'y vois un autoritarisme nouveau genre qui n'a même plus besoin de se justifier. Je crains, à tort ou à raison je ne suis pas encore fixé sur tout, que nous ne donnions les clés de notre maison à des gens qui vont décider pour nous. Cette intention est explicite dans certains milieux.
Je refuse le chantage à la disparition climatique de l'humanité. Je reviendrai également sur ces idées de basculement avant 2030. En l'état, je résiste à la pression émotionnelle folle qui domine le monde aujourd'hui.
Bonjour,
Merci pour votre réponse. Je ne pense pas qu'il y ait une attitude de dénigrement des scientifiques en désaccord, encore moins que le GIEC soit une poignée de scientifiques ayant banni tout débat. C'est en fait mal comprendre le fonctionnement de cette institution. Le GIEC ne produit aucune expertise scientifique, il agrège les études spécialisées dans les revues à comité de lecture au niveau mondial. Personne n'est empêché de publier dans ces revues, et il est faux de prétendre qu'il y aurait un dogmatisme, voire un totalitarisme dans le consensus scientifique sur le changement climatique. Ce consensus n’a jamais empêché les scientifiques en désaccord d’exprimer leur théorie, même si celles-ci sont rejetées par l’immense majorité de leurs collègues (elles représentent la frange des 5 à 10% restants, beaucoup moins au fur et à mesure que les spécialisations sont plus poussées). Rien n'empêche ces scientifiques s’ils le veulent, d'affirmer haut et fort qu'ils ont raison tout seuls. Le GIEC prend en compte tous les travaux, y compris les travaux sceptiques qui pourraient tenter de remettre en cause l’influence de l’homme sur le climat. Il n'y a aucun filtrage.
Autre précision : le GIEC ne produit pas de recommandations concrètes, mais des projections.
Bien à vous
Bonjour, Hommelibre! Merci pour votre article, toujours très bien documenté, comme de coutume! Permettez-moi de répondre à l'un de vos commentateurs, qui affirme que "nous sommes en train d'inverser 50 millions d'années de climat plus froid en l'espace de deux siècles seulement" (Laurent). Or, cette affirmation est fausse, car elle passe sous silence les réchauffements du passé, aussi importants que le nôtre! Citons pour mémoire l'Optimum climatique médiéval (des instruments agricoles découverts sous les glaces alpines actuelles), l'Optimum climatique romain (Hannibal traversant les Alpes avec ses éléphants) ou encore l'Optimum climatique de l'Holocène!
La courbe en forme de crosse de hockey de Mann ne dit pas autre chose, à savoir un long passé "froid", puis une soudaine hausse des températures depuis la fin du 19e siècle, sensée prouver le caractère exceptionnel et anthropique de notre réchauffement actuel! Le hic est que cette courbe n'est qu'une grossière manipulation, qui vise à cacher les réchauffements mentionnés ci-dessus!
Un des problèmes du discours climatiste est de maximiser les risques, ou de ne prendre que les fourchettes hautes ou de quitter la science pour la foi.
Je viens de publier sur la "Terre étuve", qui est un concept parfaitement exagéré:
http://leshommeslibres.blogspirit.com/archive/2023/04/01/saga-du-co2-17-la-terre-ne-sera-pas-une-etuve-3340200.html
Les études et modèles ne sont pas paroles d'évangile. Voici un exemple d'une information alarmiste sur la pollution aux particules fines, mais dont la méthodologie annule tout crédit Une analyse précise et bien faite:
https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/pollution-de-lair-38-000-morts-par-an/
Bien à vous.
Il n'y a pas de "grossières manipulations" mais un déni du forçage anthropique, lié à des raisons probablement inavouables…
Les optimums climatiques depuis le début l'Holocène jusqu'à aujourd'hui, ne dépassent que de seulement 1°C la température moyenne (15°C) à la surface de l'hémisphère nord au cours des 11 000 dernières années, alors que cette moyenne augmente de plus de 2°C en deux siècles seulement et va en s'accélérant.
Les périodes froides (petits âges glaciaires) de l'Holocène voient sa température moyenne baisser de 2°C.
"Nous assistons à une rupture de l'évolution du climat à l'échelle planétaire"
"Le climat est désormais plus chaud que pendant les épisodes les plus doux des périodes médiévale ou romaines."
Citations de Valérie Masson-Delmotte, physicienne, directrice de recherche au CEA de Sarclay. Elle copréside le groupe de travail n° 1 du GIEC de 2015 à 2023.
Je viens de lire le contenu de vos liens, merci de les avoir transmis.
Évidemment que la science comporte des erreurs, c'est justement son mode de fonctionnement optimal que de chercher à les corriger par de la co-construction évaluative. L'article sur la pollution ne dit rien d'autre que : "il faut poursuivre les recherches", et "les modalités d'évaluation comportent peut être des biais"
Je vous renvoie à la notion de falsifiabilitė chez Popper, ou à la théorie de Kuhn: l’adoption d’un paradigme par la communauté scientifique dure tant qu’il n’y a pas d’obstacle (anomalie) externe qui le contredise. Lorsque cette anomalie se manifeste, une crise s’établit parmi les scientifiques, et perdure jusqu’à la résolution du problème et l'adoption d’un nouveau paradigme. S'ensuit alors un retour à la science normale, et ainsi de suite. Dans le cas du réchauffement climatique, cet obstacle n'a pas à être franchi pour faire entrer la science du climat dans un nouveau paradigme (par exemple celui d'une absence de forçage anthropique, ou de forçage anthropique limité) pour la simple et bonne raison qu'il représente moins de 10% du consensus total (pour être clair et pour anticiper les remarques, ces 10% ne sont pas une sorte d'iceberg invisibilisé mais sont au contraire parfaitement connus et documentés). Il n'y a pas de crise paradigmatique dans la science du climat.
Je veux bien qu'on pense que les experts du GIEC sont des guignols manipulateurs et cyniques, ou que le climat est en lui-même trop complexe pour être modélisable, encore faudrait il le prouver, ce que ne parviennent justement pas à faire les approches sceptiques évaluées. Le site des climato-realistes par exemple vers lequel renvoie le site European Scientist est composé de chercheurs qui n'ont pas réussi à passer la barrière des comités de lecture, la faute à des modèles théoriques trop fragiles soutenus par des données biaisées.
Personne ne se désigne expert tout seul. Et heureusement. Votre site est une célébration de la démarche rationnelle, c'est évident. Mais beaucoup d'autres n'ont pas votre approche nuancée et ne sont pas animés par une croyance sincère dans une science qui serait dans l'erreur.
Il y a une forme de jubilation malsaine aujourd'hui à s'affirmer comme le pourfendeur de la science du climat, qui serait forcément vérolée par des manipulateurs. C'est un déplacement de la théorie du complot. Mais quel serait le but des scientifiques ? Quel intérêt auraient ils à faire cela ? J'avoue ma totale perplexité devant cette attitude.