Les arbres, il faut prendre le temps de les regarder. Les regarder sans trop analyser d’abord. Commencer par n’importe quel bout, et faire le tour, comme cela vient: branches, tronc, écorce, feuilles, dans l’ordre qui s’impose naturellement. C’est un apprivoisement, une avancée dans son intimité.
Avez-vous remarqué que les arbres exposent leur intimité à tous les regards? Ils n’ont pas d’habits. On peut y voir des taches, des bourrelets, des creux, des blessures. Des bois sans feuilles, des feuilles à même le tronc. Des couleurs, des insectes, et quelques suintements qui côtoient des pelades.
Dans un deuxième regard on peut en observer le mouvement: l’inclinaison du tronc s’il y a lieu, la direction des lignes d’écorce, l’orientation des branches grosses et petites. La variété de ces mouvements est d’une extraordinaire abondance. On peut ensuite chercher comment l’arbre illustre son équilibre dans l’espace: certains sont parfaitement symétriques, quel que soit le point de vue de l’observateur. D’autres ont massé leurs branches d’un côté plus de que l’autre. On dirait un élan arrêté, en attente, ou un mouvement si lent que l’oeil ne le capte pas.
Ensuite on regardera les relations entre les arbres quand ils sont assez proches pour que leurs troncs s'épient et que leurs feuillages se mélangent un peu. J’y vois le mouvement des relations humaines. Certains sont côte à côte en parfaite indifférence. Rien ne semble interagir entre eux. D’autres ont limité leur expansion dans l’espace, là où l’espace est déjà enfeuillé: à chacun son territoire.
Certains semblent dans un mutuel soutien, le petit protégé par le grand. D’autres s’évitent, tournent sur eux-mêmes comme pour chercher une sortie. Leurs branches mélangées sont tourmentées. Certains s’affirment avec puissance, d’autres semblent reculer. Et même blessés, foudroyés, desséchés, le tronc tordu à cause d’un obstacle, la vie tente encore de faire son passage en eux.
C’est comme les mouvements entre les humains. Sauf que les humains ne le montrent pas aussi clairement. Le petit donne valeur à la force protectrice du grand. Les tensions entre variétés font reculer. Certains écrasent, d’autres sont écrasés. Des humains sont posés là, stables, presque immuables. D’autres bougent au moindre vent et leurs branches sont des éventails d’idées lancées dans toutes les directions.
Certains apaisent. D’autres semblent tourmentés. Chaque humain, comme chaque arbre, occupe l’espace d’une manière qui lui est propre, et se mélange au monde selon une force interne ou une interaction dynamique.
Regarder les arbres, leur mouvement, leurs interactions, c’est voir un peu du mouvement des humains.
(Cliquer sur les images pour les agrandir)
Commentaires
@Hommelibre votre sympahie envers les arbres rejoint celle de beaucoup qui dans quelques jours apprendont comme ce fut le cas il y a quelqes minutes et par un ancien de l'émission Monsieur Jardinier,qu'en notre commune déjà bien affaiblie par Lothard,de majestueux arbres allaient encore disparaitre,c'est d'une tristesse épouvantable quand on pense aux arbres plantés par les Romains qui vécurent des centaines d'années et qui sont abattus par souci de rendement,le prix du bois étant favorable, les uns après les autres,nos majestueux pins et sapins sabrés pour l'urbanisme,ou cessera donc l'hypocrisie disant il faut des arbres pour rendre les gens heureux,alors profitez dans une année ou deux un Lothard de plus et vides,néants absolus de tout,plus d'ombre,etc oui je suis en colère la BCN pour sa succursale ayant abattu des arbres centenaires,en sabrant nos vieux arbres,les pies et corneilles ne retrouvèrent jamais leurs nids on comprend mieux le slogan anarchiste,les vieux/dont je fais partie/ coutent trop cher,pauvre monde!
malgré tout bonne journée à vous
Planter un arbre et le regarder grandir; c'est très étrange, c'est comme un peu de vous que vous avez enraciné. Je me souviens de mon père allant chaque jour voir le saule pleureur et le petit cèdre bleu qu'il avait plantés. Aujourd'hui quand je passe devant la maison de mon enfance j'aperçois le sommet du cèdre derrière le portail des nouveaux propriétaires, et je pense à mon père qui serait heureux de voir que "son" cèdre est toujours là, impérial.
"Et dire que les vieux arbres sont si beaux ! Hélas, on n'est pas de bois." Je ne sais pus qui a dit cela...
"plus" :)
@: Lovsmeralda: colère compréhensible. Sans vouloir vivre sur le passé, c'est vrai que certains arbres font partie de notre mémoire et de notre histoire. Perdre un arbre c'est parfois abandonner quelque chose de nous, un ami, une présence amie.
@ Ambre: je connais aussi cet attachement et enracinement. J'ai plusieurs arbres amis, dont un au travail, un ficus qui depuis 15 ans a pris une taille impressionnante et qui me "suit" selon ce que je traverse.
Magnifique!! A l'image de ces arbres, ces lignes m'apportent de l'oxygène... Vitale.
Et ces lignes au sujet des arbres me font penser à la philosophie indienne... Dans laquelle l'arbre est un être vivant que l'on doit protéger, aimer et enlacer... Et à qui on peut crier nos soucis...
Amicalement, Laurent.
Hello Laurent,
Tu cites une bien belle philosophie.
Merci de ta visite, toi qui sais rendre les choses si belles dans ton oeil photographique!
Amicalement.
Pour vous consoler un peu: la rue de l'Ecole-de-Médecine va se doter d'arbres entre le Boulevard Carl-Vogt et le Quai où se construit la passerelle de l'Ecole de Médecine. Tout est prêt, ou presque pour les recevoir et.... rappelez-vous des mains sensibles qui ont planté des fleurs au pied des arbres du Boulevard James-Fazy, près du Pont de la Coulouvrenière. Serait-ce à dire que les ponts et les arbres font bon ménage?
Merci pour ce texte si beau!
Merci pour ce billet, pour vous ce court poème.
Quand la vie est une forêt,
Chaque jour est un arbre
Quand la vie est un arbre
Chaque jour est une branche
Quand la vie une branche
Chaque jour est une feuille.
Jacques Prévert
Belle journée à vous, amicalement.
Merci Colette.
Quelle belle manière de commencer la journée, avec Prévert. C'est à la fois très joli dans sa simplicité, et en même temps il exprime avec évidence des ordres référentiels. Prévert avait l'art de toucher aux choses sérieuses avec une légèreté déboussolante.
Belle journée à vous.
@ NIN.A.MAH:
Planter des fleurs au pieds d'un arbre en ville, c'est se réapproprier un peu la cité. Super idée! Et toutes ces touches végétales, même petites et entourées des murs des immeubles ou des rues, font du bien quelque part. Qu'on les voie ou non elles existent et un bout de notre regard périphérique les capte.
Bonne journée.
"un ficus qui depuis 15 ans a pris une taille impressionnante et qui me "suit" selon ce que je traverse."
Et bien que cet arbre croisse encore et porte de nombreux fruits!
Mais attention aux éradicateurs, car je ne sais pas, mais j'ai comme l'impression qu'"on" coupe de plus en plus d'arbres depuis un moment.
@ Johann: Merci.
Très beau texte oui et la 3e photo est la plus sublime de toutes, on dirait carrément Brocéliande ; )
POur John
Que c'est beau ce que tu écris. Es-tu journaliste?
Meilleures salutations d'une ancienne élève de Vésenaz
Colette L
Merci Barbie.
J'ai hésité avant de mettre cette 3e photo. Je l'ai finalement choisie pour la raison que vous dites.
J'ai un ami qui habite plus loin que Culoz, après Chavornay. Il y a là une petite rivière avec des paysages sauvages où l'on pourrait voir sans étonnement surgir une licorne. Une eau limpide, des flancs escarpés habillées de buis denses et de mousses, des chênes habités.
La photo n'est pas ce lieu mais elle m'y fait penser.
Amicalement.
@ Colette L:
Oh, incroyable. Je crois me souvenir, mais je ne suis plus certain. Si tu veux tu peux m'écrire directement sur mon courriel (à droite en bas).
Non je ne suis pas journaliste. Mais j'aime écrire. Ecrire c'est pour moi comme sculpter. Et j'ai un roman bientôt publié!
http://www.goetelenjohn.ch/goetelenjohn.ch/roman_le_diable_en_ete_john_goetelen.html
Ecris-moi, nous irons boire quelque chose!
Je suis très touché par les commentaires sous ce texte. Je suis épaté qu'il ait eu cet accueil. Pour moi un texte de ce genre vaut 100 autres de mes billets, tant sur la forme que sur le fond. Et pourtant il est plus discret que bien d'autres.
Je veux dire que je m'y retrouve plus profondément et que je lui accorde une place plus particulière.
Merci.
Je pense organiser une fête pour la sortie de mon roman, en mai ou début juin. C'est un moment important pour moi. Je l'annoncerai sur ce blog, mais j'en fais déjà part ce soir.
Autre point de vue, et je force le trait en jouant l'avocat du diable, tenez-en compte s'il vous plait...
Saloperies d'arbres !
On voit bien que c'est pas ceux qui décident de les planter qui les taillent, qui ramassent les feuilles ou les aiguilles !
Et ceux qui aiment les chênes, qu'ils en mettent donc un de plus de 50 ans dans leur propre jardin, on verra bien s'ils les aiment toujours autant.
Parce que au bord d'une route, un chêne, c'est surement joli en passant, parce qu'il y a des employés de voirie qui passent 200 heures dans l'année pour nettoyer les glands et les feuilles... J'attends de voir le privé faire la même chose dans son jardin sans râler...
Le tilleul, c'est joli, ca fait des tisanes ou des sirops, on aime ou pas, des goûts et des couleurs... Mais ne les mettez pas n'importe où bon sang de bon sang !
Dans une rue privée, de grands écolos ont mis des tilleuls tous les 4 mètres, à moins d'un mètre de la rue. Maintenant ils sont petits ca va, mais je vous parie ma chemise que dans 20 ans tout le monde va râler :
la route sera détruite par les racines, il y aura tellement d'ombre qu'il n'y aura juste plus jamais de soleil...
Et un arbre, cela vit son temps, cela peut devenir malade, être parasité, mais quoi qu'il en soit tôt ou tard cela meurt. Avant que les branches mortes ou l'arbre entier ne tombe sur d'innocents passants, il vaut mieux les éradiquer et en replanter des plus jeunes, quel que soit le mal que vous puissiez penser des éradicateurs, Johann.
J'aime les arbres, en fait. Mais en ville, il y en a qui sont mal placés.
Et dans notre pays, il faut une enquête publique pour obtenir le droit d'enlever un arbre, même sur le domaine privé, avec souvent l'obligation de replanter.
De plus, dans les années 70, nous étions foutus, c'était la mort des forêts, pour cause de pluies acides... Dans les années 90, nous étions foutus, c'était la mort des forêts, pour cause de bostryches...
Et les forêts gagnent du terrain en Suisse, chaque année.
Par contre, nous allons encore détruire la forêt amazonienne pour planter du soja pour nourrir les porcs dans les usines puisque nous venons de nous faire interdire les bonnes vieilles boilles à cochon dans les cuisines de restaurants...
L'écologie à la mode, c'est du grand n'importe quoi, tout le bon sens paysan a foutu le camp. Et planter des arbres au milieu d'hectares de bétonnage et goudronnage pour se donner bonne conscience, c'est typiquement de l'écologie moderne : stupide...
Avocat du diable je fus. Mais quand même... Les citadins sont devenus vraiment bizarres...
Greg! Forcer le trait... ouaip, vous y allez carrément à la hache, si j'ose dire...
:-)))
Les tilleuls, vous avez oublié de dire que ça colle dessous. Mais quel parfum dans les villes au mois de juin... Un vrai bonheur. Rien que pour ce parfum, trace du paradis (le vrai, pas le punitif), j'aime me balader en ville au début de l'été.
magnifiques textes.
Les arbres, c'est la vie. ils sont nos amis, nos complices, notre source d'oxigène et un régal pour nos yeux et nos papilles (fruitiers). respectons-les !
des villes sans arbres que c'est triste et angoissant.
Ne pleurez pas sur les salaires des employés municipaux chargés d'entretenir les espaces verts car c'est pour une bonne cause.
Mieux vaut dépenser l'argent des impôts en versant des salaires et garder la dignité de ces employés qui auront un travail, plutôt que de verser des indemnités de chômage et de vider les caisses de l'état en payant des avantages en nature à des élus non méritants.
Les râleurs d'aujourd'hui ont certainement oublié qu'enfants, ils adoraient s'amuser dans les parcs arborés, grimper aux arbres, s'abriter sous leur ombre bienfaisante, et peut être compter fleurette appuyés contre un tronc accueillant .....
Quand on plante un arbre, c'est une fierté de le voir grandir, c'est comme s'il nous "parlait" , quelque chose de beau se passe entre lui et nous, des ondes positives. si c'est un fruitier, quelle complicité et quel bonheur le jour de la cueillette, c'est comme un cadeau.
chaque famille devrait avoir un petit lopin de terre, ce serait le bonheur.
bon dimanche, profitez bien du printemps, quelle belle saison.