Les universalistes (mondialistes, déconstructeurs) aimeraient sans doute que les nations n’aient plus d’identité. Les résidents seraient comme des passagers d’une croisière: de simples voyageurs de hasard, sans attache particulière.
Cette image est de David Goodhart. Un libéral anglais, auteur et journaliste, anciennement de la gauche libérale, aujourd’hui toujours libéral mais ayant revu à la baisse l’idéologie universaliste et immigrationniste qui prévaut encore.
Je propose ici quelques extraits repris d’un article de France Culture. Cette présentation synthétise la pensée de Goodhart. Il ne faut pas se fier à l’aspect simplificateur du clivage nouveau qu’il propose: derrière les termes il y a un profond choix politique, et les prémices du nouveau paradigme culturel à venir: les universalistes ont fait fausse route et les culturalistes (souverainistes, libéral-nationalistes, populistes) sont bien plus qu’un symptôme ponctuel que l’on peut traiter avec condescendance ou assimiler stupidement à un ressac réactionnaire ou d’inspiration fasciste.
« David Goodhart a déclenché bien des débats en Grande-Bretagne, avec la publication d’un essai intitulé The Road to Somewhere. The populist revolt and the future of politics. La route vers quelque part. (Révolte populiste et avenir des politiques populistes). Et il propose, si l’on veut comprendre quelque chose au redéploiement en cours de la vie politique dans nos vieilles démocraties, de remplacer l’axe gauche / droite, par le clivage Anywhere / Somewhere. Que j’ai traduit par « gens de n’importe où » et « peuple de quelque part ». Car pour lui, les oppositions basées sur des critères purement socio-économiques sont devenus insuffisants. Il faut leur ajouter des éléments culturels. Les « politiques de l’identité » qu’avait mises en avant le New Labour, à l’époque de Tony Blair – identité ethnique, identité de genre, identité religieuse – font désormais partie du paysage. Elles ont définitivement bousculé une société britannique autrefois structurée par les appartenances de classe.
Le clivage droite/gauche, dans beaucoup de nos démocraties est en train de céder la place à d’autres différenciations. Europhiles versus europhobes, ouverture/fermeture, libéralisme/autoritarisme, …
Les premiers, les Gens de n'importe où, sont bien dotés en capital culturel et en diplômes donnant accès aux emplois cotés sur le marché du travail. Disposant de réseaux relationnels acquis dans quelque grande école française, ou une prestigieuse université anglo-saxonne, ils disposent d’une « identité portative ». C’est dire qu’ils sont à leur aise partout dans le monde. Ils valorisent la réussite professionnelle et l’auto-réalisation. Ils sont favorables à la mondialisation et leur valeur préférée est l’ouverture. Optimistes, curieux d’autrui et tolérants par principe, ils sont spontanément multiculturalistes.
Le Peuple de quelque part est plus enraciné. Ses membres sont rarement passés par l’enseignement supérieur. Ils sont assignés à une identité prescrite. La mondialisation, pour eux, cela signifie que les usines s’en vont et que les immigrés arrivent. La dignité qui s’attachait à la condition ouvrière est perdue. L’économie du savoir et les emplois qualifiés, que promettait l’Agenda de Lisbonne, ce n’était pas pour eux. Ils se considèrent comme les laissés-pour-compte de l’intégration européenne. Il y a de fortes chances qu’ils habitent une petite ville proche du domicile de leurs parents. Car ils ont le sens de la communauté et de la famille. Ils sont culturellement conservateurs.
Dans son dernier livre, David Goodhart enquête sur la causes idéologique et sociologiques du Brexit et de l’élection de Donald Trump. A ses yeux, ces deux évènements sont liés et témoignent de phénomènes fort comparables. Car ces votes protestataires constituent la revanche du « Peuple de quelque part », furieux de n’avoir jamais eu réellement voix au chapitre.
Ce sont, en effet, les « Gens de n’importe où » qui dominent la vie politique, les médias et l’Université. Ayant progressivement conquis l’hégémonie culturelle, ils ont imposé une idéologie qui sert leurs intérêts. Ce que Goodhart, après d’autres, nomme le « double libéralisme ». Un libéralisme culturel, venu des années 60, qui a ébranlé toutes les structures d’autorité. Et un libéralisme économique, imposé à partir des années 80, avec la prééminence accordée aux marchés sur les régulations étatiques. Progressivement, tout ce qui contestait ce double libéralisme a été chassé de la scène publique.
Dans un premier temps, le centre-gauche politique ne s’est que trop bien adapté à cette double révolution. Ainsi Tony Blair présentait-il la mondialisation et l’immigration de masse comme des phénomènes quasi-naturels, face auxquels il n’y avait d’autre issue, pour les Britanniques, que de s’adapter. Mais aujourd’hui, les partis socio-démocrates sont dans la nasse. Car leurs électeurs appartenaient autrefois au Peuple de quelque part. Et celui-ci estime qu’il a perdu à ces changements, rapides et radicaux. 62 % des Britanniques approuvent ainsi l’opinion : « le pays a tellement changé dans les dernières années qu’il est devenu méconnaissable et cela provoque en moi un malaise. »
Pourtant, le « Peuple de quelque part » ne remet pas en cause la totalité des acquis de la double révolution libérale. Il voudrait seulement que les élites, qui la pilotent, en ralentissent le rythme. La rapidité avec laquelle les sociétés ont été bouleversées par une immigration sans précédent a créé, chez lui, une « anxiété culturelle ». Ses membres réclament un accord général sur des normes de comportement communes. David Goodhart qualifie leur idéologie de « populisme de la décence ».
Je reviendrai ultérieurement sur son analyse des erreurs et des fautes de l’universalisme déconstructeur en matière d’immigration, phénomène majeur dans l’évolution de nos sociétés.
Commentaires
On peut également se ressentir fortement, non follement, de nulle part, ou presque, à part infime grain de poussière
Suffit de regarder une carte du ciel...
ce qui "allège"!
C'est vrai Myriam, et parfois cela fait du bien de s'affranchir pendant un moment de son Histoire.
Passionné des étoiles je ne peux que le comprendre.
Mais l'Histoire revient avec ses contingences: la langue, les impôts, les visas, le climat, la couleur, les croyances, etc.
"la langue, les impôts, les visas, le climat, la couleur, les croyances,..." la criminalité, les incivilités...
Très intéressant billet une fois de plus. Je dirais "partis social-démocrates" plutôt que socio-démocrates, mais je n'ai pas vérifié...
Attention à l'homophonie de prémices et prémisses, souvent source de fautes sur cette plateforme. Prémices = commencement, début d'un événement - ce qui est le cas dans votre billet. Prémisses : termes de logique, propositions d'une démonstration qui aboutit à une conclusion. Juste en passant et sans pédanterie.
Bien à vous.
Merci Gislebert, ne vous inquiétez pas je vous suis reconnaissant. J'aime le français et je me laisse corriger avec simplicité.
Ce n'est pas la première fois que je commets cette erreur, je n'ai pas encore ancré la chose assez profond dans mon esprit pour qu'elle devienne un automatisme.
Bien à vous.
Intéressant!
Les expat' sont les exemples de cette élite de travailleurs à hautes qualifications qui habitent là où l'herbe est la plus grasse.
Cependant, on trouve aussi des gens de n'importe où dans les couches les plus populaires. Les cités sont pleines d'immigrés de première, seconde ou troisième génération, qui ne sentent pas français. Ce sont les premiers à envisager de partir bosser n'importe où et qui pourraient profiter d'une uberisation de la société. Le sans papier peut également être considéré comme un expat' pirate victime de son lieu de naissance... Seul la possibilité d'évoluer économiquement les pousse.
A ce titre, Genève est une ville schizophrène. On retrouve un tas d'expatriés et de prolétaires de partout. Mais la ville est dirigée par une classe de bourgeois enracinés.
@ Riro
"Les cités sont pleines d'immigrés de première, seconde ou troisième génération, qui ne sentent pas français. Ce sont les premiers à envisager de partir bosser n'importe où"
vous pensez qu'ils sont les premiers à envisager de partir bosser n'importe où !!!
leur problème c'est plutôt que la France a été laxiste envers eux, donc nombre d'entre eux sont devenus asociaux, et un asocial préfère sa vie de trafiquant au lieu d'aller bosser ailleurs c'est nettement plus lucratif.
Juste, Riro. C'est pourquoi il faut nuancer un peu, ou compléter les définitions de Goodhart.
@leclercq
Vous avez en partie raison. Le crime paie mieux que le boulot dans certains quartiers. Mais il existe de nombreux jeunes qui ont préférés partir. J'en ai connus! J'avais un collègue d'origine algérienne, né aux Tarterets vers Paris, qui avait appelé ses gosses Brandon et Kelly! Il avait bossé aussi dans le Valais.... J'imagine que ce même type serait parti au Quatar et aurait appelé ses gosses autrement aujourd'hui.
J'avais aussi connu une famille de cubains en Espagne qui trimaient dans des cuisines de bistrots payés à peine 900 euro par mois. Après la crise, ils sont partis aux USA. Ne sachant pas un mot d'anglais, ils y ont trouvé du boulot et roulaient en voiture après 2 mois.
Ces gens ne sont pas attaché à une terre, ni à un Etat. Ils vont là où se trouvent les opportunités. Ils considèrent les frontières comme des barrières, pas comme une protection. Internet joue un rôle important dans cette histoire de déracinés. Car les gens vivent en communauté virtuelle.
les écrits du Maire de ma commune, et les gens de gauche voudraient nous donner des leçons !!!
Le Mot du Maire
Bonjour à tous,
Certaines fois, j'ai du mal à trouver un sujet pour ce fameux « mot du maire », mais là depuis 3 semaines, je rumine, je fulmine, et ce n'est pas le défilé d'une dizaine de voitures - tel un cirque qui traverse un village - de la caravane de la candidate de notre circonscription, ce samedi matin, qui allait apaiser mon profond regret, et mon ahurissement quant aux résultats, chez nous, des élections présidentielles.
Au matin du 8 mai, alors que je n'avais pas encore pris connaissance des pourcentages de notre département, un journaliste me contactait pour me demander comment j'expliquais que l'extrême droite ait réalisé le meilleur score ligérien dans notre commune.... Quelle ne fût pas ma surprise, alors comment l'expliquer ??
Que dans notre commune, où le vivre ensemble est le moteur, une raison d'être, 58,72% des votants se soient exprimés en faveur d'un parti qui prône le repli sur soi, la peur de l'autre, est pour moi inexplicable. Que 165 personnes, dont je suis persuadé d'en connaître au moins 120 - d'ailleurs certains le revendiquent - aient fait ce choix me désole car parmi ceux-là une partie fait vivre nos associations, une grande majorité a un emploi, une situation stable (chez nous le chômage n'excède pas 4%), certains ont dans leur entourage une ou plusieurs personnes issues de l'immigration, la quasi-totalité est propriétaire de son logement et a un patrimoine...
Je n'ai pas la prétention d'avoir « la solution » ou le monopole de la réflexion mais ce dont je suis sûr c'est qu'un tel vote n'est pas la Solution. Je veux bien que nous ayons tous peur pour notre pouvoir d'achat, mais entre une hausse de la CS.G. par exemple et une atteinte aux libertés individuelles, la question ne devrait pas se poser car même si ce n'est pas ce qui est mis en avant, c'est bien de cela qu'il faut parler...
Nous ne sommes ni les plus en difficulté, ni les plus impactés par l'immigration alors soyons un peu raisonnables, n'écoutons pas que les slogans qui « tapent » et qui peuvent faire rêver, quoique...Mais plutôt retournons nous sur le passé européen où en 1929 un parti national socialiste est arrivé au pouvoir par les urnes, dans le même climat social que chez nous aujourd'hui, et puis sans aller trop loin, regardons aussi autour de nous dans des pays comme la Hongrie, la Turquie, par exemple qui sont gouvernés par l'extrême droite.
Et que dire des Etats-Unis (qui Dieu merci a dans sa constitution des garde-fous), où sous couvert de relever l'économie, on ne tient plus compte du climat, on supprime la couverture santé des plus pauvres ; mais où on nous explique la bonne façon de penser, de vivre, alors que chez nous la diversité culturelle, raciale fait notre richesse, notre histoire...
Ce même journaliste m'a questionné quant à ma position sur les démissions de maires qui ont vécu le même résultat. Là ma réponse a été claire : j'aime trop ma commune et puis je ne leur ferais pas le plaisir du « lâcher prise ».
Pour le 8 mai, lors d'un tournoi defoot, une personne m'a dit « alors tu t'es sauvé de ta «fachosphère » », même sur le ton de la plaisanterie, cette remarque fait mal H!
Malgré cela, je suis persuadé que l'immense majorité des gens qui ont déposé ce bulletin dans les urnes, ne sont pas comme ça ; car sinon comment pourrait-on rechercher des bénévoles pour nos associations, demander une aide à son voisin, même s'il est différent, ce qui est notre quotidien....
Simplement, même si ce n'est pas ce que l'on pense en s'exprimant comme ça, on accepte d'être gouverné par des gens qui ont ces pensées fascistes, racistes, homophobes....
Pour terminer, en ce moment on nous parle tous les jours de Patriotisme. Là dessus je suis catégorique, ils n'ont pas le monopole du Patriotisme : je me considère autant si ce n'est plus patriote qu'un militant de ce parti.MAIS EN PLUS, ceux qui comme moi ne se reconnaîtront jamais dans ces courants extrémistes sont certainement plus attachés aux valeurs de la République, une et indivisible, comme le dit notre constitution, que ces gens-là.
Alors, s'il vous plait, avant de voter de la sorte, REFLECHISSEZ II! Votre Maire, Charles LABOURE