(Suite du précédent)
Une nouvelle ère de concorde semblait donc s’ouvrir après le 11 septembre (voir article précédent). Elle fut très courte. Peu après le président américain annonce la volonté de son pays de créer en Europe de l’est un système anti-missiles, prétendument pour protéger le continent contre l’Iran. Puis il renforce l’Otan sans raison visible et contre les accords verbaux passés avec Gorbatchev.
Le temps du mépris
«De 2002 à 2004, le président américain joue en effet un rôle déterminant dans l'adhésion à l'Otan de sept pays d'Europe de l'Est, dont trois ex-républiques soviétiques (Estonie, Lettonie et Lituanie). Un quasi casus belli pour son homologue russe, qui ne manque pas de l'interroger sur l'intérêt que trouve l'Alliance atlantique à s'étendre alors que l'ennemi qu'elle était censée combattre a disparu. «Cette expansion mécanique (de l'Otan) ne répond pas aux menaces actuelles», grince Vladimir Poutine. Et elle ne nous aidera pas à empêcher des attaques terroristes comme à Madrid (en 2004) ou à rétablir la stabilité de l'Afghanistan.»
Par négligence ou par volonté guerrière délibérée, Washington a méconnu du respect dû à son allié et a heurté la sensibilité d’un pays et d’un président qui donnait des gages très réels de collaboration avec l’ouest.
«Certains responsables américains admettent volontiers que Washington a sa part de responsabilité dans cette confrontation pour ne pas avoir compris assez tôt que la disparition de son grand ennemi idéologique, l'Union soviétique, ne signifiait pas que la Russie ne devait plus être considérée comme une grande puissance. «Je ne pense pas que nous y avons prêté assez attention», dit James F. Collins, ambassadeur à Moscou à la fin des années 1990, qui se souvient que les relations bilatérales étaient à l'époque «jugées comme de peu d'importance».
Pis encore:
«Rétrospectivement, Thomas E. Graham, chargé du dossier russe au sein du conseil de sécurité nationale sous George W. Bush, reconnaît que la création d'une structure sécuritaire européenne incluant la Russie, en remplacement de l'Otan, aurait certainement été plus judicieuse. «Ce que l'on aurait dû chercher à établir - et c'est encore vrai aujourd'hui - c'est une structure de sécurité construite sur trois piliers: les Etats-Unis, une Europe plus ou moins unifiée et la Russie», dit-il. Mais à l'époque, cette idée se heurte au refus du vice-président Dick Cheney, du sénateur John McCain et des "faucons" républicains comme démocrates...»
L’erreur de jugement d’Obama
Plus rien ne sera pareil. Dès lors Vladimir Poutine prend ses distances d'avec les occidentaux, accueille Edward Snowden, critique l’invasion de l’Irak: «Nous ne voudrions certainement pas avoir le même genre de démocratie qu'en Irak. Je vous le dis très franchement», s’oppose à une attaque contre la Syrie, recadre les volontés expansionnistes de la Géorgie, reçoit de plein fouet le camouflet du Kossovo, et considère - avec raison probablement - que l’affaire ukrainienne est largement instrumentalisée et alimentée par le gouvernement américain, dont il est notoire qu'il subventionne des organisations pouvant déstabiliser Moscou:
«Washington a versé des dizaines de millions de dollars d'aide à des organisations non gouvernementales en Russie et dans les ex-républiques soviétiques depuis 1989. Ces ONG sont depuis 2011 dans la ligne de mire des autorités russes».
Dès son arrivée à la Maison Blanche Obama se rend à Moscou. Après deux mandats de présidence, Poutine a été élu premier ministre et Medvedev Président. L’inversion des rôles leur permettait de continuer la mise en place d’une nouvelle politique russe. Obama le savait. Poutine restait le leader d’une politique faite d’un nationalisme modéré et ressenti par le peuple russe. «Barack Obama se rend à Moscou pour mettre en oeuvre sa nouvelle politique mais il fait d'emblée le mauvais choix en insistant sur les mérites de Dmitri Medvedev, qui vient de succéder à Vladimir Poutine, atteint par la limite de mandats au Kremlin et dont le président américain critique publiquement la mentalité de Guerre froide. Devenu Premier ministre, Vladimir Poutine, auquel Barack Obama ne consacre qu'une heure d'entretien - contre cinq à Dmitri Medvedev - saura s'en souvenir».
Traiter aujourd’hui M. Poutine de dictateur alors qu’il a passé 10 ans à tenter le dialogue, à collaborer, et a avalé tant de couleuvres, ce n’est pas approprié. Il a encore déclaré ces jours que les relations russo-américaines pouvaient être réparées. Mais l’intérêt américain est visiblement ailleurs: dépecer l’influence russe, dépecer la Russie et avoir accès directement à ses ressources.
Obama doit rendre son prix Nobel
Mais l’ours russe n’est pas en peluche ne se laissera pas envahir. La ligne rouge est dépassée. En Russie ce n’est pas Poutine qui parle, c’est un peuple dont il est le reflet. L’administration Poutine ne reculera pas plus et demande aux américains de raisonner leurs alliés, ceux que citaient madame Nuland et l’ambassadeur américain en Ukraine, quand ils décidaient qui serait au nouveau gouvernement et qui en seraient exclus, et qu’ils envoyaient l’UE au tapis par un «FUCK UE» de sinistre mémoire. C'est dire encore une fois qui mène le bal des vampires.
Je suggère de lire entièrement l’article de Reuters dont j'ai cité quelques extraits. La critique est pertinente et étayée. On voit que de négligences en occasions ratées, que d’arrogance en mépris, de promesses non tenues en violence organisée par ceux qui attisent le feu, l’Ukraine est très mal en point et la crise aura de longues et profondes suites.
Et malgré cela Vladimir Poutine disait encore samedi qu’à ses yeux un normalisation entre la Russie et les Etats-Unis était possible.
Obama sait séduire les médias. Mais dans la réalité il méprise et humilie même ses partenaires, comme la France dans la question de la Syrie. Qu’Obama se taise et rende son prix Nobel. Plus rien ne l’en rend digne, et sa responsabilité sera grande si l'Ukraine s'embrase.
Commentaires
En coup de vent à Genève pour me reposer un peu... Mais je n'ai pu m'empêcher de passer en revue les différents billets qui traitent de géopolitique ou de macro-économie.
Donc je ne vais pas, cette fois, commenter ce que je lis. Vos deux notes intitulées Main basse sur l'Ukraine sont très intéressantes et donnent vraiment envie de commenter et d'abonder dans le sens de votre intuition. Seul le temps me manque, je repars de Genève tout-à-l'heure sans computer.
Je vous indique au passage, deux sites qui prouvent que nous sommes de plus en plus nombreux à aspirer à un monde multipolaire où chaque pays serait souverain, plus sécurisé, avec moins de disparités économiques, moins de déstructuration, avec plus de moyens dans l'éducation, la santé et le développement etc, ce qui fait que le modèle politique postulé par Poutine nous conviendra mieux que celui imposé par Washington, hanté par la peur et la mort (du chuchotement et du châtiment).
Je retiens en mémoire que les États Unis savent avec science commencer un guerre mais ils n'ont pas le goût de l'arrêter parce que c'est seulement à travers un tableau de chaos qu'ils paraissent grands et puissants. Donc ils créent le chaos là où ils veulent poser les pieds pour nous rendre aveugles de ce qu'ils sont véritablement dans les faits.
La main mise de Washington n'est pas seulement sur les quelques petits pays qu'ils ont mis à sac, c'est aussi sur toute l'Europe de l'Union et l'Europe géographique et économique, d'Ouest en Est et du Nord à l'extrême Sud. C'est aussi la Grande Afrique que son Administration convoite et qu'elle chassera plus tard diplomatiquement ou économiquement les autres candidats déjà à l’œuvre et qui auront fait le plus gros du travail.
En deux mots, Washington met à demeure les pays de riposter à leur agression et les poussent à budgéter insensément pour l'armement et l'armée. Les USA vivent de cette économie monstrueuse sur le dos de la planète, à commencer par l'Europe.
http://www.realpolitik.tv/2014/04/republique-bananiere-dukraine-episode-9/
http://vineyardsaker.blogspot.fr/2014/04/the-thing-which-everybody-seems-to-be.html
Un article du journal britannique.
Les américains fomentent une guerre globale depuis longtemps pour longtemps en mettant au point la bombe financière, plus destructive que celle à neutron.
http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/10771069/US-financial-showdown-with-Russia-is-more-dangerous-than-it-looks-for-both-sides.html
Cette psychologie de type "guerre froide", persistante aux USA, m'avait aussi questionné à l'époque.
J'en avais déduits que les faucons américains tels que les Paul Wolfowitz, Dick Cheney et Donald Rumsfeld étaient des dinosaures qui n'évoluaient pas dans leur têtes. Des paléo-conservateurs.
Par la suite j'ai compris qu'une oligarchie bien en place chez l'oncle Sam, faisaient la pluie et le beau temps quelque soit le président en place.
Voilà une news de Paris Match qui date de quelques jours, qui dit exactement cela :
http://www.parismatch.com/Actu/International/Une-etude-universitaire-le-prouve-Les-Etats-Unis-sont-une-oligarchie-560158
De manière plus approfondie, voici une analyse basée sur un article de Paul Craig Roberts qui affirme ouvertement la stratégie des USA pour créer une guerre
http://www.wikistrike.com/article-les-usa-veulent-la-guerre-121639570.html
@ Aoki:
L'article de Paul Craig Roberts fait froid dans le dos. Pour l'oligarchie, je vois que le débat semble monter dans le public américain. Ce serait une bonne chose. C'est un des risques/problèmes actuels et futurs de la démocratie: les centres d'intérêts et de pouvoirs morcelés, les communautarismes, les lobbys.
Sur la scene Internationale , l'Obama actuel n'a rien à voir avec son image du début de son premier mandat. Aurait-il changer de personnalité ? Ou se révèlerait-il une autre facette de sa personne avec le temps ?
Il faut croire qu'il est difficile de rester intègre lorsque l'on préside un pays comme les USA. La puissance des lobbys qui représentent cette oligarchie américaine, qui pour défendre ses intérêts surfent et nourrissent ce patriotisme typiquement américain. Si prompt à défendre l'image de première puissance mondiale. Il ne faut pas oublier que cela représente la valeur suprême qui rassemble tout les américains, quelque soient les désaccords politiques.
Or cette puissance est sur un fil d'équilibriste aujourd'hui. Sous perfusions d'expédients comptables, la dette économique est abyssale, la mainmise sur les ressources énergétiques non garanties et surtout une montée de la Chine qui semble vouloir se débarasser du dollar et du leadership américain en formant un pôle économique oriental hors dollars et avec la Russie !
L'Amérique est quasi aux abois, elle n'en est que plus dangereuse. Car elle n'accepte pas la perte de sa suprématie.
Un pôle occidental USA -EU articulé autour d'un accord transatlantique est une manœuvre pour ralentir le naufrage, pas une alliance.
Obama n'est que la marionnette la plus visible de la Goldman Sachs.
Une marionnette bien docile et bien veillante.
Suite à la crise internationale des subprimes, il n'a rien fait contre cette banque qui dicte sa loi, même au président des U.S.A.
Il les a fait même fait gagner 11 milliards de $, en sacrifiant une autre banque, Lehmann Brothers, une concurrente de la Goldman Sachs.
Les autres marionnettes de cette banque se retrouvent partout en Europe et même en Ukraine.