Comprendre l’éventuel lien symbolique entre la femme et la maison ne doit pas faire verser dans l’attribution exclusive d’une position ou d’un rôle social qui enfermerait le sujet définitivement. La symbolique est simplificatrice, pas réductrice.
Individualité physiologique
Un doigt dressé, une obélisque, un sapin, une épée, peuvent représenter le pénis par la verticalité, la dureté, l’aspect émergent et la linéarité. Une caverne, une fente dans un arbre, un creux dans une prairie, une source, peuvent signifier un vagin par la concavité, l’espace protégé, l’invisible présence, l’incitation à la pénétration, la tendance à la rondeur. L’obélisque «pousse» vers l’extérieur, la caverne «pousse» vers l’intérieur.
Le symbole du pénis peut être dessiné sous la forme d’un simple trait. Il est donc simplificateur. Mais il n’est pas réducteur: sa simplicité a pour but non la réduction du sujet mais la mise en évidence d’analogies ou d’affinités entre deux réalités complexes. Le symbole est une passerelle. Il permet d’éventuellement attribuer à l’une des réalités certaines caractéristiques de l’autre et vice-versa.
Quelles analogies sont possibles entre la femme et la maison, et comment y voir un contexte favorable au développement de l’individualité?
Du point de vue physiologique l’espèce humaine se reproduit en principe par «portées» formée d’un seul individu (jumeaux et triplés étant une exception rare). Le ventre de la mère est un rempart, comme pour tous les mammifères. Le soin à donner au nouveau-né, particulièrement l’allaitement, confèrent à la mère une place particulière. La protection nécessaire contre les intempéries ajoutent au soin à donner. Le petit d’Homme n’a pas de fourrure pour se protéger du froid ou du soleil, ce sont les parents qui y pourvoient. C’est la protection directe, vitale pour les humains. Les mères y pourvoient prioritairement par leur ventre, par leur lait et par la chaleur de leur corps.
La grossesse et ses multiples états amène la mère à prendre une conscience plus aiguë d’elle-même: elle s’individualise dans l’expérience de la gestation. L’allaitement, la nutrition et les soins donnent à la mère la conscience du petit en tant qu’être unique. Ces éléments confèrent possiblement à la mère, donc à la femme, un rôle prioritaire dans la protection de l’enfant et dans la valeur qui lui est donnée.
A l’époque préhistorique où les rôles sociaux se sont possiblement formés, les hommes partaient chasser parfois plusieurs jours. Les femmes nourrissaient les enfants. Le soin et la nutrition, éléments essentiels à la survie de l’espèce, ont été assurés par elles. Le besoin de protection s’est étendu. De la grotte les humains sont passés à la hutte, aux habitats de pierre sèche, puis aux constructions plus élaborées. Dans tous les cas la maison symbolise la protection. Elle est en analogie avec le ventre maternel, avec les bras maternels. On y est protégé du froid, des animaux sauvages, des ennemis, du regard des autres. La nourriture y est également protégée.
Le féminin inspire-t-il les révolutions?
Par la chasse et la guerre les hommes ont probablement développé l’esprit collectif: chasse et guerre (protection indirecte) demandaient des stratégies d’ensemble autant que des prouesses individuelles. Les femmes, par le soin, l’éducation et la nutrition, ont été en permanence en contact avec les nécessités primordiales dans la survie de l’enfant. Cette présence permettait de distinguer, de discriminer les besoins et les réponses à leur donner.
Les femmes pourraient, selon cette hypothèse, avoir eu conscience de la notion d’individu distinct du groupe plus vite, plus tôt et plus pleinement que les hommes. A l’extérieur de la maison, tout est visible, exposé, unifié, collectivisé. L’extérieur est la place du groupe, de la communauté, de l’armée, de la loi, qui appelle à la gestion du territoire donc du politique - du collectif. A l’abri de la protection de la maison, dans l’espace privé, la personne prenait une place singulière, distincte du groupe. La personne devenait un être unique et non un simple numéro de garnison ou de sécurité sociale. Un être dont la construction individuelle, la psyché, nécessitait une protection particulière et allait prendre de plus en plus de place, l’amenant même à la résistance ou à la rébellion contre le groupe. Dans ce sens les révolutions seraient d’inspiration féminine, alors que les systèmes politiques collectivistes seraient d’inspiration masculine. L’exploration de nouveaux territoires serait masculine alors que l’installation sur un territoire serait féminine. Les deux dynamiques sont complémentaires dans une économie de développement de l’espèce.
La maison est l’endroit du prénom, identité individuelle, donc du multiple et du complexe au sein d’un groupe familial: chaque enfant a son prénom donc est différent. L’agora est l’espace du nom de famille, identité collective, donc de l’unité et de la simplification. L’image symbolique du pénis est univoque: elle va dans une direction déterminée, excluant nombre de possibilités au profit d’une seule, comme l’épée tranche, comme la flèche pointe dans une direction, comme le bâton délimite. De plusieurs millions les spermatozoïdes, qui sont eux-même directionnels, n’en laissent qu’un seul servir à la reproduction: les autres sont éliminés. L’image du vagin et de l’ovule, arrondis, sont plus incluants, accueillent de nombreuses possibilités, de nombreuses formes possibles. Dans ce multiple féminin, l’individu a une place plus importante car aucun ne remplace l’autre, au contraire des spermatozoïdes beaucoup plus interchangeables.
L’équilibre
Il y a forcément une raison pour que les deux sexes se soient différenciés. La nature ne met pas en place un système performant sans une logique de survie et de développement de l’espèce. Que les mâles se soient spécialisés vers le muscle, la défense du territoire, le collectif et la découverte, et que les femelles se soient spécialisées vers la gestation, le soin et la construction de l’individu, pourrait donc être une stratégie réussie de survie et de développement.
Les humains n’étant pas de nature rigide, rien n’empêche des hommes de prendre soin des petits et de considérer l’espace privé et l’individualité, ou des femmes de prendre en main le collectif et l’espace public. L’avant-dernière période de forte prédominance de l’un des sexes sur l’autre fut le XIXe, où le masculin s’érigea en statut universel. On connaît les guerres et les systèmes idéologiques terribles que cela a produit, par un excès de directionnalité qui conduit inévitablement à la confrontation. Aujourd’hui la prédominance est dans le féminin, et par exemple la théorie du genre, qui gomme les frontières entre les sexes, laisse proliférer toutes formes équivalentes sans discrimination - ce qui est une forme d’excès d’individualisme et une tuméfaction de la société. L’excès de l’un comme de l’autre pourrait être préjudiciable à l’équilibre de la société.
Les femmes sont-elles pour autant contraintes à ne gérer que la maison et la construction de l’individu? Certainement pas, pas plus que les hommes ne seraient contraints à ne gérer que l’espace public. Les typologies de base masculine et féminine ont de multiples déclinaisons et nuances qui ouvrent la voie à ce que chaque individu puisse se déterminer selon ses données propres. Toutefois l’excès d’individualité est à terme déstructurant, au même titre que l’excès de directionnalité est sclérosant. Entre la déstructuration, dont la pathologie est plutôt l’état borderline ou la schizophrénie, et la sclérose dont la pathologie est plus la désadaptation et la paranoïa, il subsiste, grâce aux multiples déclinaisons et nuances, un large éventail d’adaptation et de créativité. Dans les deux cas, la pandémie qui menace est l’idéologie, la théorisation à outrance, la volonté de domination de l’un ou l’autre sexe.
Mais, pour en revenir à l’idée qui inspire cette réflexion, considérer que la maison a été le lieu et l’outil d’aliénation des femmes comme la théorie féministe le prétend est une dérive intellectuelle sur laquelle il faudrait impérativement revenir si l’on veut mieux comprendre les relations entre les femmes et les hommes. Et si des femmes veulent faire la guerre aux hommes en déclarant la grève totale des femmes contre les hommes comme à Toulouse, cela ne passera pas par moi - et ce serait même une cause rapide de rupture. Un homme, pas plus qu’une femme, n’a à se soumettre aux tentatives autoritaires de l’autre sexe. La similarité, l’indifférenciation, sont des tentatives autoritaires. L’équilibre collectif, en particulier dans le couple, est un choix et un état d’esprit dépendant des deux partenaires pris individuellement.
Commentaires
"les révolutions seraient d’inspiration féminine, alors que les systèmes politiques collectivistes seraient d’inspiration masculine."
J'ai un peu de mal avec cet affirmation parce je trouve que les femmes sont la plupart du temps plus obéissantes que les hommes. Les hommes moins, peut-être parce qu'ils sont plus forts physiquement en moyenne. C'est tout à fait logique, quand quelqu'un de moins fort que vous essaye de vous donner des ordres _excepté si ce sont vos parents dont vous êtes à la charge_ vous n'avez clairement pas envie d'obéir, que le système collectif l'ait décidé ou pas. C'est ce qui m'étonneras toujours chez ces féministes qui croient que l'autorité est une question de démocratie. La culture leur monte à la tête. Alors après y nous sortent des lois invraisemblables de violences spécifiques faites aux femmes, tout en pronant la théorie du genre.
En ce sens les hommes transgressent beaucoup plus que les femmes, c'est peut être une manière d'exprimer leur individualité. Les femmes quant à elles, même si c'est pas les seules, sont plus souvent dans le recueillement; que ce soit à l'intérieur d'une maison ou à l'extérieur; c'est la jeune fille qui lit sur un banc public par exemple, ou écrit un journal intime dans sa chambre etc.
Il faut rajouter à ça les marginaux qu'ils soient hommes ou femmes, ils prennent souvent conscience malgré eux très tot de leur individualité. Si on doit sexuer une caractéristique, ne faurait-il pas surtout s'intéresser au sexe de ceux qu'on observe? Dans ce cas là encore y'a pas photos, les révolutions, les contre-cultures, les guerres civiles, les tueries de masses sont très majoritairement opérées par des hommes. Les femmes n'avancent jamais en terrain qui n'a pas d'abord été exploré et déminé par les hommes, elles n'inventent rien à chaque fois, elles sont surtout motivées par "nous aussi on peut le faire", toujours 30 ans après la bataille.
Ramener l'individualité et les velléités rebelles à la féminité et les systèmes collectivistes à la masculinité, c'est faire comme si nous étions censés être tous d'accord entre homme. Ca marchait sans doute très bien à des périodes où les hommes partaient faire la guerre, la discipline qui ne devait pas s'embarasser de l'originalité de la pensée semblait être appropriée.
Mais aujourd'hui dans nos sociétés qui ne connaissent ni guerres, ni épidémies, ni famines; nous sommes tout naturellement axés sur le bien-être, le plaisir, et donc tout naturellement vers l'individualité qu'on soit homme ou femme.
En ce sens plus tellement besoin de se soucier de la politique pourvu que l'essentiel soit assuré (un toit, à manger, système de santé, du travail), tout n'est pas parfait mais ce n'est plus Germinal ou la lutte des classes.
@Didier,
Souvent, je n'ai pas été d'accord avec vous, mais en découvrant votre commentaire ce matin, j'ai eu l'agréable surprise de lire des propos auxquels je pourrais souscrire.
P.ex. tout le dernier paragraphe.
Je crois que les circonstances particulières de notre environnement européen sont primordiales. La crise actuelle va certainement bousculer les positions et les différences économiques entre les pays vont peut-être amener de nouveaux éléments et déséquilibres...