On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Après non plus. Pourquoi le serait-on? Ah oui: il faut prendre sa vie par les épaules, la regarder en face et lui dire «Maintenant c’est moi qui décide». Et sa vie elle doit l’entendre. Elle doit s’incliner en même temps qu’elle se redresse.
Elle devient fière, sa vie.
C’est cela qui la rend si sérieuse: la course à la fierté de dire «Je». Je suis maître de moi. Capitaine de mon bateau. Je suis responsable.
Ah oui, responsable. Ça c’est sérieux.
A dix-sept ans on peut regarder la vie se promener sur les boulevards. Après, regarder la vie se promener ce n’est plus sérieux.
A dix-sept ans on peut être habité de la force des conquérants et demeurer fragile comme un enfant. Après, normalement, on n’a plus trop le droit d’être fragile. La fragilité se porte mal passé un certain temps. Elle devient suspecte.
Pourtant je n’ai jamais pu être touché par la force seule. La force est là, celle de la nature qui bouscule tous les climats. Celle des grands explorateurs. Celle des amours intenses. Mais aussi la fragilité, comme un essoufflement, ou comme un étonnement de tant de force.
Dix-sept ans. Je terminais lundi mon billet sur Les bonheurs de juin avec ce poème de Rimbaud chanté par Léo Ferré: «On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans». Et j’ai continué: «Après non plus». Parce qu’après c’est comme dix-sept ans, avec quelques jours de plus. Une continuité. Quelques étapes, quelques réponses, et toujours cette fraîcheur de milliers de questions. La même vie qui se promène sur les boulevards ou loin des villes, les soirs de juin. Les mêmes tilleuls verts sur la promenade et dans les villages.
Et la beauté des femmes qui passent, s’arrêtent, ou partent, comme en dansant.
(Images: Las Ramblas, Barcelone. Canal de la Fontaine, Nîmes)
A dix-sept ans. «At Seventeen». Janis Ian. Ce n’est pas nouveau. Mais c’est toujours aussi frais.
Extrait du texte français, chanté par Claude François:
«Dans les rues de la haute ville
J'ai vu mon destin difficile
Je devais
Pour arriver
Serrer les poings bien des années
Lançant des pierres contre le vent
J'ai fait des rêves de géant
Je suis devenu fort
A dix-sept ans»
Commentaires
Parce qu'on a toujours 17 ans quand on refuse un monde fermé prêt à tuer pour imposer son idéologie et sa croyance. Parce qu'on a toujours 17 ans quand l'amour vient nous enlever et nous emporter en des lieux insoupçonnés de poésie, de grandeur humaine, d'âmes sensibles qui ne s'abstiennent pas de dire leurs sentiments devant des adultes si sûrs d'avoir raison, d'avoir trouvé la vérité, et que pour cette vérité ils vont tuer l'Autre, la compagne de vie qui est infidèle; l'enfant qui n'a rien fait et qui sert de bouclier humain à des lâches qui parlent de Dieu comme s'ils parlaient de Satan lui-même; les étrangers différents, le voisin qui a de drôles de moeurs et d'habitudes, l'homme et la femme qui avancent dans la vie sans le quand dira-t-on, sans l'usage des bonnes conventions sociales, sans le carnaval et les masques des puissants qui veulent nous montrer qu'ils sont si grands alors qu'ils sont si faibles et corruptibles parfois, si haïssables par leurs tueries et leur volonté de toute-puissance. Oui, John, nous ne sommes pas sérieux quand nous avons dix-sept ans, et nous restons sur la route à voyager vers d'autres lieux, d'autres contrées, à la rencontre de l'inconnu et de l'amour.
P.S. A tous les blogs pas forcément extrémistes de droite ou de gauche ou de je ne sais quelle préférence identitaire (dont je ne citerai pas les noms pour ne pas faire polémique) qui censurent parfois mes commentaires sans que j'en comprenne ni les raisons ni le pourquoi, j'aimerais leur dire que la liberté de censurer un être libre va à l'encontre des valeurs de la démocratie. Cela ne vous concerne pas, John, évidemment. Je ne suis pas sérieux. C'est peut-être la raison des censeurs pour ne pas faire honneur à certains de mes commentaires. J'en prends mes semelles de vent dans la figure et noie ma tristesse dans un soleil de Juin.
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.
J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.
Louis Aragon, Le roman inachevé
Tandis que Dalida chantait
Il venait d'avoir dix-huit ans
Il était beau comme un enfant
Fort comme un homme
(...)
Au creux d'un lit improvisé
J'ai découvert émerveillée
Un ciel superbe
(...)
Il m'a dit : "c'était pas si mal"
Avec la candeur infernale
De sa jeunesse
J'ai mis de l'ordre à mes cheveux
Un peu plus de noir sur mes yeux
Par habitude
J'avais oublié simplement
Que j'avais deux fois dix-huit ans
Excellent Jean-Paul! :-)))
Belle chanson aussi. Voyez: un an de plus, ou 18 ans de plus, tout est pareil...
Pachakmac, rêveur, indéfiniment rêveur...
;-)