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Météo d’octobre 2023 : mais d’où viennent ces chaleurs ?

Météo d’octobre 2023 : mais d’où viennent ces chaleurs ?

Entendez-vous ces clameurs: « Ce n’est pas normal, il fait trop chaud en octobre! Le temps est détraqué! » Ce n’est pas qu’en 2023, on l’entendait déjà bien avant quand j’étais gamin. (Cette note est inhabituellement longue, la couper en épisodes ne me semblait pas propice).

 

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Octobre 2023 en sa première moitié est donc annoncé comme le plus chaud jamais enregistré depuis environ 150 ans.

Cet épisode météorologique (et non climatique) est en effet remarquable jusqu’à présent. Depuis septembre l’Europe de l’ouest reçoit une longue série de remontées d’air chaud du sud. Un anticyclone d’automne stationnaire sur l’Europe et une dépression immobilisée sur l’Atlantique ont aspiré vers l’Espagne et la France, des masses d’air venues des tropiques et du Sahara.

Cette douceur particulière est d’ailleurs remarquable surtout dans ces deux pays. C’est l’autoroute habituelle de l’air chaud. Une vue large (image 1, moyenne T° d’octobre, clic pour agrandir) montre que la chaleur n’a pas envahi l’ensemble du continent mais sa frange ouest. L’Angleterre aussi a bénéficié de ces masses d’air chaud, ainsi que la Belgique est un peu l’Allemagne.

Une situation de blocage a pu donc perdurer pendant plus d’un mois. Ces situations ne sont pas nouvelles. Le blocage de l’anticyclone des Açores plus à l’est sur l’Europe est en cause:

« Depuis l’automne 2021, la récurrence des blocages anticycloniques sur l’ouest de l’Europe atteint des niveaux remarquables ! (…) … remarquable anomalie de hautes pressions sur tout l’ouest de l’Europe, particulièrement sur Îles Britanniques, nord de la France et la Mer du Nord. De telles anomalies (…) témoignent d’une position anormale de l’anticyclone, au détriment du flux océanique. »

 

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Cette tendance depuis deux ans correspond à la période de sécheresse que nous connaissons. Les pluies sont en effet détournées. La tendance est remarquable en ce qu’elle favorise un flux de sud d’air chaud continu sur l’Europe de l’Ouest à une période où le flux devrait être plutôt ouest ou nord-est, et en moyenne plus frais.

Mais quand on nous annonce un record il m’intéresse de chercher des événements du passé pour comparer. En l’occurrence la comparaison peut se faire avec l’année 1921, il y a cent ans. Cette année-là fut exceptionnellement chaude et sèche, et octobre connut trois semaines de températures dépassant les 30° en de nombreuses régions de France.

Le site météo-paris, créé par le météorologue et prévisionniste Guillaume Séchet, dont je salue le travail, propose une liste des archives ainsi que des records de relevés depuis plus d’un siècle. Autre ressource d’archives: le site prevision-meteo.ch.

« Octobre 1921 est le plus chaud et le plus sec depuis 1757 - une vague de chaleur exceptionnelle se produit du 1er au 20 octobre 1921 au cours de la première semaine, les températures dépassent partout les 30° - le 5 octobre 1921, on atteint même 36° dans les Basses Pyrénées. »

Il a fallu le passage d’un puissant ouragan à travers les Flandres pour enfin modifier l’aérologie de l’année:

« Novembre 1921 est au contraire le plus froid depuis la fin du 18eme siècle - après qu’un véritable ouragan ait balayé les Flandres et toute la Belgique dans la journée du 7 novembre 1921, de l’air glacial envahit tout le pays entre le 11 et le 14 novembre 1921… »

 

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Voyons plus précisément les températures records d’octobre. 2023 a pris quatre records sur la quinzaine, mais cinq autres datant de 1921 tiennent bien la rampe (image 2). Quand au plus ancien de 1880 (27°2 le 28 octobre) n’a pas été détrôné.

Rappelons-nous aussi que l’automne est plus doux que le printemps au même taux d’insolation (p.e. 21 mars/21 septembre) grâce à l’inertie de la chaleur emmagasinée dans les sols et les océans pendant l’été. L’été indien a lieu vers fin octobre, l’été de la Saint-Martin plus tard en novembre. Ce n’est pas un hasard.

Il semble que cette année l’inertie soit plus importante, et la chaleur post-estivale (ce n’est pas encore l’été indien) se prolonge plus tardivement.

D’où viennent ces chaleurs?

L’atmosphère s’échauffe avec le soleil et garde une partie de sa chaleur grâce aux gaz qu’elle contient: vapeur d’eau, CO2, etc.

Mais à cette saison les rayons du soleil touchent nos régions de manière trop inclinée pour provoquer une température proche de celle de l’été. Il y faut autre chose.

L’inertie, la chaleur emmagasinée dans les sols et les océans, joue un rôle. Cela ne suffit pas non plus. On le sait maintenant: la cause majeure est l’aspiration de masses d’air chaud venant du sud par les courants aériens, principalement par les dépressions atlantiques.

Une température élevée pendant plusieurs semaines en octobre ce n’est pas très habituel, sans être nouveau. La question est la suivante : pourquoi une telle durée des courants de sud-sud-ouest à une période où ils ne sont pas les plus attendus ?

 

réchauffement,chaleur,temperatures,sahara,courantsConvection

C’est pour moi une question majeure. Si les courants aériens étaient inversés, avec une dominante de nord-nord-est (ce qui a déjà été le cas), nous aurions plusieurs degrés de moins, comme au printemps dernier.

Si l’effet de serre joue un rôle, il ne conditionne pas l’entièreté du réchauffement, qui par ailleurs n’est pas homogène sur l’ensemble de la planète. L’obliquité des rayons solaires fait que moins de chaleur atteint les pôles que l’équateur.

Une hypothèse est récemment sortie à propos de l’impact des cellules de Hadley sur le réchauffement. Les cellules de Hadley sont une composante de la circulation aérienne planétaire. Elles débutent par la convection de l’air tropical. Une convection est de l’air chaud qui monte, comme lors d’un orage.

Ces cellules permettent de distribuer la chaleur tropicale vers les pôles. Sans cette circulation d’air la zone tempérée serait beaucoup plus froide. La vidéo 1 de 6’30 en fin de billet expose avec une grande clarté le mécanisme.

Les convections équatoriales d’air chaud et humide montent jusqu’à la stratosphère (12-15 km), se déplacent en perdant leur chaleur et leur humidité, puis redescendent, asséchées, vers les Tropiques à environ 30° de l’équateur.

Cette descente de l’air asséché le réchauffe, produit une haute pression sur le sol et forme les anticyclones semi-permanents comme celui des Açores. L’anti-cyclone est baladeur: il peut s’avancer vers l’Europe ou se retirer vers les Caraïbes. Mais il demeure dans la même région de l’hémisphère.

 

réchauffement,chaleur,temperatures,sahara,courantsDécalage

Le réchauffement de l’équateur produirait donc plus de vapeur, ce qui donnerait plus d’énergie à ce mécanisme et  renforcerait le courant de la cellule de Hadley. L’air asséché retomberait plus au nord et donc « pousserait » le climat méditerranéen et saharien plus sec vers l’Europe. Il pourrait se produire un déplacement des ceintures anticycloniques.

Nous serions alors moins sous l’influence des vents d’ouest plus humides, et moins sous l’influence des régions polaires, en particulier avec une diminution des vents de nord-nord-est. L'image 3 de Météo Paris montre ce que pourrait produire le long et lent processus de décalage de l’anticyclone des Açores à cause d’un gonflement des cellules de Hadley. Mais c’est une image fixe, alors que les pressions varient sans cesse. Une telle évolution géographique lente des zones chaudes est plus plausible que les catastrophes annoncées (cette hypothèse vaut bien l’autre), si elle se déroule, et est réversible.

L’hypothèse du gonflement des cellules de Hadley n’apporte cependant pas de réponse claire et sûre:

« Le rapport du GIEC, sorti en août 2021 précise que, depuis 1980, il semblerait effectivement, mais sans certitude, que la circulation de la cellule de Hadley se soit élargie, en particulier vers l’hémisphère Nord. Selon l’expert Climat Météorologie Modélisation pour Météo France, il est difficile de tirer des conclusions sur les derniers mois et sur les dernières années : « Pour les années 2015 à 2019, on ne voit pas vraiment de décalage flagrant des anticyclones subtropicaux par rapport à leurs positions climatologiques. »

Un tel décalage ne serait d’ailleurs pas forcément anormal ou extraordinaire mais pourrait être causé par un cycle comme les oscillations (atlantique et pacifique). On découvre des phénomènes météo, on les connaît mal et on les attribue un peu vite au réchauffement anthropique.

 

réchauffement,chaleur,temperatures,sahara,courantsCourants aériens

Au fait, l’équateur est-il plus chaud? Les relevés de quelques grandes villes d’Afrique équatoriale ne montrent pas de tendance uniforme et robuste au réchauffement (exemple image 4, Niamey). Dans certaines villes le nombre de jours très chauds a augmenté, dans d’autres il a diminué.

Les archives ne remontent souvent qu’à une vingtaine d’années, et parfois plus. J’ai trouvé en majorité des températures stables ou en légère baisse dans les villes de l’équateur africain. Difficile de confirmer qu’il y fait plus chaud et que cela augmente la convection et le volume des cellules de Hadley.

Les relevés semblent plutôt infirmer la théorie: il ne fait pas plus chaud à l’équateur, du moins pas de manière générale et si intense que la convection provoquée repousserait les masses d’air plus loin sur les régions tropicales (gonflement des cellules de Hadley), et par effet de domino l’air chaud tropical et saharien viendrait plus près de l’Europe.

Cette hypothèse offre un intérêt certain par la tentative d’explication du déplacement des zones chaudes. Mais il y manque un facteur dynamique: les courants aériens qui déplacent ces masses d’air. Sans cela elles resteraient stationnaires.

Pourquoi ces courants ont-ils changé? En Europe il y a eu des décennies de vent dominant de sud-sud-ouest, alors qu’avant cela il dominait légèrement de nord-nord-est, ce qui peut faire une différence de plusieurs degrés de moyenne.

 

réchauffement,chaleur,temperatures,sahara,courantsAlternance

Toutefois:

« Concernant les projections futures, la modification de la circulation atmosphérique, et donc du positionnement des anticyclones, est toutefois très probable : « les modèles de climat s’accordent tous sur le fait que les cellules de Hadley auront une extension méridienne plus grande dans le futur, en lien avec des anticyclones qui se décalent vers les pôles, tout comme le rail des dépressions », selon Météo France. »

À vérifier. Les conséquences éventuelles seraient: moins de blocages en hiver grâce à un courant jet plus rapide parce que resserré, et plus de blocages anticycloniques en été sans que l’on puisse expliquer la raison. C’est ce que dit Météo France cité sur le lien plus haut on pourrait voir:

  • en hiver, une diminution des épisodes de blocages, en lien avec un jet stream plus resserré et plus intense sur l'Europe de l'Ouest ;
  • en été, une augmentation des blocages anticycloniques, pour des raisons moins évidentes.

Néanmoins l’hypothèse de l’étalement des cellules de Hadley a l’avantage d’expliquer les récents étés chauds en Europe, enfin surtout en Espagne et France. C’est une piste à creuser et je la retiens comme cohérente, simple et plausible, mais encore incomplète. Et puis les précipitations hivernales pourraient augmenter, ce qui est excellent pour atténuer la sécheresse des périodes estivales.

La grande sécheresse au Sahel au XXe siècle est-elle une conséquence d’un gonflement des cellules de Hadley? Le recul manque pour le savoir, d’autant que la région d’Afrique concernée a connu de régulières alternances humides/sèches depuis des millénaires:

« Au cours des trois derniers millénaires, les variations climatiques ont présenté de fortes amplitudes, l’alternance entre phases humides et phases sèches restant la règle. »

 

réchauffement,chaleur,temperatures,sahara,courantsVariation naturelle

L’image 5 (source) montre en synthèse les grands courants aériens. L’Europe, en façade atlantique surtout, reçoit des vents plutôt doux et humides d’ouest. Or ces vents ont changé. Ils sont orientés plus au sud, de manière récurrente.

Une autre théorie explique les canicules par le phénomène de blocage des pressions comme dans le cas du double jet stream. Ce double courant jet serait dû au réchauffement par manque de différentiel entre le froid polaire et le chaud tropical.

« Pour résumer, cette étude nous indique que la baisse de la vitesse du jet-stream et l’augmentation des phénomènes de double jet-stream vont surexposer l’Europe de l'Ouest - dont la France - aux épisodes de fortes chaleurs et de sécheresse au cours des décennies à venir. »

Pourtant rien ne permet d’affirmer que ces doubles courants jets n’existaient pas avant qu’on ne les identifie.

Les variations et oscillations sont la norme, le courant ne peut pas être rectiligne comme certains graphiques le suggèrent.  Cette théorie du blocage est contredite:

« … le courant océanique moins fréquent depuis 2 ans explique en partie les régimes de temps durables auxquels nous sommes confrontés, ayant parfois été à l’origine d’importantes périodes de sécheresse. Rien n’indique cependant que cette tendance sera durable. Il s’agit plutôt d’un cycle de variation naturelle du climat. »

Il y a aussi la part du soleil. Le taux d’ensoleillement a augmenté sensiblement ces dernières années, comme à Genève (jusqu’à + 25 %). Avec cela, moins de pluies et moins de nuages: pas d’ombre et de rafraîchissement.

 

réchauffement,chaleur,temperatures,sahara,courantsSoleil soleil

Quand un nuage passe devant le soleil, ou la lune lors d’une éclipse, nous sentons immédiatement la fraîcheur, signe de l’importance du rayonnement direct dans la température terrestre. Actuellement, avec moins de nuages, les matières solides (pierre, terre, certains végétaux) concentrent et emmagasinent davantage de chaleur qu’elle renvoient ensuite dans l’air.

Les images 7 et 8 (moitié supérieure) montrent l’évolution de l’ensoleillement en Suisse et en France.

Autre effet des nuages: certains d’entre eux freinent le réchauffement en renvoyant le rayonnement solaire vers l’espace. L’albédo des nuages compte dans les variations de température. Donc moins de nuages et plus d’ensoleillement = plus de chaleur directe et moins d’albédo, et réchauffement.

L’Université de Liège a publié un document sur l’augmentation de l’ensoleillement en Belgique depuis 1960, mais aussi sur la baisse concomitante de la couverture nuageuse (image 8 moitié inférieure). Comment les températures n’augmenteraient-elles pas avec ce surplus de soleil?

Mais il y a un problème. Selon la théorie carbocentrée, plus de chaleur = plus d’humidité, et plus d’humidité = plus de nuages et de pluies. Ce n’est pas ce qu’il se passe. Je me permets d’en déduire, à tort ou à raison, que quelque chose de plus fort que le CO2 pilote le réchauffement.

Enfin tout dernier point: les brouillards d’automne sont de plus en plus rares, voire inexistants. J’y vois deux signes. D’une part cela confirme que les sols sont de moins en moins humides depuis au moins deux décennies. D’autre part cela favorise l’échauffement desdits sols qui ne sont pas protégés du soleil par brouillards et stratus.

Dans le passé il pouvait faire - 5° en plaine sous le stratus et + 5° à 1200 mètres au soleil, au-dessus de la grisaille. J’ai une image de mon adolescence en mémoire, une image précise qui est restée gravée tant j’étais impressionné. Après des semaines de stratus sous un anticyclone stationnaire imperturbable, j'ai regardé le ciel gris et me suis dit: et si le soleil ne revenait pas?

Il faut encore explorer et creuser les données pour tenter de comprendre le pourquoi des courants aériens dominants depuis quelques décennies.

Quant au froid il est de retour cette fin de semaine, selon l’image 9 et ci-dessous. Exit T-shirts et micro-shorts. À la faveur de l’automne, on se rhabille.

 

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Circulation atmosphérique:

 

 

Oscillation multidécenale atlantique (en anglais):

 

 

 

Catégories : Environnement-Climat 2 commentaires

Commentaires

  • J'admire les efforts d'H.L. pour décortiquer les multiples influences des facteurs météorologiques. La complexité de ces phénomènes devrait rendre un peu plus modestes les commentateurs climatiques qui pérorent sur les plateaux télé. Quand une période de chaleur perdure, on accuse le réchauffement climatique, mais il suffira de quelques semaines de froid pour calmer les frayeurs. Il est vrai qu'il est plus facile d'utiliser une sécheresse qui dure pour justifier la menace climatique, que de se plonger dans une étude approfondie du loto météorologique.

  • Merci Henri.
    Je peux évidemment faire fausse route, je n'exclus rien. Mais j'ai besoin de réponses à mes questionnements.. Alors je creuse, à la mesure de mes moyens.

    Bonne soirée.

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