Cette phrase pourrait sortir du best-seller djihadiste: « Gestion de la barbarie », le livre qui détaille l’horreur en cours d’installation au Proche Orient et ailleurs. Mais non. Elle est bien plus proche de nous. Elle est issue de notre culture européenne du XXe siècle.
L’auteur est André Breton, fondateur de l’école artistique surréaliste. L’extrait entier est tiré du Second manifeste du surréalisme: « L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule. »
Ce qui était une provocation virtuelle à l’époque trouve d’étranges résonances aujourd’hui. Les djihadistes modernes seraient-ils des néo-surréalistes? Leur esthétique est évidente, bien que macabre. Le spectacle est total. Il provoque une réflexion au-delà de tout ce que les auteurs engagés auraient pu espérer.
Nos sociétés dormaient? Ils les réveillent à la bombe, à plus large échelle que le surréalisme de l’époque. Le surréalisme a suivi le Dadaïsme et avait pour vocation de casser les codes artistiques, intellectuels et conceptuels de la société bourgeoise. André Breton haïssait la famille, supposée brider la créativité des jeunes gens. Dans ce livre cité plus haut il écrit: «Tout est à faire, tous les moyens doivent être bons à employer pour ruiner les idées de famille, de patrie et de religion ».
André Breton voyait la famille comme un empêchement à l’amour vrai, qui est bouleversement. Il affirmait que le surréalisme était né « d’une affirmation de foi sans limites dans le génie dans la jeunesse. »
En ce sens le surréalisme était un avatar du romantisme, lequel cultivait une esthétique de la mort. Esthétique partagée par les anarchistes de la fin du XIXe siècle qui prônaient la propagande par le fait. Le fait étant la violence politique et le meurtre par attentats. Déjà! Le célèbre Ravachol, Auguste Vaillant, Emile Henry, étaient passés à l’acte. Au point où l’image de l’anarchiste était associée à une bombe, comme la caricature de Mahomet associe le prophète et une bombe.
Il n’y a pas de divergence factuelle entre les anarchistes et les djihadistes. Tuer est justifié au nom de la purification de la corruption. Le but est de créer le désordre pour instaurer un ordre nouveau. Moi-même étant assez proche d’un anarchisme libéral, malgré ma reconnaissance de la nécessité d’autorités justes et de hiérarchies de transmission ou de décision, j’ai quelque peine à admettre que ces anarchistes se soient donné le droit de tuer. Le droit de vie ou de mort est le droit suprême du tyran, quelle que soit sa motivation idéologique.
Pour les anarchistes comme pour les djihadistes, tuer est un spectacle. Un spectacle destiné à sidérer, à déstabiliser les sociétés. André Breton ne cherchait pas autre chose quand il a écrit cette citation en titre de mon billet. Lui-même et les surréalistes ne sont jamais passé à l’acte mais ils ont en quelque sorte légitimé l’attentat comme un acte esthétique autant que politique. Ils ont fait des petits aux Etats-Unis, ou les massacres réguliers commis par des tireurs isolés sont l’exacte application de l’injonction du surréaliste.
L’esthétique de la mort est aujourd’hui partout: dans les vidéos de décapitation sur fond de désert, dans le bruit des kalachnikov dans les rues parisiennes, dans l’image du soldat partant fleur au fusil faire le bien, soit défendre sa patrie, alors que sur le terrain il n’y a rien d’esthétique à trouer la tête de l’ennemi pour en faire gicler la cervelle.
Les djihadistes sont dans la même ligne, bien que pour d’autres raisons et par d’autres moyens, que les anciens anarchistes, les surréalistes, ou les théoriciens du genre et ceux qui détruisent la famille et l’identité sexuée. Le mal de la société vient de loin. Il est profond et la nouvelle révolution culturelle à venir aura une tâche inouïe. Il y faudra plusieurs générations.
Les djihadistes étonnent par leur jeunesse, cette jeunesse dont André Breton vantait le génie. Or après les attentats François Hollande disait qu’à travers les morts du Bataclan c’est la jeunesse qui était visée. Le progrès et l’avenir seraient aux mains de la jeunesse. Il faut savoir. Soit la jeunesse est l’avenir, soit elle tue. Mais à coup sûr on ne peut lui assigner la responsabilité d’être le monde, de refaire le monde.
Je lis beaucoup d’avis sur la politique climatique mondiale. Un des grands arguments moraux est de sauver la planète pour nos enfants, donc pour notre jeunesse. Je conteste radicalement cette pseudo-morale. Ce n’est qu’une esthétique narcissique visant à nous faire nous sentir bien. Ne prétendons pas sauver le monde pour nos enfants: un jour ils nous reprocheront de leur avoir pris leurs propres prérogatives. Faisons ce qui nous semble juste et eux feront de même par la suite. Quel monde laissons-nous à nos enfants? Il faut réaliser tout ce qu’il y a de paternalisme étouffant dans cette question, et cesser de toute urgence de nous la poser.
J’ai écouté un moment de On n’est pas couché hier soir, avec Yann Arthus Bertrand. YAB, l’homme qui ne parle que de lui-même quand il parle des autres, comme disent certains commentateurs. L’homme qui dégouline tellement de bonne morale qu’il finit par nous en dégoûter. On sent ce qu’il y a de tyrannique dans la personne et dans cette morale, derrière une façade humanistoïde, altruistoïde, bienveillante. YAB: le narcissisme sur fond d’humanisme culpabilisant. La nouvelle pureté est de sauver la planète, un prétexte qui sert à démolir le génie humain et tout ce qu’il a inventé pour améliorer la vie (voir image 4). La pire soupe de la modernité.
Je préconise d’abandonner la morale en tant que comportement démonstratif du bien. Yann Arthus Bertrand disait que « cela fait du bien d’agir pour la planète ». C’est donc cela qu’il cherche: une sorte de selfie moral. Une autosatisfaction narcissique, la preuve auto-administrée, mais si possible confirmée par l’admiration reçue des autres, qu’il est une personne de valeur. Quel déficit personnel ne cesse-t-il de vouloir combler? La vraie morale n'est ni démonstrative ni sentencieuse, comme le sont nombre d'écologistes accusateurs. Elle se pratique en silence, à l’intérieur de soi, sans démonstration ni auto-satisfaction. Internet a réinventé le tribunal populaire, avec ses mises à mort médiatiques et ses bons sentiments dégoulinants de conformisme, mais la société n’est pas juge de soi.
Bullshit. On n’agit pas pour se dire que l’on est quelqu’un de bien. On agit d’abord par la meilleure morale possible: celle de l’auto-préservation, du respect de l'autre et de la justice. Si l’on veut diminuer la pollution ce n’est pas pour nos enfants, c’est parce que celle-ci nous dérange nous, et parce qu’elle devient trop coûteuse. Ce sont les meilleures motivations pour agir, réelles, sans se raconter d’histoire.
Car les histoires trop morales, la quête de la pureté narcissique qui sous-tend la morale esthétique, finit comme on le sait: dans le sang au Bataclan ou dans les sables du désert en Syrie. Gardons la tête sur les épaules et agissons pour nous-mêmes, ce qui implique tôt ou tard le meilleur des altruismes: agir pour son propre bien passe aussi par le fait d’agir pour le bien d’autrui.
Jésus disait: fais aux autres ce que tu voudrais que l’on te fasse. On n’a pas encore trouvé mieux. Le vrai humanisme est aussi un véritable égoïsme, assumé, lumineux, ouvert aux autres par nécessité sans renier ni ses besoins ni sa propre conscience lucide.
Commentaires
@hommelibre,
Il serait intéressant de savoir, ce qu'André Breton dirait au sujet de vrais êtres humains qui tirent vraiment au hasard dans la rue.
Nous ne le saurons jamais.
Et pourtant, en lisant la citation de cet intrépide sur papier, je me demande aussi, s'il adopterait des djihadistes comme fils spirituels !
Il est vrai, que le fait de tirer au hasard est surréaliste, au-delà de la réalité. La définition de cet adjectif contient souvent les termes " bizarre, grotesque ".
Une partie de la définition de Breton lui-même : "Dictée de la pensée,l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale [...] "
Je ne pense pas que les terroristes aient besoin de Breton pour justifier leurs actes, ils ne doivent même pas savoir qu'il a existé ... Ni même les tireurs américains, qui obéissent à des injonctions tout sauf artistiques.
L'idée de base du surréalisme est de se libérer des contraintes, alors que les djihadistes veulent que l'on respecte des préceptes religieux stricts et ils doivent en être les prescripteurs.
Je vois là deux mouvements de pensée très opposés. Je ne pense pas que les djihadistes se réclament de l'anarchie. Ne veulent-ils pas plutôt explicitement instaurer la charia et le califat, qui sont des structures contraignantes ?
L'anarchie pourrait être le moyen, pas le but. Il leur faut semer la zizanie d'abord, pour prendre le pouvoir ensuite.
Les surréalistes étaient souvent des sympathisants communistes, ce qui peut sembler assez contradictoire par rapport à leur vision artistique, qui préconisait une liberté sans contraintes. Le communisme n'est pas anarchique et l'esthétique du réalisme socialiste est à l'opposé d'une démarche surréaliste (même si la réalité dépeinte n'était pas toujours à l'image de la réalité).
Je pense que les contradictions internes et un discours théorique assez exalté et quasi adolescent font qu'on peut faire dire au surréalisme tout et son contraire.
Djihad et surréalisme, ce n'est pas le même combat, même s'il est compliqué d'avoir le même résultat au bout : l'injonction de tirer au hasard dans la foule.
« Et pourtant, en lisant la citation de cet intrépide sur papier, je me demande aussi, s'il adopterait des djihadistes comme fils spirituels ! »
Très improbable.
Il rapportera plus tard qu'il décrivait alors un acte de désespoir extrême.
De ses propres mots ...
... "Je suis passé, j'en conviens, --- fugitivement, je précise --- par le désespoir nihiliste."
Calendula,
Je ne dis pas que Breton aurait adopté un djihadiste. Je dis que les mots sont les mots, et qu'ils décrivent ce qui se passe aujourd'hui, avec le succès "artistique" (médiatique, philosophique) que l'on sait. Il y a une fascination pour la mort et l'acte de tuer gratuitement. Quand c'est dans un roman on peut isoler le cas, mais là il parle au nom d'un mouvement.
La définition du surréalisme me convient. Lâcher les contraintes. Mais je doute qu'il y ait absence de préoccupation esthétiques. Dans toute représentation il y a une esthétique, et tout acte préparé est une représentation, il n'est pas spontané. Lâcher les contraintes: c'est ce qui se passe dans tous les domaines: moeurs, finance, gigantisme dans de nombreux domaines, conquête spatiale, attaches aux valeurs qui ont construit la société. Dans cet ensemble la fascination de la mort en tant qu'acte "surréaliste" n'est pas exceptionnelle. Orange mécanique, l'Etranger, gang des barbares, etc.
Le but des djihadiste diffère du surréalisme mais le spectacle est le même, et la présentation de ce moment, de ce spectacle, fascine dans les deux cas. A mon avis c'est à cause de cette fascination que l'EI choisit ce moyens, pas pour une efficacité guerrière non démontrée. Et au fond le mécanisme de contestation radicale de la société au moyen du meurtre de ce type est identique. Il s'agit de faire exploser les représentations sociétales au-delà d'une simple guerilla politique ou du bulletin de vote.
Si l'on ajoute les positions communistes de Breton, on est bien dans une représentation, y compris cette citation qui a pour but de sidérer les esprits comme d'autres le font aujourd'hui. Il y a 100 ans le simple fait de le suggérer suffisait à sidérer.
La foi illimitée en la jeunesse, à part d'être un simple contrepied à tout ce qui pouvait ressembler à l'expérience et au connu, est bien aussi dans la ligne de Rimbaud: lâcher gouvernail et amarres. Le résultat on le connaît: un consumérisme illimité, car la jeunesse dans son plus grand nombre consomme avant de produire.
La stratégie de rupture ne peut s'exprimer mieux que dans le meurtre-spectacle.
Djihad et surréalisme ne sont pas le même combat, mais le soutien au communisme était plus que troublant. Pas le même combat mais la même inspiration du spectacle, le même moyen, le même souffle de la jeunesse (que l'on charge de la sale besogne)
@ Chuck: le "repentir" de Breton ne change rien à l'inspiration qui a prévalu quand il a écrit. N'importe quel djihaiste peut revenir de Syrie et dire qu'il était dans une situation de désespoir nihiliste. Je comprends qu'un individu puisse passer par de telles étapes, et que quelque chose heureusement le retient, qu'il ne lâche pas tout. Mais de là à en faire une théorie il y a un gouffre.
Et même si ce passage était, de son propre aveu, "fugitif", il l'a écrit dans un manifeste, qu'il a mis dut temps à coucher sur papier, à relire, et qu'il n'a pas démenti dans un autre manifeste. Pourtant c'était assez grave me semble-t-il.
Son "fugitif" me fait penser aux repentances de circonstances qui polluent notre époque. "Sucer n'est pas coucher" disait à peu près Clinton. Non, ce n'est pas coucher, ou alors de manière si "fugitive"...
Cela montre peut-être que les théories en vogue sur le "tout lâcher, tout permettre" doivent être sérieusement remises en question, s'il reconnaît avoir parlé trop vite, et que réfléchir selon des principes "bourgeois" n'est peut-être pas une tare. C'est tout le mouvement ultra-libéral qui est en cause dès lors. D'ailleurs, s'il est couramment remis en cause dans l'économie, pourquoi ne le serait-il pas dans les questions de société? Il serait bon ici et mauvais là? Pas très cohérent.
@hommelibre
« Le but des djihadiste diffère du surréalisme mais le spectacle est le même, et la présentation de ce moment, de ce spectacle, fascine dans les deux cas. A mon avis c'est à cause de cette fascination que l'EI choisit ce moyens, pas pour une efficacité guerrière non démontrée. »
Celà paraît très vraisemblable.
Mais provoquer cette fascination leur coûte cher, les bourreaux devenants des cibles de très haute priorité.
@hommelibre
« le "repentir" de Breton ne change rien à l'inspiration qui a prévalu quand il a écrit. N'importe quel djihaiste peut revenir de Syrie et dire qu'il était dans une situation de désespoir nihiliste. »
Une caractéristique commune, à la fois du désespoir et du nihilisme, est la solitude.
Et l'une des hypthèses de base du nihilisme est, qu'après la mort, nous n'existons plus, et donc que l'âme, au sens de la religion, n'existe pas.
Ainsi, une association de plusieurs nihilistes ne peut qu'être fortuite et sans motivation de causer plus de déstruction que le total de celles causée individuellement par chacun.
De plus, c'est très difficilement compatible avec la perspective de rejoindre le paradis pour avoir été un bon croyant.
@hommelibre
« Et même si ce passage était, de son propre aveu, "fugitif", il l'a écrit dans un manifeste, qu'il a mis dut temps à coucher sur papier, à relire, et qu'il n'a pas démenti dans un autre manifeste. »
D'accord à une nuance de taille près, mon avis de profane de la psychiatrie étant que, André Breton était schizophrène. Essayer de comprendre à travers quoi il est passé pendant les années de la grande guerre, fournit quelques explications possibles, très plausibles.
« Cela montre peut-être que les théories en vogue sur le "tout lâcher, tout permettre" doivent être sérieusement remises en question, s'il reconnaît avoir parlé trop vite ... »
Je pense que sa première déclaration était la traduction approximative d'une idée surréaliste.
Et, sérieusement, Le surréalisme n'est pas "de la philosophie". C'est simplement "de l'art".
Chuck Jones: "Mais provoquer cette fascination leur coûte cher, les bourreaux devenants des cibles de très haute priorité."
Les individus ne les intéressent pas. Ils ne sont que le support publicitaire qui fera venir à eux d'autres mouvements jihadistes, d'autres jeunes déboussolés. Ils montrent à tous les tarrés de la planète qu'avec eux, on ne rigole pas.
Kad, je souscris à votre conclusion, et cela fait encore pas mal de monde.
@kad
« Les individus ne les intéressent pas. »
Les individus ? Vous voulez dire les bourreaux ?
N'intéressent pas qui ?
@hommelibre,
Difficile de nier que l'EI joue sur le spectaculaire visuel et que l'on peut penser que A. Breton le fait également, en formulant ce projet artistique surréaliste "le plus simple" : descendre dans la rue et tirer au hasard.
Lorsqu'on lit cet extrait du "Second manifeste", on peut se dire que ce monsieur ne va pas très bien, que son idée de l'art est trop simpliste, et pas acceptable. Il s'agit d'ailleurs probablement d'une provocation, d'une tentative de choquer le bourgeois. C'est pour ça que j'ai parlé d'un discours adolescent, plus haut.
On a vu tellement de choses incroyables depuis les années 30 : des toiles toutes blanches ou noires, ou rouges avec un trait vert, horizontal , vertical ou diagonal. Souvent elles n'ont même pas de titre. Dans un sens, ça vaut mieux, parce que si on lisait "tempête de neige" face à une toile noire ( ou blanche) on se sentirait de toute façon provoqué !
Vous écrivez :
"Dans toute représentation il y a une esthétique, et tout acte préparé est une représentation, il n'est pas spontané. Lâcher les contraintes: c'est ce qui se passe dans tous les domaines: moeurs, finance, gigantisme dans de nombreux domaines, conquête spatiale, attaches aux valeurs qui ont construit la société. Dans cet ensemble la fascination de la mort en tant qu'acte "surréaliste" n'est pas exceptionnelle. Orange mécanique, l'Etranger, gang des barbares, etc. "
La fascination de la mort existait avant A. Breton, je crois qu'elle fait partie des préoccupations des hommes depuis toujours. La Mort, Anubis, Mictlantecuhtli ou Thanatos sont représentés depuis des millénaires, ainsi que l'enfer. Il s'agit toujours de représentations effrayantes, parlant à l'imagination. Représenter la mort comme effrayante est normal, faire peur aux autres avec des menaces plus ou moins crédibles malheureusement également.
Avec l'EI, il ne s'agit pas de ça, puisqu'il y a passage à l'acte et les images ne sont pas artistiques, même si elles peuvent être esthétisantes. Il s'agit effectivement de gagner des combattants à l'aide d'images et d'actions préparées avec soin, de sorte à pouvoir profiter un maximum d'internet et des médias.
Je me répète : je pense que les "spécialistes" se trompent, lorsqu'ils disent, que les jeunes font la différence entre le réel et le virtuel. Ceux qui tombent dans le panneau de l'EI ne font pas la différence. La propagande mise en oeuvre dépasse de loin une simple phrase dans un manifeste littéraire.
Aucun surréaliste n'a mis en pratique la phrase de Breton, alors que des centaines de jeunes Européens partent pour la Syrie et certains reviennent pour tuer de sang froid. Les jeunes se sont effectivement révoltés contre leurs aînés auparavant, mais actuellement, nous assistons à un phénomène inédit. "Tuer le père" de cette façon, se retourner contre les habitants du pays dans lequel on a grandi, en étant téléguidé par des pseudo-califes ! C'est absurde.
Nous sommes dans une culture du visuel, les images peuvent nous hypnotiser. Lire et imaginer des choses lues est un tout autre processus mental.
Je pense qu'on sous-estime l'influence des drogues dans toute cette problématique. Il est possible de visionner des images en étant drogué, lire est bien plus difficile ;-)))
Nous avons du recul sur Breton et le surréalisme, nous savons que tout ce discours théorique émane d'un petit milieu d'avant-gardistes en ébullition, il y avait des combats de chefs, des tempêtes dans des verres d'eau. Il en a résulté une pléthore d'oeuvres plus ou moins réussies, mais jamais on n'a tué au nom de l'art.
Je crois que la différence majeure entre le discours de Breton et celui de l'EI réside dans l'intention. Il y a également une grande différence entre l'intensité des moyens mis en oeuvre.
@Calendula
« Je pense qu'on sous-estime l'influence des drogues dans toute cette problématique. Il est possible de visionner des images en étant drogué, lire est bien plus difficile ;-)) »
Lire, peut-être ... mais ECRIRE ?
http://www.alice-in-wonderland.net/wp-content/uploads/1book24.jpg
:-))))
@Chuck Jones,
Oui, Lewis Caroll était probablement surréaliste avant André Breton !
L'écriture automatique était une grande affaire. Avec ou sans hallucinogènes. ;-))
Si seulement les djihadistes écrivaient ou dessinaient leurs délires ...
Pour pousser le bouchon encore un peu plus loin, tout en restant dans le sujet, j'aimerais ajouter quelque chose.
En écoutant les témoignages des proches de djihadistes européens ou de personnes ayant étudié des cas de près, on apprend ceci :
- les familles sont impuissantes ( certains parents sont allés sur place, pour essayer de ramener leur enfant en Europe)
- la radicalisation se passe très vite et de façon à passer inaperçue, les jeunes arrivent à dissimuler la réalité à leurs proches
- selon Dounia Bouzar, qui soutient les familles de jeunes islamistes radicalisés en France, 20 % des 700 jeunes, qu'elle connaît, seraient passés par des mosquées et 80% se seraient radicalisés avec internet. ( témoignage dans l'émission "C'est dans l'air")
En mettant toutes ces pièces ensemble, je me suis demandée si le mot "hypnose" n'était pas une des clés.
Je n'ai jamais fait l'expérience personnelle de cette méthode et ai souvent douté de sa réalité en voyant des spectacles ou des reportages, mais depuis que c'est utilisé en médecine, pour supprimer la douleur, je commence à croire qu'il y a quelque chose de réel dans cette méthode.
Peut-on hypnotiser par l'intermédiaire d'un écran ?
On peut en tout cas insérer des images subliminales, des messages qui s'adressent directement à l'inconscient.
J'imagine que les vidéos de propagande ont été décortiquées et les spécialistes des images ont dû chercher les messages subliminaux. Et qu'ils n'en ont pas trouvé. S'ils en avaient trouvé, je pense que cela se saurait, car ce serait une information capitale.
Ils se peut que le simple visionnement de héros du désert dans des attitudes martiales et drapeau au vent suffisent à envoûter des ados et post-ados paumés et paumées.
On pourrait voir le côté "verre plus qu'à moitié plein", en se disant que sur l'ensemble des jeunes de 15 à 25 ans, seul un minuscule pourcentage part, mais on sent bien que cet argument n'est pas pertinent.
Chaque départ est un de trop et il n'est pas possible de continuer à laisser faire, à laisser diffuser et regarder de la propagande hallucinante et hallucinée. J'y vois véritablement un mauvais usage de la liberté.