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Le baiser impromptu de Luis Rubiales

Le baiser impromptu de Luis Rubiales.

Retour sur l’une des polémiques estivales. Ce baiser impromptu a fait couler beaucoup de salive, surtout en pleine cérémonie finale du mondial femmes. Les télévisions du monde entier se sont régalées, alors que l’équipe féminine espagnole de foot fêtait sa victoire en coupe du monde.

 

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Le monde entier ou presque l’a donc vu. Il a fait sourire, puis rire, puis il a fâché, avant de devenir publiquement une agression sexuelle.

Les faits? Sur le podium de remise du trophée et des félicitations, Luis Rubiales, président de l’équipe féminine, a pris dans ses mains le visage du capitaine et joueuse vedette espagnole Jennifer Hermoso et a déposé un bisou spontané sur ses lèvres (sans la langue).

Choquant? Forcément. Même s’ils avaient été en couple, un tel geste privatif détourne de l’objectif: saluer et féliciter une équipe toute entière. J’ai appris avec le temps que la spontanéité ne justifie pas tout. Le geste est déplacé (ce qui suppose une norme collective sur la place des choses et des comportements, norme que par expérience j’ai apprise, comprise, et que je pense justifiée).

De plus le baiser est forcé. Jennifer Hermoso n’a pas elle-même tendu ses lèvres, semble-t-il.

Pourtant quelque chose me dérange dans la version d’une agression sexuelle. En examinant quelques photos je constate que le président a également une attitude affectueuse et presque intime avec une autre joueuse (image 2, clic pour agrandir), à qui il donne un baiser sur la joue.

Je constate également que madame Hermoso a, elle aussi, des gestes tendres avec Luis Rubiales (images 1 et 3). Serait-ce quelque chose de courant dans l’équipe? Vivrait-elle dans une certaine permissivité?

Autre chose me dérange: les propos de Jennifer Hermoso elle-même, repris ici par Sud-Ouest:

 

hermoso,rubiales,baiser,agression,victimeKiss! Kiss!

« Je me suis senti vulnérable et victime d’une agression, d’un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de ma part. Je veux être très claire: je n’ai à aucun moment consenti à ce baiser que Luis Rubiales m’a donné et je n’ai en aucun cas cherché à m’approcher du président. »

Soit, j’entends. Mais ses gestes avec lui ne sont pas aussi catégoriques. Ils montrent une proximité, voire une tendresse. Bon, on peut prendre dans les bras sans être obligés de s’embrasser sur les lèvres.

À peu près en même temps ou peu après un communiqué au ton conciliant a été transmis à la presse:

« … elle a expliqué qu’il s’agissait d’« un geste mutuel totalement spontané en raison de l’immense joie que procure la victoire d’une Coupe du monde ». « Le président et moi, nous avons une excellente relation, son comportement avec nous toutes a été parfait et c’était un geste naturel d’affection et de gratitude », a-t-elle ajouté. »

Une vidéo la montre après la cérémonie (voir en fin de note), souriante, pas spécialement choquée. Elle rit avec ses coéquipières, qui scandent « Kiss! Kiss! » comme si c’était un jeu.

À ce moment elle est triomphante, puissante, glorieuse. Et soudain elle devient une victime. Ce faisant elle-même casse sa joie de la victoire. On ne peut pas juger de la manière dont une personne ressent quelque chose et l’exprime, mais je ne comprends pas.

Il faut dire que l’habit de victime ne sied pas à cette combattante du foot, forte, admirée.

 

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Que s’est-il passé pour que ce « geste naturel d’affection et de gratitude », comme elle dit, devienne une agression sexuelle, presque un viol? De gagnante elle est passée à victime. Jennifer a-t-elle été retournée par quelqu’un? Je me pose la question: l’a-t-on convaincue de développer un discours aussi politisé que celui qu’elle a diffusé ultérieurement sur X (Twitter)?

Luis Rubiales est plutôt connu pour son exubérance, si j’ai bien lu la presse. Je peux comprendre sa joie, qu’il exprime comme le personnage tactile qu’il est, mais la manière de l’exprimer avec Jennifer Hermoso et le moment sont inadéquats. Que Madonna embrasse sur la bouche une spectatrice qu’elle a fait monter sur scène ne choque personne. C’est un divertissement qui joue explicitement sur des codes sexuels. Pas le foot.

Au risque de me faire houspiller, et sans pour autant donner raison au président, je dirais pourtant qu’il s’agit dans ce contexte d’un geste spontané de gratitude et non, comme je l’ai entendu dans la bouche mauvaise de certaines féministes, d’une agression sexuelle.

Par exemple Megane Rapinoe, la joueuse américaine:

« Une autre image témoigne d’un niveau de misogynie et de sexisme si profond au sein de cette Fédération et de cet homme (Luis Rubiales) qui, au coup de sifflet final, se saisit l’entrejambe. Dans quel monde vivons-nous ? Sur la plus grande scène, là où vous devriez célébrer, Jenni (Hermoso) doit être physiquement agressée par ce type. »

Le baiser de la victoire est-il un réflexe? Quelle est sa légitimité? J’ai l’impression qu’en condamnant Rubiales un peu vite on passe à côté d’un débat plus profond sur la manière dont des humains expriment leur contentement. Rappelons-nous la photo de 1945 prise par Alfred Eisenstaedt (image 4). Le marin et la jeune femme ne se connaissent pas. Elle se livrera plus tard, en 2012:

 

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« Je n’ai pas choisi d’être embrassée, a-t-elle souligné. Le type est arrivé et il m’a serrée comme un étau.” Elle a ajouté que, si elle n’avait pas souhaité cette étreinte, elle l’avait tolérée, venant d’un soldat qui fêtait la nouvelle de la fin de la guerre. »

Il existe la même en France, prise le 8 mai 1945 également, par Roger Schall. Je n’ai pas plus de détails. Par contre l’image 6 montre le joueur espagnol Iker Casillas interviewé par sa petite amie journaliste. À un moment il l’embrasse. Même s’ils sont ensemble on voit qu’elle est gênée par cet élan spontané en direct. Ce n’est pas une situation identique que pour M. Rubiales (sauf pour la victoire) mais cela donne aussi à réfléchir. Ce qui parait simple et naturel pour une catégorie d’hommes ne l’est pas pour une catégorie de femmes.

J’en déduis que ce comportement spontané, même amical, n’est pas vraiment apprécié par toutes les femmes. D’ailleurs je ne suis pas sûr qu’à l’inverse les hommes l’apprécieraient.

Luis Rubiales n’a pas pris la mesure de ce qu’il allait déclencher. Si pour lui cet élan était bienveillant, en public il aurait quand-même dû retenir sa spontanéité. Le feu de la victoire, l’euphorie de l’équipe, ne justifient pas tout. Pas cela, quelle que soit le degré de familiarité dans les vestiaires, mais pas là, pas à ce moment.

Il est difficile d’avoir une vision juste, elle ne se construit que sur quelques coupures venus des médias. Mais je suis troublé par les éléments exposés plus haut. Entre les premières réactions plutôt amusées et la victimisation extrême, il y a un saut, un grand écart dont je ne vois pas le fil.

 

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J’ajoute que la Fédération espagnole de football avait accusé Jennifer Hermoso de mensonges. Luis Rubiales avait sa propre version, que l’on trouve ici. Il affirme avoir demandé son accord à Jennifer Hermoso, qui aurait dit oui. Parole contre parole, à moins que la vidéo ne fournisse des précisions (lecture sur les lèvres?). Néanmoins je pense que son geste est une manière pour le moins désagréable et culottée de s’approprier un peu de la lumière reçue par les championnes.

Enfin Janice Flamengo, ancienne professeure à l’Université d’Ottawa et analyste du féminisme universitaire, a publié un texte critique envers la joueuse. On peut le trouver ici en anglais. Quelques extraits traduits pas google:

« … elle a transformé un bec à bouche fermée sur les lèvres en une occasion pour la politique de la victime du genre le plus trivial et égoïste, avec la peine pour Rubiales bien hors de proportion avec la gravité de son infraction (si elle était même offensante). »

« Loin d’une décision difficile, son choix de jouer la victime semble avoir été presque-irrésistible— comme il est pour tant de femmes—avec ses multiples avantages émotionnels et matériels. En plus de la ruée vers la pureté morale et l’auto-glorification, l’accusation d’Hermoso pourrait bien apporter des endossements, des discours lucratifs, un possible contrat de livre, et le statut d’étoile à long terme indépendamment de ce qui se passe dans sa carrière de football. »

L’écho médiatique a fait glisser l’affaire dans le culte de la victime.

 

 

 

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Catégories : Féminisme, société 2 commentaires

Commentaires

  • Merci pour ces très intéressantes réflexion, Hommelibre! J'apprécie les conclusions de Janice Flamengo. La victimisation, de nos jours, ne présente quasiment que des avantages. Bien à vous!

  • Quand Madonna roule une pelle à une femme sur le podium, on ne se demande pas si cet acte est partagé ou non par sa partenaire. C'est tellement fréquent de voir des lesbiennes s'embrasser à l'écran que, de toute évidence, on ne peut imaginer qu'il existe , entre deux femmes enlacées, une volonté dominatrice. Or, la photo le prouve, la jeune sportive passe son bras autour du cou du Président de l'équipe féminine. Et, même après le baiser volé, elle plaisante avec ses camarades. Manifestement, elle n'a pas été traumatisée par ce bouche-à-bouche inoffensif, surprise sans doute, mais certainement pas meurtrie au point de demander réparation à la justice. Mais c'est pourtant ce qui se passe. Car, derrière cet épisode totalement anodin, s'élève la voix du néo-féminisme qui ne tolère aucun dérapage quand il s'agit d'un homme, le mâle étant, par nature, un être infréquentable. Ce féminisme-là milite, de manière sournoise, pour la séparation des sexes. Et il fait malheureusement beaucoup d'émules dans les médias, ce fait-divers en est la preuve.

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