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La mer du Nord

Imaginez… une plage à perte de vue. A gauche la plage. A droite  la plage. Et si vous venez à marée basse, devant vous: des centaines de mètres de plage, parsemée de creux doux où les enfants pêchent les crevettes dans 15 centimètres d’eau tiédie par le soleil.

merNord2.jpgGamin j’y ai passé de nombreuses vacances d’été. D’abord, c’était Bruxelles pour une semaine ou deux. Une tante paternelle avait un appartement à la chaussée de Waterloo. Juillet était souvent frais et humide: le temps y venait du gris, de l’ouest, avec ses nuages bas et ses alternances de crachin et de vent. Parfois il y avait cette douceur qui vient du sud et du bleu et qui d’un coup dénudait les épaules des filles que, petit, je regardais déjà.

18 à 20 degrés étaient coutumiers en juillet. A l’époque l’oscillation nord-atlantique apportait plutôt de la fraîcheur sur l’Europe. Mais quelle importance: la piscine Victor-Boin dans l'arrondissement de Saint-Gilles n’était pas loin, rue de la Perche. J'y allais tous les jours avec mon frère. Mon père m’y a appris à nager, comme il savait m’apprendre les choses: aux échecs ou en natation, il m’expliquait, puis me soutenait les premières fois, puis me laissait me débrouiller.
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Après, c’était la mer du Nord, un petit village côtier, Oostduinkerke, entre Ostende et La Panne, dans le quartier de Duinpark. Le bord de mer est composé de couches parallèles: l’eau, la plage, la route, - ou des dunes hors des villages, des immeubles, une deuxième route avec le tram, puis encore des dunes avec des maisons éparpillée et quelques petites routes transversales. C’est dans ces dunes que j’ai connu à 11 ans, mon premier éveil sentimental.

Mais revenons à la mer, cette mer jamais chaude et pourtant pas vraiment froide: tonique, fouettante, tant par le vent que par les vagues. Cette mer le plus souvent grise, coiffée de l’argent d’écume, et parfois calme, où l’on pouvait s’avancer très loin: le sol descendait, puis remontait, et ainsi de suite sur au moins cinq cents mètres.

Il pleuvait rarement. Tout au plus faisait-il parfois plus gris que d’habitude. Autrement les couleurs variaient du bleu pâle au blanc incertain, au gris lumineux, et parfois au sombre et fascinant. Les jours trop frais et ventés, les chars à voile faisaient la course sur le sable encore humide et dur à marée basse. On aimait aussi louer un cuistax pour partir en voyage dans les dunes.

mernord3.jpgParfois venait le vent du nord. Même en été le vent du nord déchire le ciel. Les oiseaux volent de côté, abandonnés et sans but. Le sable crible le visage, et le froid, bien que supportable, fige les enfants à l’intérieur des maisons.

Mais toujours on revenait à la mer. C’était le point d’ancrage. L’attraction. Le spectacle jamais identique et toujours recommencé. L'esprit s’y trouvait bien. Gris ou bleus, peu importait, les jours n’étaient jamais assez long.

Il y avait aussi le débarcadère où des pêcheurs à la ligne restaient des heures à fixer les remous de l’eau. Et puis, dans le chenal, les bateaux de pêche, la grande pêche, celle dont on mangeait le poisson le soir, les bateaux revenaient en balançant de gauche et de droite.
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Parfois on voyait au loin un grand paquebot, ou le ferry qui reliait Ostende à l’Angleterre.

Voilà, c’était la mer du Nord.


Certain l’ont chantée, d’autres l’ont écrite.


Le plat pays (Brel. Extrait)

Avec la Mer du Nord, pour dernier terrain vague,
Et des vagues de dunes, pour arrêter les vagues,
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le coeur à marée basse,
Avec infiniment de brumes à venir,
Avec le vent de l'Est, écoutez-le tenir,
Le plat pays qui est le mien.


Au Nord
(Emile Verhaeren. Extrait)


Deux vieux marins des mers du Nord
S’en revenaient, un soir d’automne,
De la Sicile et de ses îles souveraines,
Avec un peuple de Sirènes,
A bord.

Joyeux d’orgueil, ils regagnaient leur fiord,
Parmi les brumes mensongères,
Joyeux d’orgueil, ils regagnaient le Nord
Sous un vent morne et monotone,
Un soir de tristesse et d’automne.
De la rive, les gens du port
Les regardaient, sans faire un signe :
Aux cordages le long des mâts,
Les Sirènes, couvertes d’or,
Tordaient, comme des vignes,
Les lignes
Sinueuses de leurs corps.
Et les gens se taisaient, ne sachant pas
Ce qui venait de l’océan, là-bas,
A travers brumes ;
Le navire voguait comme un panier d’argent
Rempli de chair, de fruits et d’or bougeant
Qui s’avançait, porté sur des ailes d’écume.

(Lire le poème entier ici)


Cliquer sur les images pour les agrandir.



Catégories : Poésie 11 commentaires

Commentaires

  • Hartstikke leuk !
    Pour moi, c'est la portion Hoek van Holland - Scheveningen - Zandvoort.
    Même topo.

  • Il n'y a pas mieux que "Mare Nostrum" je vous le dis.

  • Lucius, la Mare Nostrum a certes des charmes indéniables, mais la mer du Nord gagne à être connue elle aussi. C'est autre chose, un fort dépaysement.

  • Je ne connais guère cette côte-là, mais davantage l'île allemande de Sylt, avec des paysages semblables: dunes, longues plages de sable... et une mer à 17°! Quelque peu fraîche en juillet.

  • Oui mais, Inma, la lumière du Nord est incomparable de finesse, de légèreté, de sensibilité, de fluidité, de transparence, etc., etc. Comprenez alors pourquoi ce pauvre Vincent et devenu fou en Arles: il était sans cesse agressé par les couleurs.

  • Je tape Oostduinkerke, moi qui vis à Carouge, et ça me donne un blog sur TDG!!!
    Moi aussi j'adore cette mer du nord et surtout Oostduinkerke et les pêcheurs de crevettes à cheval.
    Que le monde est petit, et qu'il est grand aussi!

  • Hello Fabienne, trop sympa! Incroyable. En plus vous tombez sur un de mes billets préférés.

    Oui, j'avais oublié les pêcheurs de crevettes et leurs filets derrière les chevaux, ces chevaux qui s'enfoncent dans la mer jusqu'au ventre si mes souvenirs sont justes.

    Ça vaudrait la peine d'aller une fois boire un verre, ça vous dit?

  • Pas trop possible pour le moment mais je corresponds volontiers par e-mail...
    Pour paraphraser W.C.Fields, quelqu'un qui cite Brel et Verhaeren ne peut pas être complètement mauvais!

  • Fabienne, "quelqu'un qui cite Brel et Verhaeren ne peut pas être complètement mauvais!" Bigre... je ne sais pas comment prendre cela... Sourire ou sortir les griffes?

    Ah, comme j'aimerais être complètement quelque chose. Peut-être ne plus citer Brel et Verhaeren, histoire de voir plus clairement ce qui se pense...

  • Sourire. Toujours.
    Et on est forcément complètement quelque chose, ne fût-ce que soi-même et c'est déjà pas mal, car (je cite Camus, là) : "l'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est."!!!

    Moi quand quelqu'un cite un texte, un poème, une idée, que j'ai déjà rencontrés et adoptés, ça m'interpelle. Comme la chanson "Mon père disait" avec Bruges derrière!

    Quand je suis allée la dernière fois en septembre 2010, voir les chevaux de la mer, on était une poignée de gens de partout, venus là que pour ça , dans les embruns du matin. On ne se connaissait pas mais on était en communion!

  • Mes excuses pour cette réponse tardive, Fabienne. J'ai eu un gros week-end de travail.

    Sourire. Ok, cela me va. Comme je tiens parfois des positions polémiques et iconoclastes, je préférais vous demander.

    Et si en plus vous citez Camus, alors tout va bien.

    "Mon père disait", sur cette vidéo, oui, moi aussi c'est adopté. Cette chanson si forte... Je suis ému rien que d'y penser.

    Et savoir que vous êtes allée en septembre à la mer du nord rien que pour voir les chevaux... Vous m'envoyez une image de profonde méditation, je la reçois 5 sur 5. je la vois.

    Les chevaux de la mer, image en elle-même si poétique. Vous connaissez probablement "Comme à Ostende"? Autre souvenir ici:

    http://hommelibre.blog.tdg.ch/archive/2009/11/05/ensor-ou-la-critique-comme-une-tragedie.html

    Bonne soirée.

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